Quand Honda faisait son premier retour en F1

Lorsque Honda a effectué un retour en Formule 1 en 1983, le géant japonais de l’automobile s’est associé à une toute petite écurie de Formule 2.

Stefan Johansson, Spirit 201 Honda

Photo de: LAT Images

Honda a été impliqué en Formule 1 entre 1964 et 1968 et a voulu effectuer un retour au début des années 80 en profitant de la règlementation technique qui autorisait les moteurs turbocompressés. Renault F1 Team et Ferrari venaient en effet de démontrer que la technologie de suralimentation était suffisamment au point pour battre les moteurs atmosphériques d'une cylindrée de trois litres.

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda

Par contre, cette fois, Honda ne voulait être que motoriste et s'associer avec une écurie qui fabriquerait la voiture. Avant tout, il fallait créer un moteur. L'idée des ingénieurs japonais fut de concevoir un moteur atmosphérique de Formule 2 qui, une fois convenablement développé, serait modifié pour la F1 en réduisant sa capacité à 1,5 litre et en le gavant avec un turbocompresseur.

Des débuts en Formule 2

Honda produit ce V6 qui propulse la Ralt RH6-Honda de Nigel Mansell en 1980. L'année suivante, le pari de Honda est gagné, car Geoff Lees est sacré Champion de F2 au volant de sa Ralt RH6/81-Honda.

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda, dans la pitlane. Le designer, Gordon Coppuck, est assis sur la suspension avant.

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda, dans la pitlane. Le designer, Gordon Coppuck, est assis sur la suspension avant.

L'entreprise japonaise ne prévoit toutefois pas grimper en Formule 1 avec Ralt. Elle contacte John Wickham et Gordon Coppuck, deux employés de March, en août 1981 pour mettre sur pied une nouvelle entité : Spirit Racing destinée à poursuivre le développement du moteur de F2 tout en préparant le retour de Honda en F1.

Marlboro devient un sponsor des nouvelles Spirit 201-Honda de F2. Thierry Boutsen et Stefan Johansson décrochent huit des 13 pole positions durant la saison 1983. Boutsen remporte trois victoires et se classe second au championnat.

Simultanément, Coppuck, le designer de la fameuse McLaren M23, et son bras-droit, John Baldwin, modifient un châssis Spirit 201 de F2 afin de le rendre conforme aux règlements F1. Pour terminer le travail, Honda expédie une maquette de son moteur V6 RA163-E turbocompressé de F1 à la petite écurie britannique composée de 25 personnes et basée dans les anciens locaux du programme de motos 500cc de Honda à Slough.

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda

Stefan Johansson, Spirit 201C Honda

Le moteur est un V6 d'une cylindrée de 1477cc, ouvert à 80 degrés et gavé par deux turbocompresseurs IHI. Il produit, avec brutalité, un peu plus de 600 chevaux à 11'500 tours/minute.

Des premiers essais confidentiels

Le déverminage a lieu sur le circuit de Silverstone en novembre 1982. Puis, désirant conserver un profil bas (et surtout éviter toute comparaison possible avec les autres bolides de F1), Honda et Spirit créent une base sur la côte ouest américaine et liment le bitume des circuits de Willow Springs et de Riverside avec Boutsen et Johansson au volant. Malgré tout le secret qui entoure ces essais, des bruits commencent à courir au sujet du retour de Honda en F1. Frank Williams, aux prises avec un moteur Ford Cosworth DFV anémique face aux turbos, prend le téléphone et effectue un appel au Japon…

Après d'autres tests réalisés en Europe, ce qui fait grimper à 9000 le kilométrage total parcouru en essais, Honda donne son feu vert à Spirit en mars 1983 à un programme limité en F1 avec une seule voiture qui sera confiée à Johansson.

La Spirit-Honda 201B est donc inscrite à la Race of Champions, une course hors-championnat, organisée sur le tracé de Brand Hatch en avril. Johansson se qualifie au 12e rang sur 13 voitures, et abandonne en course à cause d'un radiateur percé.

Des mécaniciens de l'équipe Spirit Racing s'occupent du moteur V6 biturbp Honda RA163-E

Des mécaniciens de l'équipe Spirit Racing s'occupent du moteur V6 biturbp Honda RA163-E

La Spirit est encore modifiée avec un réservoir d'essence de plus grande capacité et des suspensions plus robustes. Cette 201C dispute son premier Grand Prix en Grande-Bretagne en juillet. Johansson, aux prises avec des ennuis constants de moteur, se qualifie 14e sur 29 concurrents. En course, le Suédois abandonne sur bris de pompe à essence.

En Allemagne, la Spirit subi une casse moteur. En Autriche, Johansson se classe 12e, puis il se qualifie au 16e rang et récolte une belle septième place aux Pays-Bas, aux deux tours du vainqueur toutefois.

Il est évident que le pauvre Johansson est aux prises avec une bête tout simplement inconduisible. Le moteur Honda n'a aucune souplesse, zéro progressivité. C'est tout ou rien. Les 600 chevaux arrivent d'un coup, avec brutalité, de façon sauvage, ce qui rend le pilotage extrêmement délicat. Ça, c'est quand le moteur fonctionne, car le V6 japonais souffre aussi de mille maux, surtout électriques, et la centrale de gestion électronique - une grande nouveauté en F1 - accumule les bugs. Johansson parvient difficilement à parcourir plus de deux tours consécutifs. Et pour finir, la Spirit 201C n'est pas une véritable F1 : elle demeure une F2 modifiée, beaucoup trop lourde et dotée d'un châssis qui se tord comme un macaroni trop cuit.

La petite équipe entreprend la réalisation d'une vraie F1 : la Spirit 101. Simultanément, et discrètement, Honda répond favorablement à l'appel lancé par Frank Williams. Patrick Head et Frank Dernie entreprennent la conception de la Williams FW09 destinée à être propulsée par le bloc Honda turbo.

Stefan Johansson, Spirit Honda 201C

Stefan Johansson, Spirit Honda 201C

La fabrication de la Spirit 101 a pris du retard et la nouvelle monoplace n'est présentée que de façon statique dans le paddock du Grand Prix d'Italie. Johansson, au volant de la 201C, se qualifie en milieu de grille et abandonne sur bris de distributeur après n'avoir parcouru que quatre tours du circuit de Monza. Au Grand Prix d'Europe à Brands Hatch, Johansson prend le départ en queue de peloton et se classe 14e, à deux tours du gagnant.

La 101 ne roulera jamais en Grand Prix. Honda considère que la petite équipe Spirit n'est pas suffisamment solide pour assurer le développement de son moteur. Les Japonais font savoir à Wickham qu'il devra se trouver un autre motoriste pour la saison 1984.

La Williams FW09 effectue ses débuts en course au dernier Grand Prix de saison 1983 organisé sur le circuit de Kyalami en Afrique du Sud. Keke Rosberg qualifie la Williams-Honda au sixième rang et termine la course cinquième. C'est le début d'une riche collaboration entre Honda et Williams.

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