Il y a 15 ans : Winkelhock s'illustre sous les averses du Nürburgring

Le 22 juillet 2007, ce n'était pas une Ferrari ou une McLaren qui menait dans les premiers tours du Grand Prix d'Europe mais une Spyker pilotée par un rookie qui s'élançait depuis la voie des stands !

Markus Winkelhock, Spyker F8 VII

Markus Winkelhock, Spyker F8 VII

Sutton Motorsport Images

Depuis la création du Championnat du monde de Formule 1, en 1950, ce sont 771 pilotes intrépides qui ont eu l'honneur de prendre le départ d'un Grand Prix. Néanmoins, seuls 179 d'entre eux se sont montrés suffisamment rapides pour compléter au moins un tour en première position. Dans cette liste, on trouve évidemment des noms prestigieux, des vainqueurs, des champions, mais aussi des anomalies. Parlons aujourd'hui du cas Markus Winkelhock, qui a vécu une journée très spéciale le 22 juillet 2007.

Chez les Winkelhock, la course est une affaire de famille. Manfred a pris le départ de 47 Grands Prix dans les années 1980 et connaissait le succès en Endurance avant son accident mortel sur le circuit de Mosport, à 33 ans. Joachim, son frère, s'est essayé à la F1 également, a triomphé en BTCC et aux 24 Heures du Mans. Thomas, le cadet, a quant à lui un peu brillé en voitures de tourisme.

Difficile donc de se faire un (pré)nom lorsque l'on est de la deuxième génération des Winkelhock et le quatrième pilote à avoir ce patronyme. Pour Markus, la tâche était d'autant plus difficile qu'il était le fils de Manfred, le frère le plus célèbre. Ainsi, lorsqu'il est passé de pilote essayeur à titulaire chez Spyker pour le Grand Prix d'Europe de F1, en 2007, l'on parlait davantage de sa famille que de ses résultats en compétition.

Winkelhock a pu saisir cette opportunité à la suite du renvoi de Christijan Albers. Mais le cadeau offert à l'Allemand, pour une épreuve à domicile car disputée sur le Nürburgring, paraissait bel et bien empoisonné : non seulement sa Spyker était la voiture la plus lente du plateau, mais il devait également composer avec une grande inexpérience de la catégorie reine.

"Ce n'était pas facile", confie-t-il lors d'un entretien avec le média néerlandais Formule1. "Sur le papier, j'étais le pilote d'essai de Spyker, mais la réalité était différente. Je n'avais fait que des essais au Paul Ricard en mars de cette année-là, 43 tours pour être précis. Je n'avais donc pas piloté de voiture de Formule 1 depuis trois ou quatre mois, et en plus de ça, j'ai dû passer de ma voiture de DTM – une voiture de tourisme – à une voiture de Formule 1. Pas facile non plus."

"En fait, je n'ai eu que les essais libres [du GP d'Europe] pour me familiariser avec la voiture. Il n'était donc pas surprenant qu'après les qualifications, je me retrouve en fond de grille. Mon tour n'était pas parfait, mais de toute façon, avec cette voiture, il n'y avait pas grand-chose de plus à espérer que la dernière ou l'avant-dernière place sur la grille."

Auteur du plus mauvais temps des qualifications, à près de 4,5 secondes de la pole de Kimi Räikkönen, Winkelhock était donc bon dernier sur la grille de départ de dimanche. Habitué des courses en Allemagne, et donc de la météo locale, le pilote Spyker a parfaitement interprété le ciel ombragé du Nüburgring : il allait pleuvoir et il fallait réagir rapidement puisque le départ était imminent.

"Je me souviens bien du tour de chauffe", poursuit-il. "J'ai dit à l'équipe par radio que je voyais des nuages très sombres et qu'il pourrait pleuvoir. Cinq cents mètres avant l'entrée de la voie des stands, l'équipe m'a soudainement appelé. Ils avaient décidé de mettre les [pneus] intermédiaires. La piste était encore sèche, donc les pneus auraient été rapidement détruits s'il n'avait pas plu."

Si le départ a été donné sur le sec, Räikkönen conservant son avantage, l'averse espérée par Winkelhock et Spyker est tombée quelques instants plus tard, alors que l'Allemand était autorisé à quitter la voie des stands au bout de laquelle il était garé.

