Lièvres ou profiteurs, les pilotes divisés sur le délicat problème du trafic

Les pilotes MotoGP sont face à un dilemme sur la délicate question de l'attitude à adopter pour boucler un tour rapide. À la fois donneurs de leçons aux jeunes du Moto3 sur les questions de sécurité, ils sont eux-mêmes parfois en quête d'une roue ou d'une référence en qualifications.

Marc Marquez, Repsol Honda Team

Photo de: Gold and Goose / Motorsport Images

Plusieurs pilotes MotoGP ont exprimé leur colère samedi après des qualifications marquées par de gros soucis de trafic. Divisé en deux quarts d'heure très intenses, cet exercice est d'autant plus délicat lorsque le Grand Prix se déroule sur une piste aussi courte que celle du Sachsenring, dont le tour ne couvre que 3,6 km, et cela s'est particulièrement ressenti ce week-end.

Plusieurs pilotes ont en effet été aperçus au ralenti ou coupant leur effort afin de trouver la bonne roue à accrocher pour lancer leur tour rapide, causant des situations de gêne voire de danger dans certaines portions embouteillées. Le cas le plus médiatisé a été celui de Danilo Petrucci, furieux d'avoir été gêné par Enea Bastianini, celui-ci ayant par la suite été pénalisé de trois places sur la grille de départ.

Si le pilote Tech3 a exprimé sa colère par un doigt d'honneur sans équivoque, Álex Rins s'est lui aussi montré très ferme sur le sujet, estimant que sa Q2 avait été gâchée par le trafic, mais surtout que les pilotes MotoGP donnent un bien piètre exemple aux plus jeunes en se comportant de la sorte.

"Ça a été un désastre en Q2", a commenté le pilote Suzuki. "Je suis vraiment en colère, on ne peut pas continuer comme ça avec les commissaires. On est en MotoGP, on essaye de montrer aux [pilotes] Moto3 qu'ils ne peuvent pas s'arrêter [sur la trajectoire], se suivre et tout cela, mais après je trouve un très gros groupe presque arrêté dans le dernier virage. J'étais dans mon premier tour rapide et un ou deux pilotes se sont mis sur la trajectoire sans regarder derrière. Ça n'a aucun sens. Il faut faire quelque chose car on en parle tout le temps à la Commission de sécurité. Ça fait beaucoup de courses que l'on se plaint et que l'on dit qu’ils doivent être plus durs dans les décisions, mais au final c'est toujours la même chose."

Jugeant la situation "frustrante", Rins a regretté que les signalements envoyés à la direction de course n'obtiennent pas de retours à la hauteur. "On obtient des réponses comme : 'nous n'avons pas le sentiment qu'ils aient dérangé votre pilote'. Ça n'a aucun sens", a-t-il pesté. "Lorsque les caméras montrent que beaucoup de pilotes attendent dans une partie de la piste, ils devraient être immédiatement pénalisés."

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Le point de vue d'Álex Rins est partagé par bien des pilotes, à l'instar de Pol Espargaró, qui s'agaçait samedi que le MotoGP donne des leçons aux jeunes pousses du Moto3 sans appliquer ses propres principes. Mais l'Espagnol concède aussi qu'il en profite, et c'est là tout le paradoxe de ce sujet, lorsque l'on voit des pilotes parmi les plus majeurs du championnat s'adonner à la prise de roue, à l'image notamment d'un Marc Márquez diminué"Au final, on fait la même chose en MotoGP. On est ceux qui doivent donner l'exemple et ce n'est pas ce qu'on fait. Je ne dis pas que je ne le fais pas. C'est une critique de tous les pilotes, moi compris. Il est certain qu'il faut y remédier", a admis Espargaró.

"Ça n'est pas terrible à voir. Je n'aime pas ces situations. C'est comme ça en Moto3 et maintenant le MotoGP est comme le Moto3", a également commenté Takaaki Nakagami. "Il faut qu'on change ça ou qu'on applique de grosses pénalités pour que les gens comprennent que ça n'est pas bien. Depuis quelques courses, ça semble empirer à chaque Grand Prix. Peut-être qu'à la prochaine Commission de sécurité il faudrait qu'on en parle, qu'on ne parle pas que du Moto3 mais aussi du MotoGP."

