Dovizioso juge "inconcevable" l'agressivité des jeunes pilotes

Le drame évité de peu lors de la course Moto3 d'Austin est venu s'ajouter à une série noire qui laisse Andrea Dovizioso dans l'incompréhension. En colère face à de jeunes pilotes prêts à prendre trop de risques pour réussir, l'Italien estime qu'il faudrait réussir à les sensibiliser dès leur arrivée en Grand Prix.

Andrea Dovizioso, Petronas Yamaha SRT

Andrea Dovizioso, Petronas Yamaha SRT

Gold and Goose / Motorsport Images

Ébranlé, comme l'ensemble de la communauté moto, par l'accumulation d'accidents violents dans les petites catégories des championnats internationaux, et notamment les trois chutes dont l'issue a été fatale ces derniers mois, Andrea Dovizioso a longuement donné son point de vue sur un sujet sensible revenu une nouvelle fois sur le devant de la scène dimanche lors de la course Moto3 d'Austin.

Après un premier drapeau rouge visant à évacuer Filip Salac après un highside, un second départ a été donné pour cinq tours seulement. Au bout de trois boucles, c'est cette fois par un accident collectif que s'est terminé le Grand Prix, carambolage engendré par la manœuvre ensuite sanctionnée de Deniz Öncü. Le pilote turc, en se rabattant, a coupé la trajectoire de Jeremy Alcoba, provoquant sa chute. La machine de l'Espagnol a ensuite été violemment heurtée par Andrea Migno puis Pedro Acosta, projetés dans les airs. Il n'a fallu à ces quatre pilotes qu'une bonne dose de chance pour ne pas être touchés.

S'il a refusé de se prononcer sur la suspension d'Öncü, Dovizioso a en revanche martelé qu'il faudrait, selon lui, "sensibiliser les jeunes", estimant que "ce n'est pas la lourdeur de la sanction qui fera la différence". Pour l'Italien, âgé de 35 ans, les jeunes pilotes actuels penchent trop vers l'agressivité en pensant à tort qu'elle sera gage de réussite.

"Les pilotes doivent comprendre comment il faut courir et avoir du respect pour leurs adversaires", a-t-il expliqué. "On ne devient pas Champion du monde en faisant des manœuvres agressives. Les pilotes doivent comprendre ces choses-là. Il y a des risques. Notre sport est déjà dangereux, alors on ne va nulle part en faisant des manœuvres agressives. Ou alors tu peux prendre un avantage cette fois-là, mais ensuite ça se retourne contre toi."

Ceux qui essayent de faire des manœuvres dépassant les limites n'ont pas compris ce sport. Ça n'est pas ça qui vous fait devenir champion.

Andrea Dovizioso

"Ceux qui essayent de faire des manœuvres border line ou dépassant les limites n'ont donc pas compris ce sport. Il y a des moments dans lesquels on peut être plus agressif mais il y a une limite, et ça n'est pas ça qui vous fait devenir champion. Ça peut vous faire gagner une bataille, oui, peut-être, mais ensuite ça peut engendrer ce genre de choses qui sont arrivées [dimanche] ou de nombreuses autres fois. […] Il faut être un peu plus tranquille. Ça n'est pas ça qui fait devenir champion. À mon avis, ça n'est pas bien d'aller à fond, à 100%, sans réfléchir un minimum rationnellement."

"Cette génération − appelons-la comme ça parce que désormais on court très jeune −, ils sont prêts à prendre trop de risques pour réussir et à mon avis ça n'est pas du tout la bonne attitude. Ils ne sont pas rationnels, ils ne sont pas mûrs quand ils ont cette approche, car si on est disposé à prendre aussi facilement des risques, ça veut dire qu'on est un peu trop inconscient face à ce qui peut nous arriver, et que l'on oublie certaines valeurs pour réussir. Pour moi, c'est inconcevable, mais chacun est comme il est. Je n'ai jamais été comme ça, alors pour moi c'est vraiment inconcevable."

