Gasly et sa saison 2022 : "Bien pire que ce que nous attendions"

À l'occasion du Grand Prix de France, Pierre Gasly s'est entretenu en exclusivité avec Motorsport.com : il est en particulier revenu sur la première moitié de saison 2022 décevante et frustrante d'AlphaTauri, mais également sur les curieuses rumeurs autour de son avenir.

Pierre Gasly, Scuderia AlphaTauri

Photo de: Carl Bingham / Motorsport Images

Motorsport.com : L'année dernière, à la moitié de la saison, vous aviez 50 points. Et là, vous en avez 16. Comment pouvons-nous expliquer cela ?

Pierre Gasly : Comment on peut l'expliquer ?

Parce que de l'extérieur, on dirait que c'est...

Difficile, difficile. Et comment peut-on l'expliquer ? Je pense que c'est très simple. Deux choses. La première est que l'année dernière nous étions beaucoup plus compétitifs en qualifications. Je me suis qualifié je ne sais combien de fois cinquième, sixième, septième... toujours, toujours. Et l'année dernière, même en Q1, on mettait un jeu de pneus et on allait facilement en Q2. Aujourd'hui, lors des deux derniers week-ends [en Grande-Bretagne et en Autriche], en Q1, nous avons dû mettre trois trains de pneus pour aller en Q2. Et c'est là toute la différence.

Nous savons que nous ne sommes pas assez compétitifs. D'autres ont fait de gros progrès. Alfa Romeo a bien progressé, Haas a bien progressé. Tout le monde. Alpine a beaucoup progressé. En fin de compte, l'année dernière, nous nous battions peut-être pour être en tête du peloton. Et je ne sais pas combien de fois je me suis qualifié aux côtés de Charles [Leclerc], mais nous étions toujours sur la même ligne. Et cette année, c'est beaucoup plus difficile.

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Vous étiez proche de Charles l'année dernière...

Tout le temps. Il était comme [mon] pote de qualifications. [On était] P6, P5, toujours pareil. Et cette année, nous sommes juste plus lents. Et en plus de cela, nous avons eu tellement de problèmes avec la voiture... Mais des choses stupides, comme le plancher qui casse lors des tours de mise en grille avant la course, le plancher qui casse pendant la course, des contacts, des incidents, un problème mécanique, un problème avec les freins, un problème avec le timing à Monaco où j'ai franchi la ligne une seconde trop tard [en qualifications]. Beaucoup de petites choses.

Mais au final, cela a un impact sur le week-end, et ça fait qu'au lieu de marquer un ou deux points, nous partons soit à l'arrière, soit nous ne marquons pas les points que nous devrions. Même si la voiture n'est pas aussi bonne que l'année dernière, cette année nous pourrions facilement avoir 10 à 15 points de plus que ce que nous avons sans tous ces incidents. Mais il n'y aurait aucune chance de faire mieux que ça. Juste les performances... Pour le moment la voiture que nous avons, elle n'est tout simplement pas au niveau.

Pierre Gasly discute avec Charles Leclerc avant le GP de France

Pierre Gasly discute avec Charles Leclerc avant le GP de France

Quel est votre ressenti lorsque vous pilotez la voiture par rapport à l'année dernière ? Parce que j'ai beaucoup d'opinions différentes de la part des pilotes.

Oui, je veux dire, il y a une différence. Nous savons que nous manquons d'appui. Donc, chaque fois qu'il y a une piste à très basse vitesse – Monaco, Bakou... Bakou a été notre meilleur week-end parce qu'à Bakou il n'y a pas un seul virage qui est en quatrième vitesse. C'est soit en deuxième, soit en troisième. Pour nous c'est parfait et ça marche bien. Monaco, [dans le] deuxième secteur, uniquement des virages à basse vitesse sur le deuxième rapport ; nous étions dans le top 5 tout le temps. Dès qu'il y a un virage à haute ou moyenne vitesse, on est nulle part, on glisse. Soit l'avant est trop faible et [il y a] trop de sous-virage, soit la voiture glisse, les quatre roues glissent. Donc le problème principal...

J'étais très optimiste pour cette saison avec le changement de règlement, le plafond budgétaire, tout le monde qui commence avec les mêmes outils... Et, eh bien, c'est bien pire que ce que nous attendions

Pierre Gasly, sur la saison 2022 d'AlphaTauri

Il est difficile de gérer les pneus.

Oui, oui, parce que si tu glisses et que tu abîmes le pneu... Sur un tour, parfois j'arrive à faire avec l'adhérence du pneu, le pic du pneu, je peux arriver à faire beaucoup de choses pour nous mettre dans le mix ou pas trop loin. Mais après cinq tours, vous glissez, vous glissez, et puis c'est fini. En course, il faut toujours augmenter l'écart avec les gars autour de nous. Donc non, c'est un peu frustrant parce que l'année dernière nous avons vécu une campagne incroyable avec AlphaTauri et j'étais très optimiste pour cette saison avec le changement de règlement, le plafond budgétaire, tout le monde qui commence avec les mêmes outils... Et, eh bien, c'est bien pire que ce que nous attendions.

Pierre Gasly lors du Grand Prix de France

Pierre Gasly lors du Grand Prix de France

Vous avez été au cœur d'une situation curieuse, parce que tout le monde savait que vous aviez un contrat pour l'année prochaine. Mais je crois qu'en mai et juin, vous vous êtes retrouvé au centre du marché des pilotes. Ce n'était pas habituel, non ? Pourquoi c'est arrivé ?

