Rétro

"RS Spyder", ou quand Porsche-Penske chahutait Audi avec une LMP2

Ce n'était peut-être qu'un prototype LMP2, mais la Porsche RS Spyder a régulièrement boxé au-dessus de sa catégorie. Au point de donner plusieurs fois la leçon, pendant trois ans de partenariat avec le Team Penske, à des Audi LMP1 pourtant plus puissantes. Pilier du programme à l'époque, Sascha Maassen se souvient.

Ryan Briscoe, Sascha Maassen, Porsche RS Spyder

Ryan Briscoe, Sascha Maassen, Porsche RS Spyder

Phillip Abbott / Motorsport Images

Ils sont à nouveau réunis. Penske et Porsche se sont associés pour faire courir la nouvelle 963 LMDh en WEC et en IMSA. Et les attentes sont à juste titre élevées quand on sait l'énorme succès qu'a rencontré leur dernière collaboration autour du projet RS Spyder LMP2, avec à la clé des titres en American Le Mans Series tout au long des trois années de ce programme d'usine.

Tous ceux qui ont couru avec la RS Spyder en gardent un souvenir ému. Avec moins de puissance que les Audi LMP1 turbo diesel, mais aussi moins de volume, ce qui la rendait particulièrement agile dans les virages, cette machine a remporté les 12 Heures de Sebring en 2008, un jour où Audi et Peugeot sont passés à côté. Mais ce n'est que la plus célèbre de ses multiples victoires en ALMS, où elle en a décroché huit d'affilée en 2007, avant qu'Acura n'élève son niveau en 2008 et rende la compétition plus disputée.

Pilote de la RS Spyder lors de sa première victoire, à l'occasion de ses débuts à Laguna Seca en 2005, et figurant parmi ceux qui l'ont menée au titre l'année suivante, Sascha Maassen ne pouvait que choisir ce prototype comme étant son préféré. Vainqueur du Grand Prix de Macao en 1994, il s'est fortement impliqué dans le développement de cette voiture à moteur V8, qui était le premier proto conçu par Porsche depuis l'abandon de la LMP2000.

"Vous pouvez demander à n'importe quel pilote, il vous dira toujours à quel point cette voiture était bonne", assure Maassen, qui souligne notamment comment Porsche avait amélioré de 20% l'efficacité aérodynamique de la RS Spyder entre 2006 et 2007. "Les voitures de 2007 et 2008 étaient beaucoup plus faciles à piloter et beaucoup plus rapides. C'est incroyable tout ce qu'ils avaient fait en un an."

Après avoir décroché trois titres en autant d'années aux côtés de Lucas Luhr, de 2002 à 2004, le duo allemand était très attendu au volant de la Porsche RS Spyder et s'était très tôt impliqué dans l'élaboration des fonctions du cockpit. "Au départ, je me demandais pourquoi, assis dans une boîte en bois, on me demandait de dessiner les boutons. J'étais très honoré", raconte Maassen. 

Les Porsche RS Spyder ont souvent chahuté Audi en 2007.

Les Porsche RS Spyder ont souvent chahuté Audi en 2007.

Ne voulant pas compromettre ses chances de piloter la voiture pour la première fois, Maassen avait auparavant demandé à Porsche la permission de se faire opérer d'une hernie après un accident à l'entraînement, sachant qu'il serait au repos forcé pendant une quinzaine de jours.

Il raconte ce jour où il a baptisé la voiture sur la piste d'essais de Porsche, à Weissach : "Je crois que quatre jours avant mon opération, ils m'ont appelé pour me dire : 'Écoute, la voiture est prête, c'est un peu plus tôt que prévu. Es-tu d'accord pour la piloter ?' J'étais en béquilles, je ne pouvais pas marcher, et j'ai dit 'Oui, bien sûr, je suis prêt à piloter !'. J'ai eu un petit problème pour rentrer dans la voiture…"

"C'est un de mes souvenirs les plus mémorables, lorsque j'ai piloté pour la première fois cette voiture au centre de développement. Quand j'ai pris la piste, il n'y avait personne. Et puis les gens ont dû entendre le son différent du moteur, car ce n'était pas un moteur à six cylindres mais un V8. Il y avait de plus en plus de monde pour venir voir ! Le patron [Hartmut Kristen] est aussi venu et il m'a demandé comment était la voiture. Je n'oublierai jamais, c'était vraiment cool."

