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Philippe Croizon, le défi fou d'un rescapé

Philippe Croizon est le premier pilote amputé des quatre membres à disputer le Dakar. Après avoir traversé la Manche puis relié les cinq continents à la nage, il a relevé ce nouveau défi au volant d’une BMW X6 adapté à son handicap.

Philippe Croizon

A.S.O.

La vie peut basculer en une fraction de seconde. Quand vous avez 26 ans, un fils, et que votre femme en attend un second, tout peut changer très rapidement et remettre en question ce que vous êtes en train de construire ainsi que les projets que vous avez en vue. C’est ce qui est arrivé à Philippe Croizon (né en 1968) lors d’un après-midi de mars 1994, alors qu’il était en train de réparer son antenne de télévision sur le toit de sa maison à Saint-Rémy-sur-Creuse.

Un homme de défis

La décharge électrique reçue par le Français ne laissa d’autre choix aux médecins de l’hôpital de Tours que de l’amputer des quatre membres. Seize ans plus tard, en 2010, Croizon décida de traverser la Manche à la nage, à la suite d’un intense entraînement qui lui permit de réaliser cet exploit en moins de 14 heures. 

Philippe Croizon
Philippe Croizon

ORECA

Mais le natif de Châtellerault ne comptait pas en rester là. Son envie de vivre l’amena à se lancer un nouveau challenge en 2012, celui de relier les cinq continents en traversant, toujours à la nage, quatre passages maritimes : le détroit de Bering (qui joint l’Asie à l’Amérique), celui de Gibraltar (Europe-Afrique), la mer Rouge (Afrique-Asie), et entre l’Australie et l’Asie.

"C’est le début d’une aventure humaine", assure Philippe Croizon à Motorsport.com en parlant de ses débuts sur le Dakar, qui, cette année, fait la part belle à l’altitude et à la navigation, "le plus difficile organisé jusqu’ici en Amérique latine."

Dakar 2017 - Le défi de Philippe Croizon

"Un matin, ma femme m’a dit : 'Cela fait quelque temps que tu n’as rien fait de spécial, qu’est-ce que tu aimerais faire ?' Et je lui ai répondu : "J’aimerais faire le Dakar !'", s’amuse-t-il à expliquer en parlant de sa décision de prendre part à ce nouveau et délicat défi. "La première chose que j’ai faite, c’est de prendre contact avec Yves Tartarin, afin qu’il soit le chef d’équipe, car il avait déjà participé à 18 Dakar. Puis il a fallu lier langue avec les ingénieurs afin de préparer la voiture, et leur dire qu’ils avaient quatre mois pour cela. C’est quelque chose d’assez exceptionnel pour moi."

Un dispositif unique

Croizon manœuvre son BMW X6 avec son bras droit à l’aide d’un joystick hydraulique. L’accélération se fait via une pression sur l’avant, et le freinage en poussant le dispositif vers l’arrière. Les virages se négocient toujours grâce au joystick par des mouvements latéraux. Le passage des vitesses est quant à lui réalisé grâce au bras gauche. Avec ce système, le Français a bouclé la première étape reliant Asunción à Resistencia à la 55e position (sur 87 concurrents). 

Infographie Philippe Croizon
Infographie Philippe Croizon

La préparation a aussi été émaillée de compétitions. Croizon a ainsi participé au Rallye du Maroc (qu’il a terminé à la 15e place sur 27) ainsi qu’à la Baja Aragon en Espagne. "Quand je suis rentré du Rallye du Maroc, j’ai dormi pendant trois jours. Alors, je pense qu’en rentrant du Dakar, je serai bon pour dormir durant un mois", plaisante avec sourire le pilote.

Avant Philippe Croizon, un autre pilote français amputé des quatre membres s’était déjà illustré dans une compétition automobile internationale. Lors des 24 Heures du Mans 2016, Frédéric Sausset était ainsi devenu le premier athlète quadri-amputé à franchir le drapeau à damier de la légendaire course d’endurance.

Pourtant, ce précédent n’avait pas incité Croizon à se laisser prendre au jeu de son compatriote : "Je n’apprécie pas les courses sur circuits, je trouve ça monotone. Je préfère le rallye-raid."

"La clé, c’est la concentration. Car quand tu nages dans la mer, tu peux t’autoriser à penser à autre chose, quand bien même tu es fatigué. Mais quand tu es concentré, tu ne peux pas te permettre de te relâcher."

Philippe Croizon
Philippe Croizon

ORECA

La préparation physique de Philippe Croizon a été centrée sur l’amélioration de ses capacités cardiovasculaires "afin que mon cœur ne soit pas pris de tachycardie et que je puisse résister sur une durée bien plus longue."

"Le prochain objectif, ce sera la Lune. Je connais Richard Branson [le propriétaire de Virgin], et je vais discuter avec lui du fait de devenir le premier quadri-amputé à aller sur la Lune", plaisante-t-il à peine.

Croizon a déjà écrit l’Histoire, mais bien sûr, son objectif va au-delà de prendre le départ du Dakar. Voir la ligne d’arrivée à Buenos Aires serait la cerise sur le gâteau de cette aventure héroïque. La concrétisation d’un rêve qui a pris ses sources dans un cauchemar de mars. Presque 23 ans ont passé depuis le drame et le sourire du Français, en dépit des épreuves, est toujours là. "Tout est possible. C’est nous qui rendons les choses impossibles."

Philippe Croizon pointe à la 54e place du général à mi-parcours (sur 63 concurrents encore en course). Le Français a fait preuve d'une belle régularité jusqu'ici, en dépit de problèmes mécaniques et de navigation lors de la deuxième étape reliant Resistencia à San Miguel de Tucumán.

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