Analyse

Comment Alpine va faire face à ses défis sans "directeur d'équipe"

Une équipe de Formule 1 moderne peut-elle fonctionner avec succès sans un patron clairement établi dans le rôle traditionnel de directeur d'équipe ?

Esteban Ocon, Alpine A521

Photo de: Mark Sutton / Motorsport Images

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C'est la voie suivie par Alpine cette année : Marcin Budkowski et le nouveau-venu Davide Brivio se partagent la responsabilité de la gestion de l'organisation, leurs tâches étant essentiellement réparties entre l'usine et les opérations piste. Jusqu'à l'annonce de son départ en janvier, Cyril Abiteboul était si l'on peut dire l'homme de la situation chez Renault. On s'attendait même à ce qu'il occupe un rôle plus important en tant que patron de la division Alpine Cars au moment de la mise en place de la "Renaulution", après avoir travaillé sur ce projet parallèlement à ses fonctions en F1 depuis juillet.

Au lieu de cela, Abiteboul s'est avéré être en trop aux yeux de la nouvelle direction du groupe incarnée par Luca de Meo. Dans l'organigramme révisé de l'écurie de F1, Budkowski et Brivio ont un rang horizontal et rendent compte au nouveau PDG d'Alpine Cars, Laurent Rossi.

 

L'organisation d'une écurie de F1 ne se résume évidemment pas à une seule personne, et toutes ont plusieurs niveaux de gestion, impliquant des spécialistes dans leurs propres domaines. Il existe également quelques variations sur le thème de la direction à deux hommes selon les équipes et les âges.

Chez McLaren, Andreas Seidl est le directeur de l'équipe mais son patron immédiat et PDG Zak Brown, assume de plus grandes responsabilités au sein de l'entreprise. Chez Williams, il y a une configuration similaire, avec le directeur de l'équipe Simon Roberts qui dirige l'équipe mais qui rend des comptes au PDG Jost Capito, qui veille aux intérêts élargis des actionnaires.

Cependant, dans la plupart des équipes, il y a un seul point d'intérêt. En fin de compte, Toto Wolff, Christian Horner, Mattia Binotto, Günther Steiner, Fred Vasseur, Franz Tost et Otmar Szafnauer répondent tous aux propriétaires, dont certains sont plus impliqués que d'autres. Mais en tant que directeurs d'équipe, ils portent la responsabilité en cas de problème.

Chez Alpine, Rossi sert de lien jeune et dynamique entre Budkowski et Brivio en dessous de lui et le PDG du groupe Renault Luca de Meo au-dessus. Rossi a eu une carrière intéressante. Il a débuté en tant qu'ingénieur sur l'unité de puissance Renault, mais il est parti rejoindre une société de conseil en gestion principalement axée sur les projets automobiles au lieu de gravir les échelons. Après un passage chez Google, il est revenu chez Renault en 2018 en tant que haut responsable de la stratégie et du développement commercial.

Laurent Rossi

Laurent Rossi

C'est finalement ce qui conduit Rossi au poste chez Alpine Cars qu'Abiteboul espérait obtenir. La supervision de l'équipe de F1 et de la division des unités de puissance en France n'est qu'une partie des responsabilités de Rossi, dont le travail principal consiste à développer la marque Alpine.

"Dans l'équipe, Marcin sera en charge du développement du châssis et du groupe de propulsion : il coordonnera donc l'ensemble du développement de la voiture. Davide sera directeur de course", expliquait-il récemment. "Ils travailleront donc tous les deux en tandem pour tirer le meilleur de la voiture conçue à Enstone et la placer dans la meilleure position possible à l'avenir. Les autres équipes conservent leurs structures d'alignement existantes avec Marcin à Enstone ou avec moi-même à Viry, ce qui est une situation un peu différente parce que c'est un fabricant d'unité de puissance. Mais à part ces deux lignes que j'ai mentionnées, le reste demeure similaire à l'année dernière." À un grand absent près…

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S'entourer de "grands" et optimiser les ressources

La philosophie de Rossi, affinée au cours de ses différents emplois, consiste à déléguer les responsabilités aux candidats les plus qualifiés : "Il faut avoir des gens forts autour de soi. C'est ce que j'ai appris dans la vie, qu'on ne peut rien faire tout seul. Pour être résilient dans n'importe quel environnement, il faut des compétences, de l'endurance, beaucoup de qualités. La F1 est un environnement exceptionnellement sous pression. Vous avez besoin d'une équipe solide et c'est pourquoi nous avons pensé à avoir Davide à bord. Il a une expérience avérée de la gestion d'équipes et de championnats sous pression et cela va donc aider l'équipe rapidement."

"Et puis bien sûr, en commençant par Marcin, mais en irradiant dans tout Enstone et Viry, nous avons des personnes extrêmement compétentes à la barre qui développent notre voiture. C'est donc ce dont vous avez besoin. Modestement, ici, je gère toutes ces personnes vers un [objectif] simple mais en leur apportant tout le soutien nécessaire ; qu'il soit logistique, matériel, ou parfois j'espère, intellectuel. Entourez-vous vraiment des grands, c'est ainsi que vous vous épanouissez. Et c'est ce que j'espère avoir fait."

