Ogier est sorti de l'ombre de Loeb pour écrire sa propre légende

Sébastien Ogier quitte son rôle de pilote WRC à plein temps de la plus belle des manières, avec un huitième titre mondial en poche. Comparé tout au long de sa carrière au nonuple Champion du monde Sébastien Loeb, il a démontré de manière convaincante qu'il pouvait lui-même être considéré comme l'un des plus grands pilotes de rallye de l'Histoire.

Les vainqueurs et Champions Sébastien Ogier, Julien Ingrassia, Toyota Gazoo Racing WRT Toyota Yaris WRC

Photo de: Toyota Racing

Sébastien Ogier a passé une grande partie de sa carrière à être constamment comparé à celui avec lequel il partage le même prénom, également son ancien coéquipier chez Citroën, Sébastien Loeb. Statistiquement, ce dernier est le meilleur pilote de tous les temps. Mais il est dans la nature humaine de débattre pour savoir qui est le plus grand de l'Histoire, quel que soit le sport.

En décrochant un huitième titre mondial avec une victoire supplémentaire à Monza, Ogier a des arguments pour rester dans l'Histoire comme le meilleur de tous les temps. Son "dossier" est solide. Certes il achève sa carrière avec un titre de moins que Loeb mais il a pour lui le fait d'avoir décroché la couronne avec trois marques différentes – Volkswagen (2013-2016), Ford M-Sport (2017-2018) et Toyota (2020-2021) – et à cheval sur deux générations de voitures. Loeb a quant à lui signé tous ses succès durant l'ère de domination de Citroën.

La mainmise d'Ogier est telle qu'il n'a été battu qu'une seule fois lors des neuf dernières années, par Ott Tänak (Toyota) en 2019 alors qu'il vivait – ironie du sort – une année difficile chez Citroën. Loeb aussi n'a été battu qu'à une seule reprise sur une saison complète, par Petter Solberg (Subaru) au tout début de sa carrière en 2003.

Il est pertinent de souligner qu'Ogier et Loeb se sont affrontés lors d'une saison complète chez Citroën en 2011, où l'Alsacien l'a emporté. Mais il est injuste de prendre ce cas pour comparer, sachant qu'il s'agissait de la première saison complète d'Ogier dans l'équipe officielle tandis que Loeb avait déjà remporté huit titres. Les débats comme celui-ci ne peuvent jamais être tranchés de manière définitive, car les opinions divergent toujours. Mais après avoir tiré sa révérence en remportant un dernier titre, Ogier sera considéré par beaucoup comme le plus grand à avoir roulé en WRC.

 

Interrogé par Motorsport.com avant Monza, Ogier a reconnu que les comparaisons avec Loeb au début de sa carrière étaient flatteuses. Mais au fil des années et des titres, elles sont devenues aussi compréhensibles que gênantes.

"Bien sûr au tout début de ma carrière, c'était génial d'être comparé à une telle légende, qui avait accompli tant de choses", dit-il. "Ça veut dire que vous êtes vraiment sur la bonne voie. Mais quand les premiers véritables succès sont arrivés, et le premier titre, c'était parfois un peu ennuyeux d'être toujours comparé. Au début, ses statistiques paraissaient inatteignables. Mais maintenant que nous parlons d'un huitième titre, au bout du compte, je n'ai plus à être gêné par les chiffres. Je ne sais pas, c'est humain d'essayer de comparer et c'est ce qui nourrit la passion des fans [qui] se disputent pour savoir qui est le meilleur. Émotionnellement, tu soutiendras toujours un pilote plus qu'un autre."

Au-delà des comparaisons, le Rallye de Monza a mis en évidence ce qui manquera au WRC lorsque le championnat entrera en 2022 dans une nouvelle ère, sans Sébastien. Ogier ne participera qu'à quelques rallyes l'an prochain, au volant d'une troisième Toyota qu'il partagera avec Esapekka Lappi.

À 37 ans, il est sorti vainqueur pour la 54e fois en WRC après un duel de titans face à Elfyn Evans, au terme de trois jours d'une lutte féroce durant 16 spéciales. La cote était largement en sa faveur avant l'épreuve puisqu'il avait 17 points d'avance sur son coéquipier, mais rien ne pouvait les séparer lorsque la bagarre a commencé.

En amont, Ogier a tenté de minimiser les émotions liées à cette dernière à temps plein, dernière aussi avec son copilote de toujours, Julien Ingrassia. Toute idée de le voir assurer pour conquérir ce huitième titre a été balayée dès la première boucle du vendredi matin, sur les routes montagneuses et sinueuses de Bergame, où il a pris 6"5 d'avance sur Evans. Ce dernier lui a rapidement répondu pour prendre l'avantage avec 1"4 de marge le vendredi soir, brillant dans les spéciales tracées sur et autour du circuit de Monza.

