Technique - Pourquoi Red Bull peut être favori à Singapour

Bien des gens misent gros sur une possible victoire d’une Red Bull ce week-end au Grand Prix de Singapour.

Daniel Ricciardo, Red Bull Racing RB12

Photo de: Alessio Morgese

Les analyses techniques F1 de Giorgio Piola

Éminent expert technique de Formule 1, Giorgio Piola suit les Grands Prix depuis les années 1960. Sur Motorsport.com, ses analyses et illustrations se penchent sur toutes les nouveautés aperçues en F1 au fil des Grands Prix.

Les Red Bull sont performantes sur les circuits qui exigent de bonnes qualités du châssis et où la puissance brute du moteur compte relativement peu, comme à Monaco, en Hongrie et à Singapour.

Pourtant, on a les a vues étonnamment performantes sur des tracés qui ne devaient pas les favoriser. À Monza, par exemple, la vitesse maximale des Red Bull était assez proche de celle des meilleures voitures, et ce en dépit du relatif manque de puissance du moteur Renault.

Alors comment se fait-il que cette RB12 soit aussi compétitive dans ces circonstances ? Nos collègues de l’édition italienne de Motorsport.com ont posé la question à Enrique Scalabroni, ex-designer chez Ferrari et Williams. Selon l’Argentin, tout est une affaire d’angle d’attaque de la voiture, car il croit que la Red Bull dispose d’un réglage variable de celui-ci, augmentant l’appui et diminuant la traînée.

On remarque que, depuis 2009, les Red Bull possèdent, à l’arrêt, un angle d’attaque très prononcé, avec le nez collé près du sol et le train arrière étonnamment soulevé afin de profiter du diffuseur le plus volumineux possible. 

Système FRIC de la Mercedes W04
Système FRIC de la Mercedes W04

Giorgio Piola

Scalabroni explique que, durant les premières années de cette configuration, les ingénieurs de Red Bull ont dû trouver des solutions ingénieuses afin de sceller le diffuseur. C’est donc sans surprise que Red Bull fut l’une des premières écuries à utiliser des échappements soufflants.

L’énergie des gaz d’échappements servait à "sceller" l’espace compris entre le flanc du pneu arrière et le diffuseur, créant une sorte de jupe thermique qui améliorait le rendement du diffuseur. 

L'aileron avant flexible de la Red Bull RB6
L'aileron avant flexible de la Red Bull RB6

Giorgio Piola

De plus, Red Bull profitait d’autres innovations rusées, comme un aileron avant flexible qui exploitait à fond l’angle d’attaque de la monoplace. Ces ailerons souples pivotaient depuis la section neutre du plan principal jusqu’aux extrémités, ce qui maximisait le vortex créé, améliorant l’appui et repoussant l’air autour des pneus avant.

Cette découverte a incité la FIA a effectuer des contrôles plus sévères de la rigidité des ailerons. Si les effets d’un aileron flexible ont énormément diminué, ils n’ont toutefois pas été oubliés. 

Les T Trays (plateaux à thé) des Ferrari SF15T et Red Bull RB9
Les T Trays (plateaux à thé) des Ferrari SF15T et Red Bull RB9

Giorgio Piola

L’angle d’attaque spectaculaire de la Red Bull est toutefois fortement limité par la présence, sous la coque, de l’étrave, aussi nommée "tea tray". L’efficacité de cette étrave est liée à sa proximité avec le sol. Et la FIA contrôlait régulièrement l’espace qui sépare le point le plus bas de l’étrave avec le sol.

Au fil des années, les écuries ont utilisé plusieurs stratagèmes afin de contourner le règlement technique concernant l’étrave et sa rigidité, et les Red Bull ont été contrôlées de façon régulière. Les tests de déformation ont été renforcés depuis 2009, mais un changement majeur est survenu en 2014 quand la FIA a insisté pour que les voitures soient munies de blocs de friction en titane et non plus en tungstène.

L’obligation du titane permettait aux voitures de créer de véritables feux d’artifices d’étincelles au passage des bosses, mais confirmait aussi que les écuries se servaient précédemment de tungstène dans un but bien précis.

Du même poids que ceux en titane, ces blocs de friction en tungstène s’usaient beaucoup moins vite. Les blocs pouvaient donc frotter presqu’en permanence avec la piste sans endommager la plaque d’usure fixée sous le châssis.