Des problèmes persistants avec la boîte de vitesses transversale, plutôt légère, ont reporté les débuts de la RS Spyder, initialement prévus pour Petit Le Mans en 2005. Et même après la pole position décrochée par Maassen à Laguna Seca, ni lui ni ses mécaniciens ne s'attendaient à ce que ça tienne.

"Un capteur nous indiquait une température élevée sur la crémaillère de direction", se souvient-il. "Je me rappelle que mon mécanicien, en me sanglant, m'a dit : 'Profite de la demi-heure que tu as peut-être, la température est très élevée, tu n'auras pas plus d'une demi-heure'. J'ai donc débuté la course en pensant ne faire qu'une demi-heure, mais le problème ne venait pas de la direction, c'est le capteur qui était cassé."

La voiture a roulé sans interruption pendant toute la durée de la course. En raison d'une erreur de communication, Maassen est resté à son volant durant 2h55, soit cinq minutes de moins que le temps maximal autorisé, avant de céder sa place à Luhr, qui l'emmena jusqu'à l'arrivée avec une victoire dans sa catégorie. Un ultime et bref ravitaillement, à cinq minutes du drapeau à damier, fit perdre aux deux hommes la quatrième place du général.

Maassen et Luhr ont remporté la catégorie LMP2 dès la première course en 2005.

Maassen et Luhr ont remporté la catégorie LMP2 dès la première course en 2005.

Des problèmes de boîte provoquèrent des abandons lors des deux premières manches en 2006, alors que Penske disposait désormais d'une deuxième voiture, confiée à Timo Bernhard et Romain Dumas. Lors de la troisième manche, à Mid-Ohio, la RS Spyder offrit toutefois une démonstration prémonitoire. Bernhard et Dumas emmenèrent un doublé Penske en battant la vénérable Audi R8. Ce fut la seule victoire de la RS Spyder en 2006, sa fiabilité demeurant irrégulière à tel point que Porsche sépara Maassen et Luhr lors des quatre dernières manches afin de ne pas mettre tous ses œufs dans le même panier au championnat.

"On avait beaucoup de difficultés en 2006", confirme Maassen, qui avait donc rejoint Bernhard tandis que Luhr faisait équipe avec Dumas. "À quatre courses de la fin, la #7 n'était plus en lice pour le titre et la nôtre [la #6], avec Lucas, ne menait pas le championnat à cause de nombreux problèmes techniques. Ils nous ont donc séparés car avec un abandon de plus, on n'aurait pas gagné le titre et ça aurait été un désastre. Je me souviens du coup de téléphone de Roland Kussmaul [ingénieur chez Porsche]. Son attitude avant qu'il me parle était si humble et réfléchie que je savais déjà avant qu'il ne commence à parler."

Maassen demanda à Kussmaul de lui promettre que si la fiabilité s'améliorait et si les RS Spyder voyaient l'arrivée de toutes les courses restantes, Penske s'assurerait qu'il puisse partager le titre avec Luhr. "Et au final, c'est exactement ce qui s'est passé", dit-il. "Ils nous avaient séparés car ils avaient peur des abandons, et nous n'en avons jamais eu ! On avait tous les deux le même nombre de points et on est devenus co-champions. Je ne voulais pas être le seul champion, ça n'a jamais été mon objectif, je voulais juste l'être et je trouvais ça plus sympa de le partager."

Plusieurs facteurs ont permis à Porsche de concurrencer Audi plus régulièrement en 2007. La capacité du réservoir des turbo diesel avait été réduite de neuf litres, et jusqu'à la manche de Lime Rock, les LMP2 n'avaient pas à rouler avec la réduction de 5% de puissance imposée par le règlement des 24 Heures du Mans. Audi n'avait pas non plus lancé la spécification 2007 de sa R10 dès le début du championnat, pendant que Porsche avait apporté de nombreuses modifications aérodynamiques pour augmenter l'appui et réduire la traînée.

Maassen et Briscoe ont gagné à trois reprises en 2007.

Maassen et Briscoe ont gagné à trois reprises en 2007.

En 2007, Bernhard et Dumas remportèrent le titre après avoir signé huit victoires en douze courses, tandis que Maassen s'était retrouvé associé à Ryan Briscoe. Il considère aujourd'hui l'Australien comme "le coéquipier le plus fort" qu'il ait côtoyé, même si les résultats du tandem n'ont pas toujours été à la hauteur. Il estime par ailleurs que son poids l'a désavantagé. "Par rapport à Timo [Bernhard], je faisais environ 20 kg de plus et c'était toujours un petit désavantage", explique-t-il.

