Opinion

Des Williams en rouge : était-ce vraiment un sacrilège ?

Les saisons 1998 et 1999 ont marqué une baisse de résultats très nette pour Williams, qui avait remporté les deux précédents championnats. Mais ce déclin sportif ne doit pas servir d'argument pour critiquer les livrées rouges peu traditionnelles arborées par l'écurie à cette époque.

Jacques Villeneuve, Williams

Photo de: LAT Images

Le bleu, le blanc et l'or du sponsor Rothmans sont devenus emblématiques en sports mécaniques dans les années 80 et 90, accompagnant les prototypes Porsche 956 en Endurance, les Subaru de Prodrive en WRC et les Honda en 500cc. Puis il y a eu les titres mondiaux décrochés successivement en Formule 1 avec Williams, grâce à ses pilotes Damon Hill et Jacques Villeneuve, en 1996 et 1997.

Au lendemain de ces succès, Rothmans International prit la décision de ne plus mettre en avant ses couleurs traditionnelles, dans l'optique de promouvoir sa filiale australienne, Winfield. Ainsi les monoplaces de Grove abandonnèrent le bleu utilisé par l'écurie depuis 1985 pour adopter une robe rouge, blanche et dorée à l'aube de la saison 1998. C'était un délicieux sacrilège que de voir Williams mettre son histoire de côté et se rapprocher des couleurs de Ferrari, écurie qui avait été son adversaire pour le titre en 1997.

Si quelqu'un d'autre avait peint sa voiture en rouge en 1998 (à l'exception peut-être de McLaren), cela n'aurait probablement pas beaucoup fait réagir. Mais compte tenu du contexte d'affrontement violent entre Williams et Ferrari l'année précédente, avec pour point d'orgue la manœuvre ratée de Michael Schumacher sur Jacques Villeneuve à Jerez, le changement de couleur de Williams faisait parler.

Il est sans doute malheureux d'avoir vu ce passage à une livrée rouge coïncider avec le déclin sportif de Williams, qui s'était jusqu'alors installée durablement à l'avant de la grille. En perdant Adrian Newey, l'écurie était privée de son leader technique, tandis que le retrait de Renault la condamnait à conserver un moteur Mecachrome de seconde zone. Un an après avoir été sacré Champion du monde, Villeneuve chuta au cinquième rang de la hiérarchie, à 79 points de son successeur, Mika Häkkinen. C'était le début d'une période délicate pour Williams. Cette chute de performance était essentiellement due à l'incapacité de l'écurie à s'adapter à la nouvelle réglementation technique, introduite pour ralentir les monoplaces. McLaren, sous l'impulsion de Newey, y était parvenu à merveille.

Naturellement, l'histoire ne plaide donc pas en faveur de la période "rouge" de Williams. Mais en se détachant de ce contexte de déclin des résultats et d'une monoplace apparaissant, de loin, un peu trop similaire à la Ferrari, ces F1 étaient superbes. La FW20 de 1998 avait peut-être besoin d'être affinée, ce qui fut partiellement fait en modifiant le blanc à l'avant, et la version 1999 était encore plus belle. Les éclairs or et bleu, ainsi que la zone blanche plus sculptée au centre, accouchèrent d'une monoplace très agréable à regarder. Le changement de police d'écriture de Winfield y était aussi pour quelque chose.

Ralf Schumacher au volant de la Williams FW21 en 1999.

Ralf Schumacher au volant de la Williams FW21 en 1999.

Cette année-là, la FW21 était aussi une machine mieux née, car ses concepteurs, Geoff Willis et Gavin Fischer, avait compris les faiblesses de la saison précédente. L'équipe avait abaissé le centre de gravité de sa nouvelle voiture. En revanche, même si le moteur Mecachrome – rebadgé Supertec – avait reçu des évolutions, il manquait encore de puissance par rapport aux meilleurs.

Williams s'attendait à une voiture bien plus performante que celle de 1998. Cependant, même si Ralf Schumacher parvint à inscrire 35 points pour sa première année avec l'écurie, Alex Zanardi ne marqua pas un seul point, laissant l'écurie engluée à la cinquième place du championnat constructeurs. Les difficultés du pilote italien furent très commentées, dont son incapacité à gérer les pneus rainurés dans les virages lents.

Ralf Schumacher passa tout près de remporter le dantesque Grand Prix d'Europe 1999, qui aurait sans doute offert à cette livrée rouge davantage d'adulation. Après tout, le consensus veut qu'une voiture qui gagne soit une belle voiture. Malheureusement, une crevaison priva l'Allemand de ce succès, et Williams ne parvint jamais à amener l'une de ses voitures rouge jusque sur la première marche du podium.

Il s'agit peut-être de nostalgie, puisque la saison 1999 fut la première saison que j'ai suivie, mais les vilains petits canards de Williams devraient tout de même être distingués pour leur design audacieux. La présence de Woody Woodpecker sur le nez ne fait que renforcer cette nostalgie, et même s'il est toujours difficile de défendre les qualités esthétiques de quelque chose, surtout lorsque c'est complètement subjectif, les livrées rouges de Williams n'étaient pas le monstre que l'on voulait bien faire croire.

Bien sûr, les livrées suivantes inspirées par le partenariat avec BMW furent clairement plus épurées, mais leur nature très corporate aura fait disparaître ce supplément d'âme. Elles n'étaient cependant pas toutes si mal : la livrée BMW de test arborée par la FW20 était merveilleuse. La voiture bleu foncé, marquée par des rayures qui rejoignaient le blanc sur le nez, était resplendissante.

Enfant, cette livrée m'a vraiment enthousiasmé quant au retour de BMW en F1. Puis j'ai ouvert un exemplaire du magazine F1 Racing quelques mois plus tard et j'ai découvert une livrée 2000 devenue bien insipide. Cette déception écrasante est peut-être la raison pour laquelle je chéris tant les livrées rouges de Williams…

La Williams FW21 avec le moteur BMW et une livrée temporaire, en 1999.

La Williams FW21 avec le moteur BMW et une livrée temporaire, en 1999.

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