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Albon, d'une carrière dans l'impasse à Red Bull en 18 mois

Il y a un an et demi, personne n'aurait prédit un tel destin à Alexander Albon, promu chez Red Bull Racing à partir du Grand Prix de Belgique. Voici l'histoire d'un pilote propulsé aux avant-postes quand personne ne l'y attendait.

Alexander Albon, Toro Rosso

Photo de: Andy Hone / Motorsport Images

Pour Alexander Albon, l'ascension des formules de promotion avait tout des montagnes russes. Champion d'Europe et vice-Champion du monde de karting, Albon avait rejoint le Red Bull Junior Team en 2012 avant d'en être écarté dès la fin de cette campagne, sa première en monoplace, conclue à la 38e place du championnat d'Eurocup Formule Renault 2.0. Cela dans un contexte familial difficile, puisqu'en octobre 2012, sa mère Kankamol avait été condamnée à six ans de prison pour fraude dans un trafic de supercars.

"C'était une année difficile pour moi pour de nombreuses raisons, notamment à cause de mes résultats, mais cela m'a fait travailler bien plus dur", déclarait l'intéressé l'an dernier. "J'étais à deux doigts d'arrêter le sport auto. Depuis, je savais que je devais impressionner à chaque fois que je prenais le volant."

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Albon a rebondi au sein du programme de jeunes pilotes de l'écurie Lotus F1 et a persévéré en Formule Renault, classé troisième de l'Eurocup en 2014 avant une septième place convaincante lors d'une saison 2015 particulièrement compétitive en F3 Europe. Mais Lotus a alors été racheté par Renault, et l'Anglo-Thaïlandais s'est de nouveau retrouvé sans le soutien d'une écurie de Formule 1.

Il n'y avait pas de quoi le décontenancer, et Albon s'est classé vice-Champion de GP3 derrière un certain Charles Leclerc en 2016 avant d'obtenir des arrivées dans les points constantes pour ses débuts en Formule 2 l'année suivante. Cependant, à l'aube de la saison 2018, le jeune homme de 22 ans s'est retrouvé à court de budget. En général, les écuries ne transigeraient pas sur ce qui représente leur principale source de revenus ; le regretté Jean-Paul Driot et François Sicard, respectivement fondateur et directeur de l'équipe DAMS, ont néanmoins eu le mérite de faire des concessions afin de permettre à Albon d'exprimer son potentiel au sein de leur team, d'abord avec des contrats successifs pour chacun des premiers meetings.

Le vainqueur Alexander Albon, DAMS

"Je me rappelle en janvier/février, j'étais au téléphone avec François [Sicard], je le suppliais d'avoir le baquet pour cette année ; je n'avais pas l'argent nécessaire, mais il m'a quand même recruté", se souvient Albon. Ce dernier n'a pas tardé à impressionner par sa pointe de vitesse, avec trois pole positions sur les quatre premières manches, remportant la Course Principale de Bakou avec opportunisme. L'écurie sarthoise lui a finalement fait confiance pour l'intégralité de la saison, à raison : outre un accrochage évitable avec Nyck de Vries à l'entrée des stands alors qu'il menait à Monaco, le pilote DAMS a multiplié les performances, notamment auteur d'une victoire dominatrice à Sotchi. Il a ainsi pris la troisième place du championnat avec 212 points à l'issue de cette belle campagne.

Résultats :

Les performances d'Albon étaient telles que DAMS lui a proposé de poursuivre la collaboration, cette fois en Formule E, avec un contrat de trois ans. Il a ainsi été annoncé dès le 20 septembre 2018 que le natif de Londres allait épauler Sébastien Buemi au sein d'une écurie qui, historiquement, a dominé le championnat tout électrique en y remportant les trois premiers titres des équipes. La Nissan IM01, avec son innovant double moteur, allait d'ailleurs être la monoplace la plus rapide lors de la saison 2018-19, mais ça, Albon ne pouvait pas le savoir... Bref, c'était une belle histoire de le voir obtenir cet excellent baquet d'usine alors que son avenir en sport automobile était compromis jusque-là.