Il avait beau être parti avec une dizaine de secondes de retard et ne jamais avoir piloté de F1 sur le mouillé auparavant, Winkelhock pointait déjà au dixième rang à la fin de la première boucle alors que la quasi-intégralité du plateau regagnait les stands à petite vitesse pour passer des pneus adéquats.

Markus Winkelhock, Spyker F8-VII Ferrari

Markus Winkelhock, Spyker F8-VII Ferrari

Dans ce deuxième tour, Winkelhock a effacé les quelques inconscients qui ont poursuivi leur effort et a donc pris le commandement de la course. Pour la première fois de l'Histoire, une Spyker menait la danse. Plus impressionnant encore, un débutant était leader pour son premier Grand Prix de F1, une prouesse extraordinaire.

"Je n'avais jamais piloté une Formule 1 sous la pluie, et pourtant j'ai dépassé une douzaine de voitures au premier tour. [...] Comme il s'est mis à pleuvoir encore plus fort, nous sommes passés aux [pneus pluie] au tour suivant. Peu de temps après, la voiture de sécurité a été envoyée avec un drapeau rouge. La course a été arrêtée, [la direction de course] pensait que c'était irresponsable de continuer, et je menais de plus de 40 ou 50 secondes à ce moment-là. Je n'arrivais pas à le croire quand j'ai vu le panneau des stands qui disait 'P1'. J'ai dit à l'équipe à la radio : 'Vous plaisantez ou quoi ?'"

Toutefois, les mêmes eaux qui sont venues bénir Winkelhock au départ de la course ont fini par le maudire. Tout d'abord, l'aggravation des conditions, avec une pluie diluvienne et des sorties de piste en pagaille, a effectivement poussé la direction de course à déployer la voiture de sécurité puis à brandir le drapeau rouge. Ainsi, toute son avance a été réduite à néant et avec elle la possibilité de remporter la course.

Il faut admettre néanmoins que les pilotes étaient capables de partir en toupie même à bas régime. En l'espace de quelques secondes, sept concurrents ont tiré tout droit au premier virage, dont Vitantonio Liuzzi. L'Italien s'est fait une belle frayeur en évitant de justesse la voiture de sécurité, garée à la corde du premier virage pour attendre Winkelhock, et en effleurant une grue mobile en atterrissant dans le bac à gravier. Fort heureusement, le pire a été évité.

"Les conditions étaient assez dangereuses, surtout au bout de la ligne droite de départ/arrivée, où de nombreux pilotes sont partis à la dérive. Je comprends la décision de la direction de course, même si je n'en étais pas satisfait à l'époque", admet Winkelhock.

Vitantonio Liuzzi, Toro Rosso STR2, sort de la piste à l'endroit où une grue opère

Vitantonio Liuzzi, Toro Rosso STR2, sort de la piste à l'endroit où une grue opère

Ensuite, aussi rapidement qu'elle est arrivée, la pluie a cessé en dix minutes chrono. La piste commençait même à sécher lorsque la voiture de sécurité s'est écartée pour relancer l'épreuve. Winkelhock a de nouveau tenté sa chance en chaussant des pneus intermédiaires, dans l'espoir que la pluie revienne, toutefois le pari n'a pas payé.

Cela n'a eu que peu d'importance, puisque six tours après la reprise de la course, alors que l'Allemand était retombé au fond du classement, sa mécanique l'a trahi.

Cette aventure a été sans lendemain. Avant même de se rendre au Nürburgring, Winkelhock savait qu'il avait réuni suffisamment d'argent pour un Grand Prix seulement, Spyker demandant un budget trop gros pour prendre la place d'Albers de manière définitive. Mais le pilote en avait fait assez pour attirer les micros et les caméras du monde entier. Markus était devenu quelqu'un, il s'était enfin affranchi d'un nom lourd à porter.

"Bien que je n'aie pas fini à cause d'un problème hydraulique, j'ai été accueilli dans le paddock comme une star", confie-t-il. "Tout le monde m'a félicité, d'ailleurs toutes les chaînes de télévision voulaient des interviews, si bien que tout le monde en parlait en Allemagne. Pour moi, c'était un rêve devenu réalité. Même si je n'ai participé qu'à une seule course de Formule 1, j'étais en tête lors de ma course nationale et je ne l'oublierai jamais. Ça a également fait beaucoup de bien à mon nom. Avant, j'étais juste le fils de Manfred, maintenant on me respecte pour ce que je suis."

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