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Pourquoi le retrait de Honda ne suscite pas de panique en F1

La décision de Honda de quitter la Formule 1 fin 2021 a précipité l'idée selon laquelle la discipline n'allait tout simplement pas suffisamment loin sur la question des technologies vertes pour les constructeurs. Pourtant, le championnat n'est pas prêt à abandonner son concept hybride.

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Immédiatement après l'annonce fracassante du départ de Honda de la Formule 1, il était très facile de conclure qu'il s'agissait d'un immense coup dur pour la réputation écologique du championnat. Après tout, les justifications du constructeur japonais, ne souhaitant pas poursuivre son aventure F1, étaient toutes liées à des considérations environnementales : l'effort pour une neutralité carbone de l'entreprise de voitures de route d'ici 2050 et un total des deux tiers des véhicules vendus qui seraient électriques d'ici 2030.

La décision de Honda de s'en aller a été interprétée par certains comme une coup dur pour la F1, arguant que les efforts entrepris par le monde des Grands Prix en terme d'hybridation et de neutralité carbone n'étaient pas suffisants pour que la marque reste satisfaite. Mais en creusant un peu plus profondément dans ce qu'a dit Honda, les raisons apparentes ne sont pas directement liées aux règles de la F1 ou à la direction prise par la discipline. Il s'agit plutôt d'un problème spécifique à l'entreprise, qui démarre et se termine à Tokyo.

Honda est parti car la firme a besoin de consacrer tout son argent à son effort pour être neutre en carbone et qu'elle veut que les ingénieurs, qui ont appris beaucoup de choses au sujet de la technologie hybride, se concentrent sur des ambitions automobiles plutôt que sur la recherche de performance sur un tour. En fin de compte, il s'agit plus du besoin de Honda de rediriger ses ressources que d'une mauvaise direction prise par la F1

Toutefois, en tant que seul constructeur qui était un motoriste sans écurie d'usine, Honda a toujours été une exception. Alors que les nouveaux termes commerciaux des Accords Concorde (ainsi que le plafond de dépenses) ont quasiment poussé Mercedes, Renault et Ferrari à s'engager sans réfléchir car les équipes pourront désormais générer des profits, il n'y avait aucun moyen pour Honda d'équilibrer les comptes. Le choix de la marque était alors assez simple quant à la manière de rediriger l'argent vers la branche des voitures de route : acheter une équipe (ce qui coûte aujourd'hui au minimum 200 millions de dollars en raison du ticket d'entrée instauré par les Accords Concorde) ou tout arrêter.

A Honda logo on a Red Bull engine cover

Étant donné qu'il s'agit d'un problème interne à Honda, difficilement applicable aux autres constructeurs, cela fait qu'il y a eu peu de panique dans les bureaux de la F1 ou au sein de l'instance dirigeante qu'est la FIA au sujet de la suite. En fait, il était fascinant de voir, cette semaine, le PDG de Mercedes, Ola Källenius, évoquer longuement la manière dont Daimler prévoit de renforcer les liens et le transfert de technologie entre le projet F1 et le département voitures de route d'AMG dès l'an prochain. Les relations vont être étendues bien au-delà de la Project One qui disposera d'un moteur de F1 actuel.

"Nous utiliserons le développement technologique de la Formule 1 pour les performances des hybrides, nous nous tournerons vers d'autres technologies passionnantes à l'avenir et nous les inclurons dans nos voitures AMG", a-t-il déclaré lors d'un briefing avec les investisseurs concernant le plan stratégique alors que la marque tend de plus en plus vers l'électrification. "Avec la Project One, nous allons prendre l'unité de puissance de la Formule 1 et la mettre sur la route. Il est donc naturel pour nous d'exploiter encore plus la Formule 1 pour l'avenir d'AMG."

La F1 continue de faire sens pour des marques comme Mercedes, et le championnat n'a clairement pas reculé au moment de renforcer son attention sur des domaines que les constructeurs automobiles souhaitent voir. La discipline reste pleinement engagée sur un objectif de neutralité carbone d'ici 2030. Avant cela, et au plus tard début 2022, le but sera de disposer de 10% de carburant durable avancé, cette part étant amenée à augmenter au fil du temps afin qu'en 2030, au plus tard, les carburants utilisés soient 100% durables.

La nouvelle réglementation moteur qui arrivera en 2026 aura pour objectif encore plus d'efficience qu'actuellement, et sera construite autour d'un niveau plus important de carburant durable, potentiellement en mettant en avant la cible de 100%. Ce qui est clair, c'est qu'il n'y aura pas de rupture radicale avec le concept de moteur hybride actuel, ni de tentative de passer au tout électrique. Quant à une motorisation hydrogène, c'est encore trop tôt pour y penser.

L'équilibre entre l'efficience d'un moteur à combustion interne de taille appropriée et l'incorporation de puissance électrique au travers de l'énergie cinétique ou de la chaleur apparaît toujours plus pertinent pour les constructeurs de voitures pour la prochaine décennie que de se focaliser exclusivement sur des véhicules uniquement équipés de batteries. La place de la F1 n'est au final pas d'essayer de réagir aux envies et aux demandes actuelles des constructeurs automobiles. Il s'agit d'être à la pointe et de mener la charge technologique pour ce qui est attendu dans les dix prochaines années.