Alexander Albon, Nissan e.Dams

En parallèle, suite au départ de Daniel Ricciardo chez Renault et aux performances décevantes de Brendon Hartley, Red Bull manquait de pilotes à placer chez Toro Rosso... et s'est intéressé à Albon, pourtant écarté par la marque six ans plus tôt, pour l'associer à Daniil Kvyat. Là encore, il aurait été légitime que DAMS s'oppose à un tel projet, mais Jean-Paul Driot n'a pas voulu empêcher son poulain de réaliser son rêve de Formule 1, malgré un timing loin d'être idéal : une seule Nissan a roulé lors des deux premières journées des essais collectifs de Valence – des tests cruciaux pour les débuts de la Gen2 – alors que se finalisaient les négociations avec Red Bull en coulisses. C'est finalement Oliver Rowland qui a obtenu le second volant aux côtés de Buemi, et vu ses performances, il ne semble pas que l'écurie ait perdu au change.

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Albon a donc fait ses premiers pas en Formule 1 en 2019, dans un contexte bien particulier. Ses compatriotes et rivaux pour le titre de Formule 2, George Russell et Lando Norris, ont été choyés par Mercedes et McLaren respectivement pendant deux ans, avec plusieurs journées d'essais en F1, ce qui leur a permis de préparer au mieux leurs débuts dans l'élite. Albon, lui, n'avait jamais piloté de F1 avant les essais de février 2019, et avait donc beaucoup à apprendre. Il ne s'en cache pas : "J'ai vraiment dû m'appuyer grandement sur le feedback de Dany [Kvyat]. Je ne prenais pas beaucoup de décisions sur les réglages de la monoplace. Je ne comprenais pas si bien la voiture, ce dont elle avait besoin pour être rapide."

Les performances sont pourtant au rendez-vous. En qualifications, les deux pilotes Toro Rosso font jeu égal, avec un écart moyen de... quatre millièmes de seconde à l'avantage d'Albon face à l'expérimenté Kvyat. Victime de son manque d'expérience, le rookie a sans surprise connu quelques crashs – à Melbourne, à Shanghai et au Hungaroring – mais c'était à chaque fois en essais libres, et il s'est montré globalement propre en course.

Alexander Albon, Toro Rosso STR14, en tête-à-queue

C'est ce qui lui a permis de marquer des points à cinq reprises cette saison, avec une performance remarquable en Allemagne. À Hockenheim, Albon tenait la quatrième place à 20 tours du but, et si une mauvaise séquence l'a fait chuter au classement, il s'est payé le luxe de dépasser la Red Bull de Pierre Gasly pour finalement remonter au sixième rang, non sans un contact entre les deux monoplaces en fin d'épreuve.

Chez Red Bull justement, Gasly n'est quasiment jamais parvenu à s'approcher du niveau de son coéquipier et est écarté après une nouvelle mauvaise performance en Hongrie, qui pourrait avoir coûté la victoire à Verstappen : avec le Français en embuscade au troisième rang, Hamilton n'aurait pas pu se permettre la stratégie à deux arrêts qui l'a aidé à surpasser le leader pour la victoire.

Albon en profite : il s'empare du second baquet à Milton Keynes, devenant le premier rookie à courir pour RBR depuis Vitantonio Liuzzi en 2005. Cette décision peut paraître rude pour Gasly, dont le potentiel est certainement supérieur à ce qu'il a démontré en 2019, mais sa saison est un tel fiasco qu'Albon ne devrait pas faire bien pire. Avec 44 points d'écart entre Ferrari et Red Bull au championnat des constructeurs, des résultats probants seront néanmoins nécessaires pour remporter cette bataille, malgré un contexte forcément peu propice à des performances optimales pour le nouveau pilote de la RB15.

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Surtout, la marque au taureau aura ainsi toutes les cartes en main pour décider de l'identité du partenaire de Verstappen en 2020 : Gasly, Albon, Kvyat... voire une surprise ? À ce stade, aucune piste ne peut être exclue.

Alexander Albon, Toro Rosso STR14, devant Pierre Gasly, Red Bull Racing RB15

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