Pourquoi Mercedes crée la controverse avec sa suspension
Depuis quelques courses, l’écart qui sépare les Mercedes de leurs rivales ne cesse d’augmenter. Qu’est-ce qui explique une telle différence de performance ?
Photo de: Giorgio Piola
Les analyses techniques F1 de Giorgio Piola
Éminent expert technique de Formule 1, Giorgio Piola suit les Grands Prix depuis les années 1960. Sur Motorsport.com, ses analyses et illustrations se penchent sur toutes les nouveautés aperçues en F1 au fil des Grands Prix.
Même si Mercedes a beaucoup développé l’aérodynamique de sa W07, cela ne peut pas tout expliquer. Mais depuis quelques semaines, ses suspensions sont scrupuleusement analysées. Le magazine allemand Auto Motor und Sport avance même que certaines écuries ont demandé à la FIA de revoir le règlement technique afin d’empêcher Mercedes de profiter d’un tel avantage.
Regardons ce que Mercedes a fait et ce qui a créé cette controverse.
Les leçons apprises du FRIC
On se souviendra que Mercedes a intrigué les experts lors du Grand Prix du Brésil l’an dernier, en munissant ses W06 de nouvelles pièces de suspension et d’un S-Duct en vue de la saison 2016.
Cela confirmait la philosophie de design adoptée par Mercedes depuis quelques années puisqu’elle continue à affiner ce qu’elle a appris avec le fameux système FRIC.
FRIC est l’acronyme de "Front-to-Rear-Inter Connected Suspension", un dispositif banni par la FIA au milieu de la saison 2014. Celui-ci utilisait des accumulateurs hydrauliques pour les quatre suspensions afin de les stabiliser en toutes circonstances, ce qui améliorait la performance mécanique et aérodynamique.
Il est important de noter ici que tout système FRIC ou de contrôle de suspension utilisé actuellement n’est pas actif. Il s’agit de systèmes passifs qui sont conçus afin de travailler de façon harmonieuse.
Après le Grand Prix de Grande-Bretagne 2014, la FIA a publié une directive technique indiquant que le FRIC constituait une violation du règlement, car il améliorait l’aérodynamique de la voiture.
En revanche, face au nombre de systèmes différents utilisés à l’époque, la FIA a dit qu’elle fermerait les yeux sur de tels systèmes jusqu’en 2015 sauf si une écurie protestait. Et toutes les écuries ont démonté leurs systèmes de peur d’être mis au banc des accusés au Grand Prix suivant.
Rien n’arrête le progrès
Si le FRIC a été interdit, tout ce qui a été appris ne pouvait pas être simplement oublié. Ainsi, Mercedes, qui avait conçu le système le plus sophistiqué, a poursuivit le développent d’autres système hydrauliques permettant d’augmenter la stabilité du châssis durant les phases de freinages et en virages. On remarque que les pilotes Mercedes peuvent escalader les bordures et couper les trajectoires sans affecter leurs pneus.
La W07 dispose d’un train avant complètement hydraulique, avec un troisième amortisseur qui est unique à la voiture allemande. Ce troisième amortisseur est placé derrière les basculeurs (voir en inséré dans l'illustration ci-dessus) et aide à contrôler le déplacement vertical de la suspension. On retrouve un système similaire à l’arrière.
Toutes les autres voitures sont munies d’un troisième élément, mais peu en possèdent un hydraulique. Renault et Sauber en possèdent un, mais il est beaucoup plus simple que celui de Mercedes. Les autres monoplaces sont munies d’un ressort ou d’un amortisseur qui contrôle ces mouvements, tandis que Red Bull et Williams se fient à un ressort Belleville.
Ce qui est caché
Mercedes a été particulièrement efficace en termes de packaging et d’accès, et on peut constater sur cette photo la large échancrure située vers le couple avant.
Cet arrangement provient de la permission accordée par Charlie Whiting à Manor Racing d'installer une entretoise de châssis afin de mettre sa MR03 aux normes.
L’utilisation d’un panneau cosmétique, permis en 2013 afin de cacher le nez hideux des voitures, est la dernière pièce du puzzle qui permet à Mercedes de concevoir un tel châssis et permettre aussi aux flux d’air de passer à travers le nez et de ressortir par la trappe supérieure.
Toutes les autres écuries ont profité de la présence du panneau cosmétique pour mieux intégrer leurs suspensions et les trappes d’accès, mais aucune, sauf Mercedes, n'a songé à l’utiliser de façon si ingénieuse.
On peut ici noter que Red Bull et McLaren ont placé leurs basculeurs assez hauts, ce qui aurait été impossible à faire sans ces modifications apportées au nez des voitures et au panneau cosmétique.
Des avantages
Les avantages d’un tel système sont évidents. Un des facteurs clés de la performance concerne les pneus. Créer un châssis stable va augmenter la performance et réduire l’usure des pneus, mais aura aussi des répercussions aérodynamiques.
Lors d’un tour de piste, les pneus se déforment considérablement sous l’effet des contraintes mécaniques et aérodynamiques. Mais si on peut limiter ces contraintes, les pneus se déforment moins. En retour, ceci limite les perturbations de flux d’air qui lèchent la voiture, surtout lors des phases de freinage et de passage en virages. De plus, ceci place moins d’efforts sur les pneus, ce qui stabilise les pressions d’air et les températures, et facilite aussi le pilotage.
C’est pour cette raison que l’écurie Mercedes a développé des tambours de chauffage des freins destinés à être installés sur la grille de départ. Ainsi, la chaleur générée par les freins irradie aux roues et chauffe les pneus.
La pression minimale des pneus étant vérifiée par la FIA avant le départ, Mercedes gonflait peu ses pneus, mais les faisait artificiellement monter en pression avec ces tambours. Les pneus étaient donc à la bonne pression lors des mesures effectuées par la FIA.
Quand la FIA et Pirelli ont modifié la méthodologie de mesure de pression d’air, Mercedes a dû réagir. Elle l’a fait en continuant à utiliser des tambours chauffants sur la grille. Les pneus étaient donc toujours préchauffés, mais probablement un peu moins qu’auparavant.
Ce changement de méthodologie n’a certainement pas eu les effets escomptés. Mercedes a certes perdu un peu de son avantage, tandis que Red Bull en a profité un peu.
Toutefois, pour le Grand Prix de Hongrie, Mercedes a apporté des modifications à son troisième amortisseur ; une conséquence de ce plus récent changement de pression d’air minimal dans les pneus.
Et maintenant ?
Il semble bien que cette brèche dans le règlement technique qui permet à Mercedes d’adapter son châssis de telle façon a été au centre des discussions des directeurs techniques qui a eu lieu après Monza. Il y a fort à parier que les écuries rivales ont demandé à ce que cette brèche soit colmatée.
Toutefois, la rédaction du règlement technique 2017 a atteint un point de non-retour. Apporter un changement nécessite donc le vote unanime de toutes les écuries, ce qui risque fort de ne pas survenir.
Mercedes devrait donc continuer à profiter de cet avantage l’an prochain, forçant les autres écuries à suivre bien malgré elles, même si la FIA condamne cette pratique et l’interdit pour 2018.
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