Interview

Critiques faites aux ailerons : Ducati s'insurge

Alors que les ailerons viennent d'être interdits avec effet immédiat en Moto3, le débat continuer de faire rage en catégorie reine. Ducati tente de défendre ce développement technologique que veut lui contester la concurrence.

Les ailerons Ducati

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Gigi Dall'Igna, Ducati Team
Rendu informatique (CFD) des ailerons, Ducati Team
Les ailerons Ducati
Rendu informatique (CFD) des ailerons, Ducati Team
Andrea Iannone, Ducati Team
Rendu informatique (CFD) des ailerons, Ducati Team
Les ailerons Ducati
Rendu informatique (CFD) des ailerons, Ducati Team
Les ailerons Ducati
Andrea Dovizioso, Ducati Team
Andrea Iannone, Ducati Team
Andrea Dovizioso, Ducati Team
Andrea Iannone, Ducati Team
Andrea Dovizioso, Ducati Team
Andrea Dovizioso, Ducati Team

Ducati a décidé de réagir. Lors de la dernière réunion du MSMA (l'association des constructeurs engagés en MotoGP), Gigi Dall'Igna a apporté un dossier technico-scientifique afin de désamorcer factuellement les polémiques suscitées par les ailerons, nés sur les Desmosedici GP puis copiés par tous.

Paolo Ciabatti, responsable du programme MotoGP, est agacé. "Nous sommes contrariés par le fait que l'on utilise des arguments peu objectifs pour diaboliser les ailerons", déclare-t-il à Motorsport.com. "À mon avis, Honda a donné des instructions précises à ses pilotes pour qu'ils les critiquent sans cesse : Pedrosa met généralement en évidence leur danger, tandis que Márquez se plaint des turbulences. Ducati a fait une proposition sérieuse pour essayer d'en améliorer la sécurité, mais certains n'ont même pas voulu en discuter. C'est le signe que, de l'autre côté, ils n'ont qu'un seul objectif : les faire interdire !"

Pour quelle raison ? Ducati a un carénage plus grand, ce qui lui permet d'avoir des ailerons plus efficaces, tandis que la Honda est une moto plus profilée et ne peut obtenir le même avantage que les Rouges. Est-il possible qu'une question technique soit masquée par une question de sécurité ? Afin d'obtenir une réponse à cette interrogation, Motorsport.com s'est entretenu avec Gigi Dall'Igna, et ce alors que l'équipe italienne prépare son Grand Prix national.

"Cela fait un an et demi que Ducati utilise les ailerons", nous explique le directeur général de Ducati Corse. "Leur développement est né il y a longtemps, mais auparavant ils n'étaient utilisés que de temps en temps. Nous en avons étudié différents types, selon les pistes sur lesquelles nous allions courir. On ne nous a jamais rien demandé concernant les accidents dans lesquels nos pilotes ont été impliqués durant cette période et personne ne s'est jamais fait mal dans ces contacts. À commencer par celui qui a lancé cette polémique, [le contact] au premier virage du Grand Prix d'Argentine entre Iannone et Márquez."

Motorsport.com : Marc n'a pas été blessé dans cet accrochage…
Gigi Dall'Igna : "Il est clair qu'il y a eu un contact entre le dos de Marc et l'un de nos ailerons. Il n'avait pas de signes évidents sur la combinaison et il n'a eu aucun problème physique car personne n'en a jamais parlé. De plus, l'aileron s'est détaché précisément comme cela était prévu. Il est vrai que la caméra de la moto de Márquez s'est elle aussi détachée : très franchement, je pense qu'elle l'aurait fait même sans la présence de l'aileron, parce que c'était un contact assez important, mais je n'ai pas de données certaines sur cela. Ce n'est que mon avis."

La FIM veut réglementer les appendices aérodynamiques

C'est alors que la FIM s'est manifestée…
"Suite à cet événement, il est apparu dans les journaux toute une série de déclarations injustifiées et inexplicables au sujet de la sécurité des ailerons, ce qui a fait prendre à la FIM une position claire, mais également raisonnable. La Fédération soutient que les ailerons n'ont jusqu'à présent jamais été utilisés de façon aussi continue et élargie, étant donné que tout le monde nous les copie désormais avec l'objectif de rendre la moto plus facile à piloter."

La FIM veut désormais réglementer l'utilisation des ailerons…
"Il est temps de rédiger des règles, qui certifient d'une certaine manière que l'aileron est sûr en cas de contact. Je pense qu'il s'agit d'une demande légitime, si bien que nous sommes disposés à travailler avec la FIM et la Dorna afin de trouver le système le plus sûr."

De quelle manière ?
"Nous avons présenté une proposition, que nous jugeons source d'amélioration. Nous l'avons présentée au MSMA, car nous estimons qu'il s'agit de l'instance au sein de laquelle il est correct de discuter de ce sujet. Cependant, nous n'avons pas réussi à parler du document et donc à trouver une solution."

Plus d'adhérence à l'avant

De quelle manière pouvez-vous prouver que les ailerons ne sont pas dangereux ?
"Je suis absolument certain qu'une moto dotée d'ailerons est plus sûre qu'une moto qui n'en a pas, car les appendices ont pour but de maintenir le contact entre la roue avant - celle qui donne la direction à la moto - et l'asphalte. Si le pilote contrôle mieux la moto, il est plus en sécurité. Bien entendu, il y a des facteurs favorables et d'autres défavorables, comme dans tout, mais si l'on raisonne de façon scientifique, on peut trouver des solutions utiles pour rendre les ailerons encore plus sûrs en cas de contact entre les pilotes. Il suffit simplement de le vouloir."

