Les changements nécessaires pour adapter Barcelone à la F1 moderne

Ces dernières années, les critiques sont devenues récurrentes envers le circuit de Barcelone, présent au calendrier depuis désormais trente ans. Malgré un spectacle de bonne facture en 2021, notamment grâce à la bataille stratégique entre Mercedes et Red Bull, le tracé catalan a de nouveau affiché ses failles, qui doivent être réparées pour atteindre les objectifs de la F1 actuelle.

Sir Lewis Hamilton, Mercedes W12, devance Charles Leclerc, Ferrari SF21, Valtteri Bottas, Mercedes W12, Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M et Sergio Perez, Red Bull Racing RB16B

Sir Lewis Hamilton, Mercedes W12, devance Charles Leclerc, Ferrari SF21, Valtteri Bottas, Mercedes W12, Daniel Ricciardo, McLaren MCL35M et Sergio Perez, Red Bull Racing RB16B

Zak Mauger / Motorsport Images

Sans la décision de Mercedes d’arrêter Lewis Hamilton une deuxième fois et la remontée du Britannique sur le leader Max Verstappen, le Grand Prix d’Espagne 2021 aurait eu des airs de déjà-vu. Après que le peloton ait adopté son rythme de course, le train habituel s’est formé et le DRS s’avérait être relativement inutile. À Barcelone, il est très compliqué d’attaquer sa proie, à moins d’avoir un avantage très net avec des gommes plus fraîches. Lors des deux premiers tiers de course, Hamilton était tout simplement incapable de rester dans les échappements de Verstappen, et son retard fluctuait autour de la seconde.

Même si Hamilton avait sans doute l’avantage en termes de vitesse pure, la Mercedes ne parvenait pas à rester dans le sillage de la Red Bull. Les Flèches d’Argent devaient jouer la carte de la stratégie, et c’est ce qu’elles ont fait, tout comme en Hongrie en 2019 (un événement auquel a d’ailleurs immédiatement fait référence Gianpiero Lambiase, ingénieur de Verstappen). Après tout, le Hungaroring est également célèbre pour ses courses ennuyeuses, et Mercedes a vu une nouvelle opportunité de stopper la gestion de ses pneumatiques pour sortir sa vieille stratégie, qui s’était déjà montrée efficace il y a deux ans.

Et s’il s’agissait d’un nouveau standard pour les circuits où les dépassements sont si compliqués ? Barcelone reste une piste peu propice au spectacle, et sans le duel stratégique en tête de course, le Grand Prix d’Espagne aurait été une nouvelle épreuve peu passionnante, avec de très rares dépassements ailleurs qu’au premier virage.

 

Le virage 10, qui laissait entrevoir une difficulté supplémentaire pour les pilotes avec son bac à gravier, n’a pas amélioré la qualité de la course, si ce n’est qu’il a privé le circuit d’une autre zone de dépassements. Hamilton a dû l’utiliser pour doubler son coéquipier récalcitrant, qui a presque bataillé avec son leader pour ne pas lui céder la place facilement. Autrement, ce nouveau virage a vu très peu de manœuvres.

Les frissons vécus pendant le Grand Prix se sont produits en dépit du circuit, et non pas grâce à lui. L’épreuve de 1999 a été rendue tristement célèbre par sa procession, au point que David Coulthard suggérait l’arrivée de voitures plus larges pour accroître la traînée. Mais maintenant que nous avons cela, seul le DRS permet les dépassements au-delà du premier tour. Deux décennies plus tard, le circuit reste problématique.

À l’image de Mercedes qui est allée chercher sa victoire, la F1 et Barcelone devraient prendre l’initiative de retirer ce spectacle de somnambules du calendrier. Chaque saison, lorsqu’il est question d’établir le planning pour le prochain championnat, l’Espagne est mentionnée parmi les manches en danger. Pourtant, les promoteurs parviennent toujours à trouver les fonds nécessaires pour s’offrir un nouveau sursis.

Avec très peu d’espace pour allonger les virages et les rendre plus propices au spectacle, élargir la piste et améliorer le dévers pourraient permettre de multiplier les dépassements.

Si la piste doit continuer à faire partie du calendrier de la F1 dans les années à venir, elle a besoin d'une nouvelle réflexion pour rester adaptée aux machines modernes. Car pour le moment, Barcelone semble privilégier la moto, en témoignent les changements récents apportés au virage 10. Un gros freinage en bout de ligne droite favorise les manœuvres en voiture, tandis que les motos peuvent plus facilement prendre une courbe au rayon plus grand sur deux trajectoires différentes. Avec un bac à gravier étendu et une zone de freinage plus courte, la sécurité a été améliorée pour les deux-roues. Pourtant, tous les changements apportés devraient être réalisés dans le but de bénéficier aux deux disciplines.