Lors d'un entretien avec le manager sportif de la F1, Ross Brawn, plus tôt dans l'année, il était clair que tendre vers des solutions telles que les carburants durables pouvait permettre d'accomplir de grandes choses et de faire de la discipline une pionnière. "Nous croyons que la F1 peut devenir la locomotive. Avec la seconde génération de biocarburants qui se développe et avec le nouveau moteur [à partir de 2026], nous pouvons dire 'il faut qu'il utilise des carburants durables ou synthétiques, et c'est la seule façon de pouvoir courir en F1'."

"Vous pouvez être sûr que cela va ensuite être la force directrice de cette technologie. Et que toutes les compagnies pétrolières seront impliquées car elles savent qu'il faut trouver des solutions alternatives pour l'avenir. Nous pouvons ainsi être le catalyseur derrière le changement sur ces choses. Donc c'est clairement la technologie dans laquelle nous pourrions nous engager."

Haas F1 Fuel in sign

Le transfert de technologie et la pertinence vis-à-vis des voitures de route va également au-delà des moteurs et des batteries. Le mois dernier, le nouveau PDG de Renault, Luca de Meo, donnait sa vision du futur, expliquant qu'il y avait de nombreux avantages, en aval, à être impliqué en F1. D'ores et déjà, Renault commence à faire des avancées au niveau de ses voitures de route, en utilisant sa marque E-tech, qui se base sur la compréhension tirée de la technologie hybride de la F1.

"Je pense qu'à l'avenir, également en termes d'électrification des moteurs, l'aérodynamique sera très, très importante pour les voitures électriques", déclarait de Meo. "L'aérodynamique sera fondamentale pour les voitures électriques. Tout comme la gestion de la batterie, une gestion de la batterie haut de gamme. Je pense que la F1 peut faire beaucoup de choses."

Ce serait une immense erreur de croire que la seule façon pour la F1 de prouver son engagement vers des technologies vertes à l'avenir serait de passer au tout électrique. Et cela en ignorant la dérangeante vérité qui veut qu'actuellement, la technologie des batteries ne peut produire une voiture de course qui irait à 320 km/h pendant deux heures.

Les voitures de route électriques sont beaucoup évoquées, mais leur prix et leur autonomie limitée font qu'elles ont encore une faible attractivité pour les consommateurs en dehors du marché haut de gamme. Sur 1,1 milliard de voitures dans le monde, un milliard ont des moteurs à combustion interne. L'électrique représente donc encore une petite minorité.

Et n'oublions pas que les experts de l'industrie estiment que, pour qu'une voiture électrique soit totalement neutre en carbone et atténue l'impact sur ce bilan de la création de sa batterie, il faut couvrir au moins 100 000 km. De plus, il n'existe pas encore de manière totalement verte de traiter les batteries une fois leur cycle de vie passé.

En dépit de l'obsession de beaucoup pour les voitures électriques (en particulier des gouvernements qui forcent les constructeurs à emprunter cette voie), il n'y a toujours pas de solution miracle pour sauver le climat. En fait, si la F1 peut aider à changer le carburant et à accélérer l'arrivée de produits durables qui diminuent la pollution, même de quelques pourcents, cela pourrait avoir un plus gros impact pour l'environnement en tenant compte du milliard de voitures que tout ce qui pourrait être accompli grâce aux batteries.

Il ne s'agit pas de dire que les moteurs turbo hybrides actuels en F1 sont parfaits, en fait c'est loin d'être le cas. Le manque de bruit est un facteur important pour les fans. Le MGU-K et le MGU-H se sont avérés immensément complexes et chers à mettre au point. De plus, peut-être le pire, la F1 et les constructeurs impliqués n'ont pas su en faire correctement la promotion ou mettre en avant leur excellence. Très peu de gens en dehors de la discipline sont conscients que les F1 courent actuellement avec les moteurs les plus efficaces et puissants au monde. Mais ce sont des aspects qui peuvent clairement être améliorés pour 2026. 

Abaisser les coûts des moteurs hybrides en introduisant un plafond budgétaire pour les motoristes, abandonner certains systèmes complexes qui vont bien au-delà des besoins, rendre les moteurs plus bruyants, aussi puissants et continuer d'être le leader dans le développement des carburants durables. Puis, s'assurer de crier sur tous les toits à quel point ces unités de puissance sont brillantes.

La F1 n'a pas besoin de jeter le bébé avec l'eau du bain. Une F1 neutre en carbone, avec des moteurs hybrides ultra puissants qui fonctionnent grâce à la prochaine génération de biocarburants et une technologie de batteries de pointe, tout cela sonne aussi bien pour les fans que pour les constructeurs. Et cela, qu'importe ce que Honda a choisi de faire, c'est exactement ce vers quoi la F1 se dirige.

Lewis Hamilton, Mercedes F1 W11, Max Verstappen, Red Bull Racing RB16, Valtteri Bottas, Mercedes F1 W11, Sergio Perez, Racing Point RP20, and the rest of the field at the start

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