Analyse

Bilan mi-saison - Mercedes, en tête malgré tout

En tête des deux classements, Mercedes semble pourtant avoir perdu l'avantage sur Ferrari mais l'imprévisibilité des résultats joue pour le moment en sa faveur.

Mercedes

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Camille De Bastiani

Bilans mi-saison F1 2018

Les bilans équipe par équipe de la première partie de saison 2018 de Formule 1, par Motorsport.com.

Qu'il semble loin le temps où, alors même que la première course n'avait pas débuté, la Mercedes semblait déjà être l'ogre d'une saison qui allait replacer la marque dans la position ultra-dominatrice occupée entre 2014 et 2016. Les essais hivernaux desquels les hommes de Brackley et Brixworth semblaient sortir en grande confiance et les six dixièmes infligés à Ferrari en qualifications à Melbourne avaient en effet inquiété la concurrence.

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Mais les Flèches d'Argent auront rapidement quitté le "mode fête" pour finalement vivre une première partie de saison insaisissable, parfois incompréhensible. On peine presque à croire, au vu des performances aperçues lors des 12 premiers Grands Prix, que Lewis Hamilton puisse compter 24 points d'avance (quasiment une victoire) sur Sebastian Vettel chez les pilotes et que l'Étoile figure en première position chez les constructeurs.

Résumer cette première moitié d'année de Mercedes n'est pas vraiment une sinécure. Aussi, se bousculent surtout des flashs des épreuves écoulées, qui laissent le souvenir de moments de grande domination (les qualifications à Melbourne et à Spielberg, les GP entiers d'Espagne et de France), d'approximations stratégiques coupables (en Australie, à Bahreïn ou en Chine), d'une dose certaine de réussite (lorsque Vettel est percuté par Verstappen à Shanghai, manque son restart à Bakou ou sort de piste seul en Allemagne), d'une capacité à maximiser des circonstances favorables sur des circuits défavorables (avec la pluie d'Hockenheim puis lors des qualifs en Hongrie) et, enfin, peut-être un peu plus inquiétant, d'une fiabilité chancelante (un problème de boîte de vitesses dès la deuxième course pour Hamilton, le double abandon de l'Autriche et la fuite hydraulique des qualifications à Hockenheim).

Ce cocktail rend difficilement lisible le niveau de performance réel de la monoplace de l'écurie quadruple Championne du monde en titre. Toujours dotée d'un châssis particulièrement efficace – une qualité que beaucoup oubliaient lors des saisons précédentes –, elle a conservé un trait caractéristique de ses devancières : une sollicitation importante des pneus arrière. Or, quand les pistes deviennent trop sinueuses et/ou que la température grimpe trop haut, le signal d'alarme est tiré et les problèmes commencent. Mais surtout, Mercedes a perdu son avantage moteur, celui qui pouvait parfois à lui seul masquer ses faiblesses dans d'autres domaines. Le travail de la Scuderia Ferrari impressionne sur ce plan et les Italiens disposent d'un avantage encore plus grand depuis quelques courses, qu'ils ne parviennent pourtant pas vraiment à mettre à profit... pour l'instant.

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Avec six poles contre cinq pour Ferrari (et une à Red Bull), les deux structures font jeu égal et Mercedes n'a plus le luxe de partir en tête de la grande majorité des courses avec comme possibilité de gérer ses efforts et sa gomme dans des conditions de course favorables, c'est-à-dire avec l'air propre comme seul horizon.

Du côté des pilotes, leur situation ne pourrait être plus différente. Hamilton est en tête du championnat, mais surtout il compte 81 points d'avance sur Valtteri Bottas. Un comble quand on sait que le Finlandais a été plus convaincant lors du premier tiers de saison. Après un accident lors de la Q3 de Melbourne, il est passé près de la victoire à Bahreïn (où son écurie a réagi trop tard au pari stratégique de Ferrari), en Chine (où il avait pris la tête à la régulière face à Vettel) ou en Azerbaïdjan (où il a subi une crevaison à deux tours du but). Il surnagera au Canada où son équipier, pourtant dans l'un de ses jardins, se prendra les pieds dans le tapis, alors qu'en Grande-Bretagne puis en Allemagne, il devancera longtemps le numéro 44 en piste pour finalement franchir après lui la ligne d'arrivée.