 

Quoi qu'il en soit, le début du tour fonctionne très bien à Barcelone. Le premier enchaînement droite-gauche a procuré la majorité des dépassements depuis le Grand Prix inaugural sur le circuit, et les pilotes les plus courageux peuvent se permettre des manœuvres à l’extérieur de la troisième courbe, à l’image de Charles Leclerc qui a éliminé Valtteri Bottas à cet endroit au départ. Une action qui n’est pas sans rappeler celle de Fernando Alonso en 2013, qui dépassait alors Kimi Räikkönen et Lewis Hamilton.

La portion vers le virage 4, en revanche, a l’effet d’un teaser qui donne toujours l’impression qu’un dépassement y est possible, mais les tentatives y sont finalement rares. La courbe suivante, quant à elle, est une zone d’action pour les catégories de support, mais en Formule 1, les dépassements ne sont permis que si le capital pneu de l’attaquant est bien supérieur à celui de sa proie.

Avec très peu d’espace pour allonger les virages et les rendre plus propices au spectacle, élargir la piste et améliorer le dévers pourraient permettre de multiplier les dépassements. Le virage 5, notamment, pourrait être élargi pour inciter les pilotes à prendre une trajectoire à l’intérieur. Alternativement, une monoplace qui défend à l’intérieur pourrait être attaquée sur l’extérieur, si un léger banking est ajouté, afin de prolonger la bataille jusqu’à l’enchaînement 7-8. Des virages fades aujourd’hui pourraient devenir des zones d’action avec quelques petites retouches.

Mais la deuxième moitié du tour reste toujours pauvre en opportunités. Le nouveau numéro 10 se situe dans le no man's land des deux anciens virages. En revenant deux générations en arrière, avec une piste plus large, il y aurait la possibilité de créer des dépassements avec un virage à 90 degrés, encore une fois légèrement incliné, pour inciter les acteurs à prendre différentes trajectoires. La longueur de la ligne droite précédente serait légèrement allongée, permettant aux pilotes dans l’aspiration de tenter un dépassement.

En théorie, un tel changement redonnerait des couleurs au virage 12, utilisé à merveille par Rubens Barrichello dans sa lutte contre les frères Schumacher en 2000. Une courbe qui mène vers le changement le plus populaire de cette liste : la mise aux oubliettes de la nouvelle chicane.

 

Cette dernière chicane n’a pas d'avantages : elle est laide, maladroite et provoque des embouteillages durant les qualifications. Ces dernières années, de nombreux pilotes ont vu leurs tours gâchés à cause de voitures au ralenti, qui devenaient elles-mêmes des chicanes mobiles. Lors de son introduction en 2007, le but était d’augmenter le nombre de dépassements : il n’en fut rien, si ce n’est qu’elle abaisse la vitesse de passage sur la ligne de départ.

Le problème, c’est que de tels travaux coûteraient de l’argent à un circuit qui n’en a pas. Sa présence au calendrier moderne de la F1 tient du miracle, en témoigne le nombre très faible de changements apportés au cours des dernières décennies. À moins qu’un investisseur intervienne sur la piste, un tel changement paraît improbable.

Désormais présente depuis 15 Grands Prix, cette chicane n’a été d’aucune utilité. Pire encore : elle gêne. Sa seule raison d’être est qu’elle permet de vérifier la stabilité d’une voiture dans des courbes à faible allure, pendant une séance d’essais. Par rapport au reste du tour, elle se montre complètement incongrue : il est grand temps de la supprimer. Le problème, c’est que de tels travaux coûteraient de l’argent à un circuit qui n’en a pas. Sa présence au calendrier moderne de la F1 tient du miracle, en témoigne le nombre très faible de changements apportés au cours des dernières décennies. À moins qu’un investisseur intervienne sur la piste, un tel changement paraît improbable.

Dans le climat actuel, où la Formule 1 est à la recherche de puissances pétrolières souhaitant effacer leurs atrocités humanitaires par des événements sportifs de premier plan, Barcelone ne semble plus être une nécessité. Peu de gens regretteraient la disparition du circuit, outre les fans locaux et français qui se déplacent en nombre sur le circuit, situé à environ une heure de Perpignan.

Au final, Barcelone doit prendre le risque de s’adapter à la F1 moderne, ou accepter de voir son épreuve disparaître dans un futur proche. D’autant que les circuits alternatifs, en nombre en 2020, ont produit un bien meilleur spectacle que certains piliers du calendrier. De plus, Motorland Aragon est tout proche du circuit de Catalunya : une piste à explorer si la FIA souhaite conserver une manche espagnole à son calendrier.

 

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