La méthode Espargaró, entre bulle familiale et souffrance physique

Le box d'Aleix Espargaró fait figure d'exception dans le paddock MotoGP, ses enfants et sa femme y étant presque toujours présents, tandis qu'il s'astreint à une hygiène de vie et à des entraînements extrêmement stricts toute l'année. Une méthode à part dont il a parlé à Motorsport.com et qui semble porter ses fruits.

Aleix Espargaro, Aprilia Racing Team

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Alors que le cap de la trentaine représente un véritable défi pour nombre de sportifs de haut niveau qui doivent maintenir leur compétitivité face à l'arrivée d'adversaires plus jeunes, Aleix Espargaró semble pour sa part fonctionner à contre-courant. À 33 ans, il connaît le meilleur moment de sa carrière avec une première victoire en Championnat du monde et, en prime, la possibilité de se battre pour le titre mondial face à Fabio Quartararo et Pecco Bagnaia, de dix et huit ans ses cadets, pour la première fois de sa carrière.

Alors qu'il s'apprête à devenir le pilote le plus âgé de la grille avec le retrait d'Andrea Dovizioso, Espargaró affiche une incroyable forme physique ainsi qu'une sérénité que son âge et sa situation personnelle lui confèrent, précisément. Marié et père de famille, il a bâti une véritable bulle autour de lui, un moteur essentiel dans sa réussite bien que complètement atypique dans le paddock.

"Chacun doit trouver son équilibre et moi j'ai eu beaucoup de mal, sportivement j'ai beaucoup souffert avec l'Aprilia. J'en parle beaucoup en privé avec Rivola [PDG d'Aprilia Racing, ndlr]. Je peux comprendre que, pour beaucoup de gens, ça puisse paraître bizarre de me voir avec ma famille dans le box, c'est beaucoup montré à la télé, et ça l'est. Ce n'est pas habituel qu'un athlète amène ses enfants au travail, mais c'est ce qui me réussit", a-t-il expliqué dans le podcast MotoGP 'Por Orejas' de l'édition espagnole de Motorsport.com.

Aux yeux du Catalan, Aprilia et principalement Massimo Rivola ont fait preuve de beaucoup de compréhension dans ce choix affiché et si particulier : "Je remercie Aprilia, qui me laisse les amener et être avec moi. Ils m'apportent une sorte de paix, de tranquillité, de stabilité, et quand quelque chose ne se passe pas bien, ça permet de savoir quelles sont les priorités. Quand j'ai eu du succès, ça m'a aussi permis de ne pas y accorder trop d'importance. Je crois que cette stabilité entre Aprilia et ma famille participe au bon moment que je vis, et Rivola a été capable de l'accepter et de laisser faire."

"J'ai conscience que c'est quelque chose en dehors de ce qui se fait, il y a beaucoup de pilotes qui n'aiment même pas que leur compagne vienne, je le comprends, chacun doit se réfugier dans ce qui le rend le plus à l'aise. Mais moi, je vais plus loin que ça. Mes enfants ne font pas que venir, ils sont dans le box, dans l'hospitality, mais ça me convient."

Aleix Espargaró en plein debriefing au GP des Pays-Bas, son fils à ses côtés.

Aleix Espargaró en plein debriefing au GP des Pays-Bas, son fils à ses côtés.

Et en effet, les images des jumeaux d'Espargaró et de sa femme dans le box sont légion et à part puisque rares sont les pilotes à amener leur famille sur les Grands Prix. Son coéquipier Maverick Viñales suit la même voie, même si sa compagne et son bébé sont encore très peu apparus dans le garage. Si le côté très humain d'Aprilia a toujours été mis en avant par les deux pilotes espagnols, la marque voit sa bienveillance récompensée par de solides performances en piste de leur part. L'équilibre entre le professionnel et le personnel semble donc parfaitement fonctionner dans le garage vert, ce qui est une exception totale selon Espargaró.

"Quand je ne savais pas si j'allais continuer avec Aprilia il y a quelques mois et que j'étais en train de négocier avec une autre équipe, j'avais beaucoup de peine parce que la relation que j'ai avec le team est impossible à concevoir chez une autre marque", a-t-il poursuivi. "Ni japonaise, car elle ne comprendrait pas, ni chez aucune autre. Mon manager, qui s'occupe aussi de Jorge Martín, connaît Ducati et m'a dit que ça serait impensable là-bas. Mon frère est chez Honda et il m'assure que personne n'entre dans le box. Ce que me permet de faire Aprilia m'apporte un incroyable niveau de bonheur."

