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Hommage - Henri Toivonen ou les années folles des rallyes

Il y a trente ans presque jour pour jour disparaissait Henri Toivonen dans un terrible accident au Tour de Corse, qui en fit plus encore l’un des symboles des voitures du Groupe B, aussi impressionnantes qu’effrayantes.

Hommage à Henri Toivonen

Pour les plus jeunes passionnés de sport auto, et dont le rallye n’est pas la discipline préférée, le nom de Henri Toivonen est peut-être avant tout celui que porte le trophée remis chaque année au vainqueur de la Race of Champions. Un choix pas anodin puisque Michèle Mouton, co-créatrice de cette compétition de fin d’année qui regroupe des pilotes venus de divers horizons, a bien connu le pilote portant ce nom et dont la présence dans ce qu’on n’appelait pas encore le WRC couvrit les même années que la sienne - en gros, la première moitié de la décennie 1980.

Pour les mordus de compétition sur route plus qu’en circuit, en revanche, Toivonen incarne une sorte de mythe - mais un mythe entouré d’une dose de mystère. L’aura dont jouissait de son vivant le jeune Finlandais, et qui perdure aujourd’hui, avait et a toujours de quoi surprendre certains pour un pilote certes extrêmement rapide et spectaculaire mais à la carrière peinant à s’affirmer et qui venait seulement de prendre son véritable envol quand elle a été brisée net au Tour de Corse 1986. Et même son décès, ou en tout cas les causes de l’accident qui l’ont provoqué ainsi que celui de son copilote new-yorkais Sergio Cresto, demeurent flous 30 ans plus tard et le resteront probablement.

Deux victoires d'entrée

Bien sûr, Toivonen et sa disparition tragique sont devenus la triste incarnation de la fameuse époque des Groupe B - fabuleuse pour les uns, juste mortifère pour les autres. La Lancia Delta S4 que pilotait le Finlandais en était l’incarnation ultime, repoussant plus loin encore les limites de conception et de performances des dernières Audi Quattro S1 ou Peugeot 205 Turbo 16. Avec lui à son volant, elle s’était imposée pour ses deux premières apparitions en course lors du RAC, nom donné alors au Rallye de Grande-Bretagne, qui clôturait la saison 1985 puis du Monte-Carlo ouvrant le Championnat du monde 1986.

Henri Toivonen

Les performances hors norme de ces voitures aussi fascinantes qu’effrayantes sont fort justement perçues comme la raison principale d’une série d’accidents survenus dans les douze mois ayant précédé celui de Toivonen et Cresto.

Il y avait eu, suivant une cruelle loi des séries pour l’équipe italienne, celui d’Attilio Bettega qui avait péri un an jour pour jour avant eux, et dans le même virage corse, lors du crash de sa Lancia qui n’était pourtant encore "qu’une" 037 deux roues motrices (ci-dessus). Puis la cabriole d’Ari Vatanen en Argentine, le pilote Peugeot restant plusieurs semaines dans le coma. Enfin, cette sortie dans la foule d’une Ford RS 200 au Portugal, dont les conséquences tragiques - plusieurs spectateurs tués - découlèrent cependant surtout de la présence à cet endroit de spectateurs souvent inconscients et clairement pas suffisamment (doux euphémisme) canalisés par l’organisation. Un drame qui servit lui aussi de déclic sur cette dernière question.

Des voitures trop rapides

Lui aussi, disions-nous, car ce funeste 2 mai 1986 a signé l’arrêt de mort des Groupe B dont le sort était déjà scellé quand le pilote de F1 Marc Surer fut à son tour victime d’un terrible accident dans lequel son copilote perdit la vie. La Fédération Internationale du Sport Automobile (FISA) était-elle allée trop loin en laissant la bride sur le cou aux ingénieurs ? Quelques heures avant la sortie de route qui lui serait fatale, Toivonen lui-même avait tenu des propos qui, rétrospectivement, font encore froid dans le dos.

Selon lui, pourtant considéré comme le plus courageux et intrépide des pilotes de sa génération, ces voitures n’étaient pas adaptées aux routes corses. Trop rapides, tout simplement. Une étude de la FISA révéla plus tard que la vision des pilotes ne pouvait s’adapter à la vitesse en sortie de virage !

Et s’il n’y avait que ça : seule la structure tubulaire de la Delta S4 fut remontée du ravin dans lequel elle s’était écrasée en Corse, le réservoir d’essence mal placé et à peine protégé ayant explosé sous le choc...

Spéculations et discussions

Si les conditions du décès de Toivonen restent cependant floues, c’est parce que le pilote était malade en Corse, touché par une mauvaise grippe pour laquelle il prenait des médicaments.

D’autre part, l’actuel patron de l’équipe M-Sport et lui-même pilote à cette époque, Malcolm Wilson, a, dit-on, rapporté depuis que Toivonen subissait des pertes de connaissance depuis une autre grosse sortie de route au Rallye Costa Smeralda, en Sardaigne, l’année précédente - dans laquelle il s’était blessé au dos et fracturé trois vertèbres, manquant de rester paralysé. Autant de choses qui, ajoutées à l’absence de toute trace de freinage sur la route, ont depuis alimenté spéculations et discussions.

Nouvelle génération

Ainsi fut fauché en plein vol celui qui, à quelques semaines de fêter son trentième anniversaire, incarnait la nouvelle génération d’un sport où l’expérience faisait figure d’atout numéro un et dont les principaux acteurs étaient plus proches voire au-delà de la quarantaine. Qui incarnait un sens de l’attaque hors du commun, s’exprimant à coups de longues dérives à pleine puissance, parfois sans même "descendre" un rapport quand tous les autres le faisaient.

Henri Toivonen

Les tablettes retiennent un titre de Champion d’Europe sur une Porsche 911 de l’équipe Prodrive en 1984, une première victoire au RAC 1980 qui fit de lui le plus jeune vainqueur d’un rallye mondial à 24 ans (seulement battu depuis par Jari-Matti Latvala en 2008) avec l’équipe Talbot qu’il contribua, aux côtés du maître d’œuvre Guy Fréquelin, à emmener jusqu’au titres des constructeurs l’année suivante. Elles retiendront aussi trois victoires et neuf podiums en 40 participations mondiales (sur Talbot donc, Opel et Lancia), ce qui n’est pas rien, et 185 meilleurs temps en spéciale.

"Il aurait gagné des Grands Prix"

Toivonen aurait pu aussi faire carrière sur circuit. Après des débuts en monoplace, il prit part à deux courses de Groupe C - pour faire simple, l’équivalent des LMP1 actuelles - sur une Porsche 956 en 1983, avec une 4e et une 3e places à la clé. L’année précédente, il avait impressionné lors d’un test sur une March F1 et disputé quelques courses de F3 britannique dans l’équipe d’Eddie Jordan. Celui-ci compara plus tard son talent à celui d’Ayrton Senna et dit sa certitude que Toivonen aurait remporté des Grands Prix s’il avait suivi cette voie, crédibilisant ses propos en se montrant moins sûr pour le championnat.

L’ironie veut pourtant que Toivonen se tournât vers les rallyes, sur l’insistance de sa famille qui considérait la course en circuit comme trop dangereuse... Ainsi marcha-t-il sur les traces de son père, Pauli, pour gagner le Monte-Carlo tout juste 40 ans après lui. Et quelques semaines avant ce Tour de Corse tragique.  

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