Pour moi, c'était un peu... C'était, disons, plutôt amusant à voir parce que ma situation était très claire avec Red Bull : il me restait encore une année avec Red Bull, et c'était... J'ai eu une conversation avec Red Bull, donc je savais ce qui se passait et la direction que cela prenait, mais il y avait évidemment beaucoup de rumeurs et de discussions sur mon avenir parce que Red Bull à l'époque n'avait pas encore annoncé ce qui allait se passer. Mais oui, j'ai commencé à voir beaucoup de choses partant dans tous les sens.

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Finalement, ils ont annoncé un pilote qui avait déjà été annoncé.

Oui, ah ah. Parce que ça a commencé à devenir un peu hors de contrôle et nous avons eu une conversation avec Helmut [Marko, responsable Red Bull] aussi sur, vous savez, ce que nous voulions faire. Parce qu'évidemment, chaque année, même si j'ai un contrat, il y a aussi une discussion à propos de ce qu'ils veulent de leur côté, et ils étaient assez clairs sur le fait qu'ils voulaient me garder chez AlphaTauri. Et une fois qu'ils ont re-signé Sergio [Pérez chez Red Bull Racing], ils voulaient que je reste ici, et c'est pourquoi nous allons continuer jusqu'à la fin de mon contrat. L'année prochaine sera donc ma dixième année en tant que pilote Red Bull. Quand on y pense... Incroyable ! Dix saisons en tant que pilote Red Bull. Et puis après, nous verrons ce qui se passe.

Il y a quelque chose de différent, parce que pour la première fois cette année, j'ai entendu votre nom plus proche d'une opportunité McLaren, d'une opportunité Mercedes. Donc je pense que quelque chose est en train de changer. Gasly apparaît maintenant comme un gars mature qui peut potentiellement aller dans une équipe de pointe. Ce n'est pas une mauvaise nouvelle pour vous...

Non, non, c'est une bonne nouvelle. Mais en fin de compte, vous savez, j'ai été considéré et j'ai été placé chez Red Bull après une seule saison [complète] en Formule 1. À l'époque, ils m'ont donné cette chance parce qu'ils ont vu le potentiel. Aujourd'hui, après cinq ans en Formule 1, quand je me vois maintenant par rapport à l'expérience que j'avais à l'époque, je suis un pilote de course beaucoup plus complet. J'ai beaucoup plus d'expérience, je suis plus efficace dans mon travail avec l'équipe. Je sais exactement ce que je veux de la voiture, j'ai un retour d'informations beaucoup plus clair. Je sais... eh bien, vous savez, j'ai juste plus d'expérience.

Signer un podium ou une victoire n'est pas impossible avec une voiture de milieu de peloton, mais les chances sont inférieures à un pour cent. Et oui, je l'ai fait

Pierre Gasly

Donc...

Non, ce que je veux dire c'est... Ouais, c'est sûr que maintenant je suis beaucoup plus complet, je pense que j'ai démontré – avec une voiture de milieu de tableau – ce que je suis capable de faire au volant d'une monoplace, avec tout le respect que j'ai pour AlphaTauri et ce qu'ils ont réalisé, avec laquelle il y aura toujours un écart avec une équipe de pointe. Signer un podium ou une victoire n'est pas impossible avec une voiture de milieu de peloton, mais les chances sont inférieures à un pour cent. Et oui, je l'ai fait.

L'année dernière, je pense que c'était une saison régulière, et c'est ce que je voulais montrer, que je suis capable de le faire en qualifications et en course, de marquer des points, et j'ai réussi à réaliser la meilleure année, la plus réussie en tant que pilote d'AlphaTauri, et je pense que c'était important de le montrer. Et depuis que je suis de retour avec eux, nous avons connu une série incroyable. Et oui, je suis heureux que ça paye.

Vous avez eu un très bon et très difficile week-end à Bakou en raison du marsouinage. Pensez-vous que le moment est venu pour la FIA de prendre des mesures à ce sujet ?

Oui, je le pense. Parce que Bakou était le pire de tous les circuits que nous avons eus. Et, personnellement, pour moi ce n'est pas le marsouinage. Parce que je n'ai pas de marsouinage dans ma voiture, mais c'est juste le fait de rouler extrêmement bas. Il y avait tellement de bosses, parce que nous devons piloter... notre voiture doit être extrêmement basse pour être compétitive. Et nous... Ouais, c'était un moment très difficile pour mon dos. Et j'ai même dû passer une IRM pour mes vertèbres, juste pour vérifier que tout allait bien. Et puis après, à Montréal, la piste était meilleure, et ça dépend beaucoup des caractéristiques du circuit. Mais Bakou était vraiment extrême.

Pierre Gasly lors du GP d'Autriche

Pierre Gasly lors du GP d'Autriche

Désormais, vous avez encore une demi-saison devant vous. Quel est votre objectif réaliste ?

Pour moi, je travaille déjà pour 2023. Donc, je suis déjà... Je sais que j'ai signé pour l'année prochaine, je vais être avec AlphaTauri jusqu'en novembre 2023. Donc ce que je fais maintenant, c'est du travail pour la saison prochaine. Je ne dis pas que nous devons faire une croix sur cette année et l'abandonner, mais je sais que chaque petit pas, chaque feedback que je donne, chaque direction dans laquelle je pousse l'équipe va affecter la voiture de l'année prochaine. C'est pour ça que je pense de cette manière.

Évidemment, vous savez, personnellement, j'ai toujours donné 110% au volant. Mais en tant que pilote, c'est toujours plus divertissant quand vous vous battez pour le top 5 ou les podiums que quand vous vous battez pour la P15. Mais bon, maintenant c'est une transition... L'année dernière c'était incroyable, cette année c'est beaucoup plus difficile. Mais dans ce genre de moment, nous avons besoin d'être unis et je fais tout ce qui est en mon pouvoir pour que l'équipe reste soudée, unie et pour aller de l'avant.

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