Souffrir pour réussir

S'il est aujourd’hui parvenu à trouver un équilibre qui le stabilise psychologiquement, Aleix Espargaró ne serait évidemment pas où il est sans entraînement et, sur ce point, le #41 est un travailleur acharné. De façon quasi quotidienne et ce, peu importe la météo, il affiche sa routine sportive sur les réseaux sociaux où il allie vélo et entraînement en salle. Même les moments en famille sont précédés ou suivis de sessions de sport et l'Espagnol ne semble jamais s'arrêter. Il va même plus loin en contrôlant scrupuleusement son poids et tout ce qui s'y réfère, et reconnaît que c'est devenu une véritable obsession.

"C'est une chose qui m’obsède totalement parce que je me suis rendu compte que ça se remarque beaucoup à l'accélération de la moto. La semaine précédant l'Autriche, j'ai essayé de maigrir d'un kilo et j'ai contrôlé mon poids durant tout le Grand Prix. Ça m'aide, et me faire mal physiquement et peser le moins possible fonctionne bien pour moi", a-t-il affirmé.

"Beaucoup de gens me critiquent parce que je publie tous les jours des photos et des vidéos sur mes réseaux sociaux où je fais de l'exercice, mais c'est une façon pour moi de gagner en confiance. Le fait de souffrir autant en m'entraînant, de m'occuper énormément de moi, me fait me sentir vivant mentalement. Je pèse même les quantités de nourriture que j'ingurgite parce que j'aime tout contrôler, et je veux arriver à chaque Grand Prix avec le poids exact que je souhaite, en sachant ce que j'ai mangé et bu. Pour moi, être capable de mener ce style de vie est une fierté, une récompense de mes efforts, et j'aime le montrer."

 

Si la méthode d'Espargaró peut paraître extrême, il assure de son côté que ses adversaires en font de même, à commencer par Fabio Quartararo : "Nous sommes voisins et, dernièrement, j'ai vu Fabio s'entraîner plus que jamais. Il est en train d'ajouter de la force à sa préparation, parce qu'avant il ne faisait que du cardio et de la course, et à présent il travaille la force, qui est très importante."

Pas question à ce niveau, en effet, de perdre le moindre dixième qui pourrait être au contraire gagné à l'heure où l'aérodynamique est devenue l'élément central de la performance des MotoGP. Tout est minutieusement calculé, et c'est via cela qu'Espargaró justifie son contrôle ultra strict de poids.

"On a calculé avec mes ingénieurs : trois kilos correspondent à un cheval en termes de puissance. Et avec les ailerons et les devices, on tire jusqu'à 95% de la puissance de la moto. Il y a quelques années, jusqu'en troisième vitesse, on n'utilisait pas plus de 70%. Aujourd'hui, on utilise 90% en première, et on est en pleine puissance en seconde. Par conséquent, moins il y a de masse à tirer, plus la moto accélère", a-t-il détaillé, sans oublier de mentionner que son coéquipier est dans la même dynamique : "Quand Maverick est arrivé, il pesait quatre ou cinq kilos de plus que moi et il perdait un dixième dans la ligne droite en Malaisie. Il a modifié sa préparation pour perdre quelques kilos et gagner en force."

"Aujourd'hui, tous les pilotes sont des athlètes, les motos sont super physiques. Je n'ai pas le chiffre exact mais on est plus ou moins à 300 chevaux de puissance, et on les utilise tous alors que nos bras sont les mêmes qu'avant, quand il n'y avait pas plus de 200 ou 225 chevaux de puissance. Il faut avoir un niveau physique très élevé car en plus l'égalité est maximale."

Aujourd'hui, être mince, ne pas peser beaucoup et avoir de la force est essentiel pour maintenir sa fréquence cardiaque à un niveau bas dans les derniers tours et pouvoir penser sur la moto. Je l'ai vu sur moi et chez d'autres pilotes.

Aleix Espargaró

Les MotoGP actuelles requièrent un niveau physique exceptionnel comme jamais elles ne l'ont nécessité par le passé. Au-delà du poids même du pilote, sa force et son endurance sont primordiales pour tenir l'intégralité de la course, et risquent de monter encore d'un niveau l'an prochain avec l'arrivée des courses sprint en plus des épreuves habituelles. L'entraînement physique reste donc plus que jamais la clé de la réussite pour Espargaró.

"Aujourd'hui, être mince, ne pas peser beaucoup et avoir de la force est essentiel pour maintenir sa fréquence cardiaque à un niveau bas dans les derniers tours et pouvoir penser sur la moto. Je l'ai vu sur moi et chez d'autres pilotes. Plus on s'entraîne et mieux préparé on arrive aux courses, plus on est rapide, je n'ai aucun doute là-dessus."

Propos recueillis par Oriol Puigdemont et Germán Garcia Casanova

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