C’est donc sans surprise que certaines écuries rivales avancent que ce passage du tungstène au titane aurait été dicté afin d’empêcher Red Bull de faire rouler ses voitures avec un angle d’attaque si élevé que son étrave aurait frotté le sol en permanence.

En dépit de cette modification, les Red Bull roulent toujours avec un angle d’attaque élevé. Afin que cela fonctionne, il faut que toutes les pièces de la voiture soient créées dans ce but précis. Si les gaz d’échappement ne peuvent plus être utilisés pour sceller le diffuseur, les écuries tentent de trouver des façons de minimiser les perturbations des flux d’air.

Le retour de l’angle d’attaque élevé

Scalabroni croit que cela débute par une zone aérodynamique majeure située à 250 mm du centre de la voiture, où la section neutre du plan principal de l’aileron rejoint les volets.

Plusieurs gradients de pression se rencontrent à cet endroit, ce qui génère un puissant vortex (Y250) qui longe la voiture. Ce vortex est redirigé et modifié par la présence des autres artifices aérodynamiques.

Générant beaucoup d’appui, la RB12 est une voiture très rapide en virage. Mais cela n’explique pas comment elle parvient à rouler aussi vite en ligne droite en dépit du déficit de puissance de son moteur.

Selon Scalabroni, l’équipe fait rouler sa voiture avec des ressorts arrière beaucoup plus souples que ceux que l'on retrouve sur les autres monoplaces. Il ajoute qu’afin de conserver une stabilité aérodynamique, une voiture est habituellement munie de ressorts arrière de 1500 livres, tandis que la Red Bull se contenterait de ressorts de seulement 600 livres.

Cela signifie que la voiture possède un angle d’attaque optimal dans les virages, créant beaucoup d’appui, mais lorsqu’elle roule à haute vitesse, l’appui fait descendre l’arrière de la voiture, y compris l’aileron arrière. Ceci réduit l’appui et la traînée, ce qui augmente de vitesse maximale.

Un coup d’œil à la suspension

Il est impossible de parler de cette trouvaille sans jeter un coup d’œil au FRIC, le dispositif qui connectait entre elles les suspensions avant et arrière. En 2014, la FIA a interdit tout dispositif hydraulique permettant de relier les suspensions afin de stabiliser la plateforme aérodynamique des voitures. On sait que ce dispositif améliorait à la fois la stabilité mécanique et aérodynamique des voitures. 

Détails de la suspension de la Mercedes AMG F1 Team W07
Détails de la suspension de la Mercedes AMG F1 Team W07

Giorgio Piola

Le système FRIC a peut-être été banni, mais les connaissances des ingénieurs n’ont pas pu être effacées. En fait, les écuries ont poursuivi leur travail sur de nouvelles solutions qui permettent d’augmenter le grip mécanique sans trop nuire aux performances aérodynamiques.

Mercedes est en avance dans ce domaine avec un arrangement hydraulique complexe à l’avant de ses W07 qui permet aux pilotes d’escalader les vibreurs et de prendre des trajectoires agressives, tout en améliorant la performance des pneus et en réduisant leur usure.

Red Bull a très certainement travaillé sur les suspensions de sa RB12, mais il faut aussi avouer que le règlement qui fixe la pression d’air dans les pneus a joué en sa faveur. Les pressions élevées exigées par Pirelli signifient que les flancs des pneus se déforment moins, ce qui améliore la constance aérodynamique. Ceci s’explique par le fait qu’un pneu est un objet organique dont les propriétés changent et évoluent durant un tour de piste selon les contraintes exercées.

Maîtriser la déformation des pneus sous les contraintes peut engendrer des gains majeurs, surtout lors des passages en virage quand la déformation du pneu pousse le flux d’air latéralement à travers les structures aérodynamiques majeures, ce qui perturbe l’appui. Et à vitesse maximale, le pneu se déforme sous l’effet de sa rotation, ce qui augmente la traînée.

L’excellent contrôle de la pression et de la température des pneus était une des forces de l’écurie Mercedes. Les récents changements apportés aux pressions d’air ont certainement engendré des effets négatifs.

Autre point qui motive Red Bull à Singapour : les ennuis de pneus rencontrés par Mercedes sur ce tracé l’an dernier. L’écurie allemande a immédiatement créé un groupe d’étude spécifique afin de trouver des solutions.

Les membres de l’écurie Red Bull et ses deux pilotes sont donc fortement motivés pour disputer cette course en nocturne, une des rares de la saison qu’ils peuvent espérer gagner.

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