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Au-delà du jugement éthique qu'il porte sur cette agressivité si présente, Andrea Dovizioso est persuadée qu'il s'agit fondamentalement d'une approche erronée de la course moto.

"Je ne comprends pas ce qui peut bien passer dans la tête de ces jeunes pour qu'ils fassent des manœuvres aussi extrêmes. Que pensent-ils obtenir ? Qu'est-ce que ça vous apporte de gagner des places, d'obtenir un podium grâce à des manœuvres aussi extrêmes ? Moi, ça, je ne le comprends pas. Au niveau mondial, pour arriver en Moto2 ou MotoGP et faire des courses de vitesse, qu'obtient-on avec l'agressivité ? C'est un pourcentage minime dans ce qui peut aider à obtenir certains résultats, voire [ça apporte] le contraire. Alors je ne comprends vraiment pas."

"Nous, on prend des risques pour être plus rapides. Ça, c'est une chose, et on décide alors soi-même ce qu'on fait. Mais prendre des risques avec les autres, d'une manière immature et insensée car on est prêt à tout, ça moi je ne le conçois pas. Mais, bon, chacun est fait à sa manière et peut-être que je suis un peu trop de l'autre côté, car moi aussi je me suis souvent confronté à des pilotes assez agressifs qui ne réfléchissaient pas beaucoup à ce moment-là."

Prendre des risques avec les autres, d'une manière immature et insensée car on est prêt à tout, je ne le conçois pas.

Andrea Dovizioso

"Ces choses-là ne doivent pas arriver, en tout cas pas volontairement. Il faut se calmer dans les bagarres. Les bagarres sont très belles, elles doivent exister, mais pas en pensant que ce qu’on fait représente tout dans la vie et qu'on est donc prêt à risquer la vie. Ça n'est pas ça, la bonne approche pour faire des courses de moto."

"C'est pareil au sujet de l'attitude à avoir pour faire un temps en essais. Ils n'ont pas de sens. Peu de pilotes travaillent pendant le week-end pour essayer d'apprendre. Ils essayent de duper ; 'Je fais le temps comme ça, parce qu'après je pars devant et je fais une super course'. Non ! 'Je travaille pour comprendre, j'essaye d'apprendre' ; ça, c'est un raisonnement qui parait assez logique, mais il n'y a pas cette approche."

Face à des catégories qui semblent de plus en plus pencher vers cette approche agressive, souvent face à une concurrence excessivement fournie et dans des plateaux particulièrement nivelés où il est d'autant plus complexe de tirer son épingle du jeu, Andrea Dovizioso est d'avis qu'il faudrait recadrer immédiatement les pilotes qui dépassent les limites.

"Je ne pense pas que raisonner ces pilotes changerait grand-chose. C'est comme les débats sur le fait de passer sur la partie verte", juge-t-il. "[Le long-lap] a été mis en place car tout le monde passait trop sur le vert. Donc on devient sévère et on y passe moins, car il y a le long-lap et on ne veut évidemment pas le faire. Quand on est agressif en piste, il faut faire la même chose." Et d'ajouter : "Il faut donc trouver une façon de sanctionner les pilotes agressifs pour, disons, les sensibiliser. Je ne crois pas qu'on puisse changer la mentalité des pilotes s'ils sont comme ça aujourd'hui, sauf en faisant quelque chose de marquant."

Malgré son incompréhension des pilotes qui agissent de la sorte, Dovizioso ne veut pas croire qu'il est trop tard pour agir lorsqu'ils arrivent en championnat du monde : "Non, pas si on les sanctionne lourdement. Logiquement, c'est plus dur [s'ils] arrivent en ayant déjà une certaine mentalité. Mais si on sanctionne lourdement, le pilote a beau ne pas être d'accord, la fois suivante il y repense à deux fois. Et s'il n'y arrive pas seul, quelqu'un le lui fait comprendre."

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