Allison chez Ferrari : la conquête des titres avec un Todt "excellent"

Actuel chef technique de l'écurie Mercedes, James Allison est revenu sur son illustre carrière en Formule 1 pour GP Racing, notamment ses succès et échecs au sein de la Scuderia Ferrari.

Le vainqueur et Champion du monde Michael Schumacher, Ferrari F2002

Le vainqueur et Champion du monde Michael Schumacher, Ferrari F2002

LAT Images

Après avoir connu des débuts en Formule 1 mouvementés avec Benetton tout au long des années 1990, James Allison a rejoint Ferrari comme aérodynamicien pour la saison 2000, ayant été "congédié constructivement" par l'écurie de l'Oxfordshire. La marque au cheval cabré, forte de l'arrivée de Michael Schumacher, Ross Brawn et Rory Byrne (entre autres) en provenance d'Enstone, allait dominer la Formule 1 de la tête et des épaules pendant cinq campagnes consécutives.

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Allison ne cache pas avoir été impressionné lorsqu'il a découvert l'écurie bâtie par Jean Todt, qui en avait pris la tête en 1993. "Ferrari était une équipe bien organisée et Ross un directeur technique très talentueux. Mais ce n'était pas que le côté technique", souligne le Britannique. "Une écurie à succès est forte et organisée dans tous les domaines. Jean Todt était un excellent directeur d'équipe. Il a recruté le meilleur pilote et le meilleur directeur technique, il a obtenu le meilleur budget, et il a travaillé très dur pour maintenir de la stabilité dans un environnement célèbre pour son instabilité."

"Il était impitoyable face aux brebis galeuses et, en conséquence, c'était un bon environnement où les gens savaient qu'ils avançaient à l'unisson. Ce n'étaient peut-être pas des dixièmes de seconde, c'étaient des centièmes, mais chaque personne apportait des centièmes. C'était aussi la première fois que je passais du temps au circuit, ce qui peut paraître inhabituel aux gens en dehors de la F1."

Jean Todt, directeur de Ferrari

Jean Todt a dirigé la Scuderia Ferrari avec brio de 1993 à 2007

"Ferrari était l'écurie la plus aventureuse et la première à déceler l'opportunité de s'assurer que le personnel au circuit tire le meilleur de l'aérodynamique de la voiture. Auparavant, il n'y avait pas de lien systématique entre l'équipe de course et l'équipe aérodynamique, pas d'effort systématique pour savoir si la voiture était aussi performante qu'elle le devrait selon la soufflerie. Et rendre les instruments suffisamment bons pour prendre des mesures aérodynamiques au circuit, c'est quelque chose qui avait à peine commencé."

"Lorsque Nikolas [Tombazis, chef de l'aérodynamique et de la CFD, arrivé quelques années plus tôt en provenance de Benetton, ndlr] m'a recruté, il m'a proposé un éventail de possibilités, travailler en soufflerie ou bien ce job, et tout aurait été fun, mais celui-ci était novateur. Et c'était une belle expérience, pas seulement parce qu'on m'a fait confiance pour mener un nouveau projet, mais aussi parce qu'à l'époque, les équipes de course traitaient l'usine avec un certain mépris. J'ai dû faire preuve d'un peu d'habileté du côté humain afin d'avoir une relation suffisamment solide pour que les gens veuillent bien m'écouter – et une fois qu'ils le faisaient, et que des résultats tangibles commençaient à arriver au chronomètre, c'était bon."

S'il a décidé de faire son retour à Enstone en 2005, en tant que directeur technique adjoint, James Allison affirme qu'il ne cherchait pas à avoir plus de responsabilités. "Les gens ne me croient pas souvent quand je dis ça, mais je n'ai jamais eu une telle réflexion, et je pense que c'est une erreur [de voir les choses ainsi]", assure l'Anglais. "Avoir été viré [par Benetton] m'a très bien montré que l'ambition personnelle était quelque chose de dangereux. Ce qu'il faut rechercher, c'est prendre du plaisir dans la vie que l'on a. Si, parce qu'on travaille dur et qu'on est un bon collègue, on se voit proposer d'autres choses, alors tant mieux."