 

Avec cinq changements de leader en six spéciales, on a assisté au plus beau duel pour la victoire depuis des années, mais c'est Ogier qui avait l'avantage pour une demi-seconde à trois spéciales de l'arrivée. Le dimanche matin, malgré une petite frayeur en heurtant un bloc de béton sur le banking, Ogier a scellé la victoire avec 7"3 d'avance sur Evans, victime d'un tête-à-queue et d'un calage dans l'avant-dernière spéciale. Au dernier point stop, Ogier et Ingrassia ont été submergés par la grandeur de ce qu'ils venaient d'accomplir, le manifestant par une rare effusion d'émotions.

"C'est dur de mettre des mots sur ce genre de journée en termes d'émotions, mais la plus grande aujourd'hui est pour Julien", a réagi Ogier. "Nous savons à quel point il y a de la joie, mais il y a aussi un peu de tristesse. Plus qu'un peu en fait. Nous savons que c'est la fin d'une fantastique aventure et Julien a été une part immense de cette histoire couronnée de succès. Alors c'est sûr, comme je lui ai dit en franchissant la ligne, il va me manquer."

"Ça a été un week-end passionnant. Franchement, je me suis concentré sur moi-même et je ne voulais pas que ça devienne l'un de mes plus gros échecs. La vérité, c'est que je devais garder un rythme élevé de toute manière, car les Hyundai n'étaient pas loin derrière et nous ne pouvions pas nous relâcher. Je ne voulais pas non plus offrir facilement cette victoire à Elfyn."

Pour conquérir son huitième titre, Ogier a décroché cinq victoires (Monte-Carlo, Croatie, Sardaigne, Kenya et Monza), la dernière figurant parmi les plus belles compte tenu des émotions et de l'intensité de la lutte face à Evans.

 

Monza a réellement mis en lumière le talent particulier d'Ogier. Il n'a fait que progresser grâce à une recherche constante de la perfection tout au long de sa carrière, donnant l'impression d'avoir toujours une longueur d'avance sur ses rivaux. Non seulement il a un talent immense derrière le volant – lui qui est le maître pour ouvrir la route sur terre, préserver ses pneus, tout en maintenant un rythme élevé en commettant peu d'erreurs –, mais il a su gérer l'immense pression et les émotions pour offrir un final de conte de fées à une carrière qui le mérite.

Vainqueur de plus d'un tiers des rallyes auxquels il a participé, il ne fait aucun doute qu'Ogier a les capacités pour continuer, pour égaler et même dépasser les neuf titres et 79 victoires de Loeb. Mais dans la vie, il y a des choses plus importantes que les records. "Toutes les bonnes choses ont une fin, et je ne suis en rien triste de cette décision que j'ai prise [d'arrêter]", assure-t-il. "C'est absolument la bonne chose de le faire maintenant. J'ai besoin d'une pause et de temps avec ma famille."

Nombreux sont ceux qui arrêteraient totalement la compétition mais ce n'est pas le genre d'Ogier. Il a encore la flamme et il est impatient de courir sur circuit. Par ailleurs, il reprendra le travail dès cette semaine en testant pour la première fois la Toyota Rally1 2022. Il est attendu en janvier prochain au départ du Monte-Carlo, une épreuve qu'il a remportée à huit reprises, un record. Mais une chose est sûre : l'octuple Champion du monde, et peut-être le plus grand pilote de rallye de tous les temps, aimerait faire une pause.

"C'est toujours super dur pour un sportif de trouver comment terminer sa carrière, il n'y a pas de manière idéale de le faire", estime-t-il. "La manière dont je le fais aujourd'hui, en arrêtant mais pas complètement et en restant dans l'équipe pour faire peut-être quelques rallyes l'an prochain, me semble être le bonne pour le moment."

"Là, tout de suite, je préférerais avoir une pause complète et vraiment profiter de la fin de l'année avant de préparer la prochaine. Je ne le sens pas vraiment pour l'instant, mais je suis sûr que je vais retrouver de l'énergie pour aller de l'avant. Nous verrons bien ce que l'avenir me réserve. Je sens que j'ai besoin de cette pause et de ce temps pour moi, et d'essayer de reconstruire de la motivation pour faire à nouveau du sport automobile."

Content et à l'aise avec sa décision de prendre du recul, Ogier mérite une place particulière au panthéon du WRC. Aux yeux de beaucoup, cette place est au sommet du podium. Ogier et Ingrassia resteront sans doute dans les mémoires comme le meilleur duo de l'Histoire du WRC.

 

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