Reste que, et c'est sans doute là la force des grands champions comme Hamilton, pour profiter d'une opportunité de gagner, il faut être placé et connaître une réussite frisant parfois l'insolence. À Bakou, en raison d'un gros blocage de pneu, il sera obligé de changer sa stratégie, ce qui lui épargnera au final d'être le premier pilote Mercedes à arriver sur les débris fatals à Bottas, alors qu'en Allemagne, c'est en manquant de s'arrêter qu'il va s'offrir la victoire. Toutefois, résumer cette moitié de saison à ces épisodes de réussite serait oublier qu'en qualifications comme en course, le Britannique aura su transformer l'essai à cinq reprises, parfois de façon éclatante comme en Espagne ou en France, alors que Bottas ne compte qu'une seule pole position, gâchée en sus par un très mauvais départ à Spielberg.

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L'écart de points entre les deux équipiers ne reflète certes pas leur niveau respectif sur ces 12 courses, mais il a assurément figé une hiérarchie qui a déjà été établie en Allemagne, avec la consigne de course, puis a porté ses fruits en Hongrie, où le Finlandais a joué le jeu de la victoire de Hamilton au détriment de sa propre course. Finalement, un an après, et dans des circonstances bien différentes, c'est un même schéma qui se met en place. Quand Hamilton redonnait sa place à Bottas à Budapest en 2017, il désamorçait une situation potentiellement dangereuse tout en préparant l'avenir. Quand Bottas favorise l'échappée de Honda à Budapest en 2018, il amorce un schéma qui sera peut-être crucial lors des neuf courses restantes, tout en acceptant de laisser son ego de côté.

Même si le mot de "wingman" (que l'on peut traduire par "lieutenant") utilisé par Toto Wolff pour décrire le rôle qu'avait eu Bottas au Hungaroring n'a pas, à chaud, été très bien reçu par le #77, il est désormais clair qu'il faudra, quand cela se justifiera, en passer par là. Le Finlandais a prolongé son contrat et aurait pu, vu son niveau de performance, nourrir des ambitions légitimes, mais l'écart est désormais trop important pour que Mercedes court le moindre risque, quand bien même ses dirigeants adoptent et adopteront une communication prudente.

Et le risque pour Mercedes est paradoxalement celui de la normalité. Au moment de la trêve, il apparaît clairement que la saison 2018 cache encore le vrai rapport de force entre ses deux adversaires principaux. Si l'on pressent que celui-ci est en faveur de Ferrari, le scénario des courses et les divers revers de fortune se sont employés à le rendre illisible et a donner l'avantage aux points à la marque allemande. Mais si jamais les choses venaient à se normaliser, Mercedes peut craindre d'être confronté, s'il n'y a pas de progression significative de sa monoplace, à la véritable force de la Scuderia, qui jouit en plus d'une fiabilité quasiment sans faille.

La reprise de la saison sera cruciale. Spa, Monza, Singapour puis Sotchi ouvrent la seconde moitié d'année ; deux circuits de moteur et deux circuits sinueux où le fonctionnement des pneus arrière est un facteur essentiel. Bref, au vu des qualités/défauts de la W09, il s'agit presque d'un cauchemar dont on imagine bien qu'il hante les esprits du côté de Brackley et Brixworth, où des changements importants se préparent d'ailleurs avec les départs/prises de recul annoncés d'Aldo Costa, responsable de l'ingénierie, et de Mark Ellis, directeur de la performance.

Difficile, après cette moitié d'année, d'adopter une position claire sur la suite. L'an passé, dans un contexte tout aussi concurrentiel mais plus prévisible, tout s'était finalement joué en trois courses (Singapour, Malaisie, Japon) sur 20 au programme. Mercedes aura sans doute en souvenir l'effondrement terrible de la Scuderia dans une séquence qui aurait dû être sienne et devra dès lors trouver un équilibre entre risque et prudence, sur tous les plans, pour parvenir à maintenir l'avantage aux points. Suffisant pour éviter la fin de règne ?

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