"Les petites choses qui se sont enchainées" ont également joué leur rôle. Les deux voitures ont été sérieusement retardées par des problèmes électriques à Sebring, alors que l'équipage #6 avait déjà souffert d'une rupture de câble de frein et s'était retrouvé très loin. À long Beach, c'est une crevaison qui avait précipité un arrêt au stand à un moment où la pitlane était fermée, et à Road Atlanta il avait fallu s'arrêter longuement pour retirer des débris amassés sous le nez de la voiture.

Des incidents dans le trafic à Détroit et à Petit Le Mans ont également coûté cher, mais le duo s'était tout de même imposé en LMP2 à St. Petersburg en dépit d'une pénalité consécutive à un accrochage avec Marino Franchitti, puis avait gagné au Miller Motorsports Park et à Lime Rock.

En 2008, Maassen changea à nouveau d'équipier, collaborant dès lors avec Patrick Long. Dumas et Bernhard avait un titre à défendre face à la concurrence grandissante d'Acura, qui signa six victoires contre cinq face à Porsche. Le constructeur allemand utilisait néanmoins un nouveau moteur à injection directe, preuve s'il le fallait encore du développement continu accordé à ce programme.

La dernière année de l'accord sur trois ans avec Penske ne fut pas la plus brillante pour Maassen, malgré l'apogée incarnée par la victoire de l'autre équipage aux 12 Heures de Sebring 2008. La course de Long Beach fut mouvementée jusqu'à une crevaison, puis à Lime Rock le timing de la voiture de sécurité fut désavantageux. Le programme d'usine de la RS Spyder fit ses adieux à Petit Le Mans avec un double podium en LMP2.

La Porsche RS Spyder à Long Beach en 2008.

La Porsche RS Spyder à Long Beach en 2008.

Maassen n'aura pas gagné les 24 Heures du Mans avec la RS Spyder mais il a terminé deuxième de la catégorie LMP2 en 2008 avec le Team Essex. Le tout après une crevaison et un changement du système d'injection de carburant ainsi que du système électrique du moteur, ce qui avait relégué l'équipage à sept tours de l'autre Porsche RS Spyder, celle du Van Merksteijn Motorsport. De cette édition, il retient qu'il avait été plus rapide que Jos Verstappen, mais aussi que certains LMP1 équipés de pneus Dunlop.

"Le premier jour, j'étais la plus rapide des voitures chaussées en Dunlop au général", raconte-t-il. "Il y avait des LMP1 en Dunlop, mais elles étaient toutes derrière ! C'était vraiment cool. Ils avaient tous ces pneus de qualifications, et je me souviens qu'ils m'ont donné deux trains. J'ai utilisé le premier trop tôt et quand je suis arrivé dans les virages Porsche, les pneus étaient déjà usés. Je suis rentré au stand et j'ai demandé à ne plus chauffer les pneus arrière, car je pouvais le faire en piste."

"On m'a envoyé en piste avec des pneus arrière froids, mais ça a très bien marché. J'ai fait le tour le plus rapide ce jour-là, et dans le second tour, j'ai perdu un peu et j'ai décidé d'abandonner avant les virages Porsche, donc j'ai freiné 50 mètres plus tôt. Et c'est là que le pneu a explosé ! J'ai eu beaucoup de chance d'avoir ces 50 mètres supplémentaires pour rattraper la voiture, car j'aurais eu un gros accident."

Maassen a terminé deuxième du LMP2 au Mans en 2008 avec le Team Essex aux côtés de John Nielsen et Casper Elgaard.

Maassen a terminé deuxième du LMP2 au Mans en 2008 avec le Team Essex aux côtés de John Nielsen et Casper Elgaard.

Rejoignez la communauté Motorsport

Commentez cet article

Voir aussi :

Article précédent Blomqvist hisse Acura en pole des 24H de Daytona
Article suivant Bourdais : "Espérer que les dieux de l'électronique soient avec nous"

Meilleurs commentaires

Il n'y a pas de commentaire pour le moment. Souhaitez-vous en écrire un ?

Abonnez-vous gratuitement

  • Accédez rapidement à vos articles favoris

  • Gérez les alertes sur les infos de dernière minute et vos pilotes préférés

  • Donnez votre avis en commentant l'article

Motorsport Prime

Découvrez du contenu premium
S'abonner

Édition

France