Certains voudraient-ils priver Ducati d'un avantage ?
"J'estime que toutes ces polémiques découlent du fait que les autres constructeurs ont constaté que Ducati avait un avantage sur ce front, puisque nous avons commencé avant les autres. Ils cherchent des excuses pour éliminer cet avantage que nous nous sommes attribué de manière absolument légitime."

Pas de dépense supplémentaire

Certains craignent l'augmentation des coûts...
"Ducati n'a pas dépensé un euro supplémentaire dans des études aérodynamiques par rapport à ce que nous aurions investi si l'aileron n'était pas entré dans notre vie technique. Le développement du carénage en CFD (simulation de dynamique des fluides computationnelle, ndlr) ou en soufflerie, nous le ferions quoi qu'il arrive. Le nombre d'heures que nous avons dépensées en simulation ou en soufflerie est identique à celui que nous aurions dédié pour étudier un carénage portant. Nous aurions eu une solution moins technique et moins intéressante pour les journalistes et les passionnés."

Vous démontez toutes les critiques…
"Un autre aspect joue en faveur des ailerons. Ils nous permettent de différencier les MotoGP des Superbike. Aujourd'hui, on voit que les dérivées de série adoptent des stickers en forme de phares. Cela me parait peu sensé. Les ailerons, en revanche, différencient la MotoGP de la Superbike de manière technique, ils donnent même de la qualité à la MotoGP. C'est une autre des raisons pour lesquelles je trouve qu'il serait peu raisonnable de les ôter."

Les techniciens Ducati ont travaillé avec des universitaires de la Polyclinique de Modène sur la sécurité des ailerons. Vous avez recueilli des informations sur les matériaux et sur la force devant faire se détacher l'aileron du carénage en cas de contact. Pouvez-vous nous fournir quelques données ?
"Le détachement de l'aileron survient avec des valeurs énergétiques comparables à celles d'une balle de tennis qui heurte un joueur. Il me semble que l'on parle de charges absolument normales pour un corps humain, parce que je n'ai jamais vu un tennisman jouer avec des protections particulières ou avec un casque. Nous avons également étudié une limite de poids pour que l'aileron ne soit pas dangereux si les pilotes devaient le heurter. Nous avons proposé 200 grammes, en gardant à l'esprit que la mouette qui a heurté Iannone a Phillip Island pesait environ un kilo. Je crois que nous parlons de choses raisonnables et nous seront prêts à en discuter avec les autres, mais sans a priori."

Les pilotes parviennent-ils à comprendre à quel moment l'aérodynamique entre en jeu ?
"Nous parlons de charges aérodynamiques modestes. Iannone l'a démontré lorsqu'il a perdu un aileron en Argentine et qu'il s'est retrouvé avec une moto asymétrique : Andrea a fait une bonne course et il jouait le podium [avant sa chute]. Cela n'a rien de comparable avec les appuis de la F1. Je ne comprends donc pas les discours liés à la perte de charge et aux turbulences. Ce sont des mots inutiles : il est possible de générer des turbulences pour la moto qui vous suit même sans ailerons. On se raccroche à n'importe quoi pour trouver des motivations utiles et effacer un avantage à ceux qui se le sont construit en y dédiant du temps et des efforts et en respectant le règlement."

Vous nous confirmez que l'aileron inférieur et l'aileron supérieur travaillent de manière différente ?
"Oui, justement parce qu'ils sont positionnés de manière différente. L'aileron supérieur réduit l'anti-wheelie, tandis que l'aileron latéral travaille de manière différente. Il peut aussi aider l'extraction de l'air chaud du carénage, mais il n'a pas été pensé pour cela. Disons que nous avons trouvé un avantage collatéral."

Trois types de profils différents

Combien de configurations d'ailerons avez-vous ?
"Nous les changeons selon les pistes : nous faisons des simulations pour choisir la configuration aérodynamique la plus adaptée. Pour le moment, nous avons trois configurations différentes, mais le concept est relativement récent et il pourrait donc y avoir d'autres développements avec le temps. En nous investissant, nous pourrons obtenir des résultats meilleurs que ceux que nous avons actuellement."

Combien de personnes travaillent sur les appendices aérodynamiques ?
"Il y a un aérodynamicien qui suit ce projet, mais je préfère ne pas citer son nom parce que tout le monde le voudrait tout de suite. Nous le récompenserons en l'envoyant sur les 24 Heures du Mans, qu'il veut voir à tout prix."

Et à quelle fréquence allez-vous en soufflerie ?
"Deux jours tous les deux mois. Le travail de recherche est mené au CFD et nous n'utilisons la soufflerie que pour la validation des données. Vous comprenez maintenant pourquoi je dis que les coûts dont on parle sont insignifiants. Quand Honda a lancé la boîte de vitesses seamless, personne ne s'est permis de demander l'interdiction d'une solution très couteuse. Je n'aurais pas trouvé cela correct : Honda a été pionnier dans un secteur technologique, ils ont trouvé un avantage de performances et ils l'ont gardé. Nous voudrions que la même chose se répète…"

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