Valentino Rossi, Petronas Yamaha SRT

"Je pense qu'on est un exemple pour les jeunes", a résumé quant à lui Fabio Quartararo, également fermement opposé à ces pratiques, qu'il juge à la fois dangereuses et peu productives. Mais il est surtout celui qui est le plus souvent pris en lièvre par ses adversaires, au vu de son aisance en qualifications et de sa récente série de cinq pole positions consécutives.

"J'ai le sentiment que c'est un petit peu dangereux. Je fais [mon temps] tout seul. C'est mieux, y compris pour garder le pneu en température, et je me sens beaucoup plus en confiance pour lancer mon tour. Je n'ai pas vraiment besoin de ça pour le moment et je me sens aussi plus en sécurité", expliquait-il samedi soir au Sachsenring. "Je ne sens pas vraiment cette nécessité, donc je ne sais pas trop si le fait de prendre une roue aide vraiment. En Moto3, tout tourne autour de l'aspiration et tout ça. Je pense qu'en MotoGP c'est différent. Il y a certains pilotes que ça aide beaucoup, mais moi pas tellement."

Abordant le sujet avec prudence et une pointe d'humour, Quartararo a toutefois admis qu'il serait bien content que les commissaires appliquent des pénalités aussi strictes qu'en Moto3, où les pilotes sont souvent contraints de partir de la pitlane lorsqu'ils sont aperçus en position gênante pendant les qualifications.

Mieux qu'une Superpole ?

Si le leader du championnat se sent à la fois peu et très concerné compte tenu de son niveau en qualifications, d'autres reconnaissent qu'avoir une roue, ou tout simplement une référence visuelle, est une aide importante. Dès lors, tout est une question d'attitude, pour que les choses se fassent en toute sécurité.

Ainsi, Johann Zarco a admis avoir décroché samedi sa première pole position de la saison, avec 11 millièmes d'avance sur Quartararo, en s'aidant de la sorte. "Le fait d'avoir une référence aide toujours. Un dixième peut parfois coûter cinq places car c'est une petite piste, alors tout le monde essaye obtenir ce dixième. Je ne cache pas que j'en fais partie, j'ai besoin d'une référence et même si elle est un peu loin ça m'aide, mais j'essaye de bien le faire", a-t-il expliqué. "Ça m'aide à franchir le dernier pas. Je suis en pole parce que j'ai eu une bonne référence devant moi, même si je n'étais pas totalement derrière [le pilote]."

"Pour moi ça fait partie du jeu", a poursuivi Zarco. "Ça n'est pas une Superpole, ce qui donnerait un avantage à d'autres mais ferait perdre en spectacle. Tant qu'on n'a pas d'accident à cause de ça, ce que j'espère… Car s'il y a un accident, alors les choses vont changer, mais on est plus ou moins d'accord sur le fait que ça n'est sans doute pas dangereux au point qu'il y ait un accident. Il faut donc qu'on garde les choses comme ça, et c'est pour ça qu'on a une Q1 et une Q2, pour qu'il y ait moins de monde en piste."

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"Si le pilote qui attend n'est pas en plein milieu et qu'il est complètement sur le côté − ce qui n'est souvent pas le cas − alors je ne pense pas que ce soit si dangereux, mais c'est vrai que ce serait mieux si tout le monde pouvait faire son temps seul", a renchéri Aleix Espargaró. "Je sais que ça n'est beau à voir à la TV, surtout que les pilotes MotoGP sont tout le temps en train de pousser pour améliorer ce point-là en termes de sécurité, et particulièrement dans la catégorie Moto3."

"Je pense ceci dit que la règle existe bel et bien en MotoGP, ça n'est pas comme si on n'avait pas de règle : si on roule sur la trajectoire, on est pénalisé, car c'est dangereux. Une autre chose serait d'interdire de suivre quelqu'un, mais dans ce cas mieux vaut faire une Superpole, non ? Le système de qualifications est comme ça", a ajouté le pilote Aprilia. "Je comprends parfaitement Fabio car il est l'homme à battre, normalement il est le plus rapide en qualifications, et je peux comprendre qu'il veuille une piste dégagée. Mais si on ne roule pas en plein milieu de la piste, sur la trajectoire, avec 15 pilotes en train d'attendre comme on peut le voir dans les petites catégories, je ne pense pas qu'il y ait de problème de sécurité et au final c'est ce qui est important."

Avec Chloé Millois et Vincent Lalanne-Sicaud

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