Marcin Budkowski

Marcin Budkowski

Budkowski, qui a rejoint Renault en 2018 en tant que directeur exécutif, a joué un rôle de plus en plus influent aux côtés d'Abiteboul, notamment lorsque les limites de déplacements sous COVID ont rendu plus difficile sa présence à Enstone.

Aérodynamicien de formation, son CV impressionnant comprend des postes à responsabilité chez Ferrari et McLaren ainsi qu'un passage à la FIA où il a abordé une perspective très différente du sport – avant de décider qu'il voulait finalement revenir dans une équipe et a accepté la direction de Renault. Il a beaucoup appris en cours de route, notamment au cours de son passage à Maranello.

"J'ai eu beaucoup de chance de faire partie d'une époque chez Ferrari sous Jean Todt, avec Ross Brawn, Rory Byrne, avec Michael Schumacher, avec tous ces grands noms", commente Budkowski. "Certains d'entre eux sont encore des personnes-clé dans le sport – Mattia Binotto, James Allison : ce sont tous des coéquipiers de cette période. C'était un rôle complètement différent à l'époque, j'étais ingénieur, je contribuais au développement de la voiture. Maintenant, je suis beaucoup plus dans une position de gestion et je contribue à la performance de l'organisation, plutôt que celle de la voiture en elle-même. Il est certain que faire partie d'une organisation aussi performante, qui dominait le sport à l'époque, est quelque chose dont on se souvient. Vous vous souvenez de certaines des choses qui étaient bien faites et c'est quelque chose dont je m'inspire dans mon rôle de management pour essayer de construire une équipe aussi forte que celle que nous avions à l'époque."

La difficulté d'être présent sur toutes les courses

Budkowski considère que la répartition des tâches usine/piste avec Brivio est logique compte tenu du calendrier 2021 plus chargé, de l'énorme défi que représente la création d'une nouvelle voiture pour 2022 et des problèmes logistiques permanents créés par le COVID.

"En termes de responsabilités, j'ai été basé à Enstone au cours des trois dernières années", dit-il. "Je continue à diriger Enstone et tous les départements qui sont impliqués dans l'équipe de course là-bas. Et puis il y a le côté course, sur la piste, si vous voulez, et la gestion des pilotes : ceci incombe à Davide. Nous avons une base au Royaume-Uni et une autre en France. Il y a 23 courses, potentiellement 25 dans le futur, les restrictions COVID signifient des quarantaines potentielles, etc. Honnêtement, dans ces conditions, gérer une équipe et se rendre sur toutes les courses est très, très difficile."

Le recrutement Davide Brivio, l'ancien patron de Suzuki, est celui d'un homme qui a passé toute sa carrière dans le monde du deux roues sportif. Il s'agit d'une initiative intrigante de la part de Renault. Cependant, ce n'est peut-être pas aussi inhabituel que certains pourraient le penser. Au fil des ans, de nombreux patrons d'équipe ont gravi les échelons après avoir dirigé des équipes dans les formules inférieures – Frank Williams et Ron Dennis en sont des exemples classiques, tandis que plus récemment Christian Horner et Frédéric Vasseur ont suivi cette voie.

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Davide Brivio

Davide Brivio

Cependant, les bons managers peuvent être trouvés ailleurs. McLaren a réussi un coup de maître en regardant au-delà de la F1 et en recrutant Seidl, un homme aux compétences impressionnantes, perfectionnées dernièrement dans le WEC – bien que l'Allemand ait eu une certaine expérience des Grands Prix à l'époque de BMW. Jean Todt, lui, s'est fait un nom dans les rallyes et les voitures de sport avant de rejoindre Ferrari, tandis que ses contemporains David Richards (chez BAR et Benetton) et Ove Andersson (Toyota) sont également passés du monde des rallyes à la F1 –tout comme l'actuel patron de Haas, Günther Steiner. Et n'oubliez pas que Flavio Briatore a remporté quatre Championnats du monde en tant qu'ancien responsable du marketing du monde de la mode… un profil que l'on retrouve chez un certain Lawrence Stroll !

Brivio souligne qu'il se concentre sur la gestion de l'équipe de course itinérante. "Nous avons décidé de ce type d'organisation où, fondamentalement, les rôles sont répartis entre les opérations d'Enstone et les opérations sur le circuit", explique-t-il. "Et nous avons estimé que de nos jours, c'est assez difficile parce qu'avec 23 courses et tout en voulant améliorer l'organisation et faire grandir l'équipe, il faut être très concentré sur tous les côtés, tous les aspects. Nous avons donc décidé de nous diviser. Bien sûr, avoir Marcin dans son rôle est très utile pour moi, et il a fait un excellent travail pour organiser toutes les installations et gérer toutes les infrastructures à Enstone."

"Mon rôle à moi est d'être responsable de ce qui se passe sur la piste, sur le circuit. Donc, quand nous sommes ici pour le week-end de course, nous devons nous assurer que nous avons tout ce dont nous avons besoin pour être performants, que les pilotes sont heureux, à l'aise, et qu'ils ont ce dont ils ont besoin, en écoutant leurs demandes, leurs plaintes. Il s'agit donc d'une grande responsabilité. Et bien sûr, d'une grande pression. Et puis ce que nous voulons essayer de faire, c'est d'être efficace dans tous les aspects, et dans toutes les situations, aussi bien 'à la maison' que sur les circuits. C'est l'idée derrière tout ça."

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