Pourquoi Verstappen se trouve confronté à un héritage Honda

Max Verstappen trouve les pénalités moteur "illogiques", toutefois elles sont en vigueur depuis désormais quatre saisons et ont en grande partie été façonnées par les difficultés rencontrées par Honda au moment de son retour en F1. Retour sur l'évolution récente des sanctions concernant les unités de puissance.

Fernando Alonso, McLaren MCL32, sort de sa voiture après un problème technique

Andrew Hone / Motorsport Images

Au sortir du Grand Prix de São Paulo, Max Verstappen s'est fendu d'une déclaration sur la pénalité moteur reçue par Lewis Hamilton, et plus globalement sur les règles en vigueur dans ce domaine. Pour le Néerlandais, le fait que le premier changement d'un élément – ici le moteur à combustion interne (ICE) – au-delà du quota autorisé soit pénalisé de 10 positions de recule sur la grille et que les suivants le soient de cinq places est "illogique".

Si l'opinion de fond sur cette question dépend des sensibilités de chacun, la remise en cause de ces règles par Verstappen intervient seulement à la fin de la quatrième saison où cette logique est appliquée. Peut-être plus ironique, c'est en grande partie en raison des difficultés du motoriste actuel du Néerlandais, Honda, que cette orientation avait été adoptée. L'occasion d'un petit retour en arrière sur l'évolution des sanctions dans la réglementation moteur depuis le début de l'ère turbo hybride.

Les premières règles limitant l'utilisation de moteurs sur l'ensemble d'une saison ont été introduites en F1 bien avant l'ère turbo hybride, principalement pour tenter de freiner la course à l'armement et les coûts en obligeant les constructeurs à les fiabiliser via des pénalités sportives. Toutefois, la génération actuelle d'unités de puissance a complexifié la chose puisque plusieurs éléments composent les blocs propulseurs et surtout le quota de pièces autorisées a été drastiquement réduit alors même que la technologie était en partie nouvelle, en tout cas à ce niveau de la compétition. Aussi, il a fallu prendre cette réalité en compte au moment d'infliger des pénalités.

Entre 2014 et 2017, les règles moteur avaient une logique légèrement différente de l'actuelle, même si le principe d'une différenciation entre pénalités de 10 et 5 positions sur la grille existait déjà. Ainsi, le règlement prévoyait qu'à chaque fois qu'un élément était monté en dehors du quota, si celui-ci était le premier d'une nouvelle unité de puissance, il devait être pénalisé de 10 places ; mais les autres éléments de cette même unité n'étaient alors sanctionnés que de 5 places. Concrètement, dans le cas de Hamilton, si le règlement 2014 était toujours en vigueur, il aurait aussi écopé de 10 places en Turquie (pour son premier quatrième exemplaire) mais également à Interlagos car il s'agissait alors de son premier cinquième exemplaire.

Il faut toutefois rappeler que d'autres paramètres étaient également différents durant cette époque, à commencer par le nombre d'unités de puissance autorisées et le fait que le nombre d'exemplaires autorisés par saison était le même pour chaque élément. En 2014, les écuries en avaient droit à cinq (pour 19 GP), puis initialement à quatre entre 2015 et 2017, même si la limite avait finalement été rehaussé pour 2016 face à un calendrier record (à l'époque) de 21 Grands Prix

 

Aussi, en 2014, si une pénalité ne pouvait pas être purgée entièrement lors du GP où les éléments étaient changés, le reste était reporté sur l'épreuve suivante (mais pas au-delà). Cette règle a été légèrement modifiée en 2015, où le reliquat était transformé en pénalité en temps à purger lors de la course suivante. Puis le principe a été abandonné en cours de saison devant le sentiment d'injustice et de double voire triple peine provoqué par les premières applications de ces mesures, en particulier pour McLaren-Honda qui souffrait d'importants problèmes de fiabilité et de performance pour la première saison du retour du motoriste en F1, qui se servait également des GP pour effectuer des tests grandeur nature en accumulant les pièces.

En 2016 ce principe de report des sanctions d'un GP à l'autre avait donc été définitivement rayé de la réglementation sportive, même si les totaux parfois gargantuesques créés par l'addition des pénalités étaient objets de railleries. Toutefois, en cours de saison, un événement (pourtant pas inhabituel pour l'époque mais qui avait concerné un protagoniste très en vue) avait cristallisé des critiques et conduit à un changement pour l'année suivante : au GP de Belgique, alors que Hamilton était contraint de changer de moteur, Mercedes avait décidé de monter plusieurs fois au cours du week-end des éléments neufs sur sa monoplace. De sorte que, partant quoi qu'il arrive du fond de grille pour cette unique course et alors qu'il était dans une lutte serrée pour le titre face à son équipier Nico Rosberg, il avait pu se constituer un stock notable de pièces neuves en empilant les pénalités (ce qui ne l'avait pas empêché de connaître une défaillance terminale en Malaisie, quelques semaines plus tard).

Aussi en 2017, a été introduite une règle empêchant justement de "stocker" des pièces. Le principe est simple et existe encore dans le règlement actuel : si plusieurs éléments nouveaux sont montés au cours d'un même Grand Prix, seul le dernier élément installé pourra être utilisé lors des GP suivants sans pénalité. En pratique, il n'y a donc pas d'intérêt à monter plusieurs exemplaires d'un même élément lors d'un seul GP, car les pénalités entreront quand même en vigueur lors des courses suivantes si ces éléments sont utilisés.

 

Malgré ces changements ayant eu pour but de simplifier les règles, le vrai tournant a eu lieu en 2018, où a été mis en place l'essentiel de ce qui constitue encore les règles actuelles. Outre la règle empêchant le stockage, c'est cette saison-là que la logique de l'articulation des pénalités de 10 et 5 places sur la grille a été modifiée. Désormais, le premier dépassement du quota pour chaque élément constituant l'unité de puissance équivaut à 10 positions de recul, mais les dépassements suivant ne sont plus sanctionnés que de 5 places. C'est pour cela qu'en 2021, Hamilton a écopé de 10 places de recul en Turquie après avoir monté le quatrième ICE puis de 5 places au Brésil pour le cinquième.

Cela a en partie été motivé par la situation de Honda qui, après une saison 2016 meilleure sur les plans de la performance et de la fiabilité, avait changé radicalement de concept pour 2017, et était violemment retombé dans ses travers.

Cette forme d'"allègement" de la sévérité des pénalités sur la longueur était d'autant plus important que 2018 a également été l'année à partir de laquelle, tenant compte de la fiabilisation globale de plus en plus importante des moteurs, le nombre d'éléments a encore été diminué malgré un calendrier de 21 épreuves, avec maximum trois éléments (ICE, MGU-H, turbo) ou deux (MGU-K, batterie, unité de contrôle électronique). Les seuls changements notables depuis ont été l'augmentation du quota pour le MGU-K (passé à trois en 2020) et l'ajout en 2021 du système d'échappement (à raison d'un maximum de huit exemplaires par saison) dans la liste des pièces faisant partie d'une unité de puissance.

Finalement, ce contre quoi Verstappen s'élève, c'est l'héritage d'une époque difficile mais fondatrice des succès actuels de Honda. Mais qui sert à une autre structure.

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