Fernando Alonso, Renault R25, devance Michael Schumacher, Ferrari F2005

La Renault de Fernando Alonso devance la Ferrari de Michael Schumacher à Imola, lors d'une saison où James Allison a rejoint l'écurie franco-britannique en provenance de Maranello

Pourquoi, alors, avoir rejoint Renault ? Parce que ses enfants avaient l'âge d'aller à l'école, et qu'il ne voulait pas prendre le risque de les scolariser en Italie sans que son avenir chez Ferrari – et celui de la Formule 1 – ne soit assuré pour les 13 années suivantes, indique l'intéressé. Cela n'a pas empêché Allison de retrouver le chemin de Maranello fin 2013 en tant que directeur technique châssis, mais cela ne s'est pas passé comme prévu. Loin des succès des années 2000, Ferrari n'avait plus remporté le moindre titre mondial depuis cinq ans et allait même avoir trois directeurs d'équipe différents en 2014.

"Ça, c'était quelque chose !" s'exclame Allison. "J'adorais l'Italie, et Ferrari est de bien des manières un endroit génial où travailler, alors y retourner ne m'a pas fait ressentir énormément d'appréhension. Mais je savais aussi que j'allais être en première ligne, que l'écurie avait une 'dette' technique qu'il fallait compenser par le travail, et que ça ne serait pas facile."

"J'ai reçu de bons conseils de Ross [Brawn]. Il m'a dit : 'C'est un environnement où il est intrinsèquement dur de réussir. Il est probable que tu échoues. Ce n'est pas contre toi. C'est juste que dès que tu seras là-bas, les gens vont commencer à te tirer dans telle ou telle direction. Tu dois t'assurer, si tu échoues, que tu échoues à ta manière. Assure-toi que les décisions que tu prends soient les bonnes, pas celles que tu prends parce que quelqu'un d'autre t'a intimidé. Si tu finis dans un cercueil (sic), assure-toi que ce soit à cause de tes décisions'."

"J'ai été plus ou moins comme ça tout au long de ma carrière, mais ce rappel comme quoi il fallait que je reste moi-même arrivait à point nommé. Et je ne crois pas qu'il y ait le moindre doute sur le fait que les trois années que j'y ai passées se sont achevées sur un échec, car nous n'avons pas remporté de titre mondial pendant que j'étais directeur technique. Je suis néanmoins très fier de ce que nous avons fait ensemble. C'étaient des années très appréciables."

James Allison, directeur technique châssis, Ferrari

James Allison chez Ferrari en 2016

"Nous nous sommes finalement séparés dans des circonstances très tristes, ayant soudain perdu mon épouse, victime d'une méningite. Au début de la saison [2016], ça ne paraissait pas aussi prometteur en piste que ce que nous espérions, mes patrons et moi. C'était profondément tragique. Je pense avoir été traité de manière juste tout du long ; que ça ne se soit pas fini avec un titre mondial est source de regrets."

"Je suis arrivé fin 2013 et, en somme, j'ai dû vivre avec ce qui avait été créé pour 2014, je savais que c'était très loin du compte. Cependant, en 2015, l'unité de puissance et l'équipe étaient en meilleure forme, l'aérodynamique était à moitié crédible et progressait. Mais Mercedes a frappé fort en 2016, je pense qu'ils se sont surpris eux-mêmes."

C'est justement à Brackley qu'Allison a trouvé refuge après le drame personnel qu'il a vécu, un choix de carrière qui a mené à quatre titres des pilotes et cinq des constructeurs, mais surtout à un bien-être au sein d'une équipe qu'il considère comme éminemment humaine.

"Je suis très reconnaissant envers Toto [Wolff, directeur de Mercedes AMG F1] pour la manière dont il m'a abordé, la bonté qu'il a montrée, car je me portais mal. Il s'est montré clair sur le fait qu'il y avait une opportunité et pas de pression. À l'époque, je n'avais envie de rien faire, c'est à peine si je voulais sortir du lit. Il y avait en moi une petite voix optimiste qui disait : 'Je sais que tu as l'impression que tu ne vas plus jamais pouvoir faire quoi que ce soit, mais peut-être que si. Sinon, toutes tes opportunités de faire des choses à l'avenir risquent de se volatiliser, alors ça vaut le coup de voir si tu peux'. C'était un dialogue très difficile en mon for intérieur."

"J'aurais pu patauger et couler quand j'avais ces problèmes, mais cette équipe est incroyablement chaleureuse. S'ils ont remarqué comme j'allais mal, ils ont été trop polis pour le dire. Mercedes est véritablement exceptionnel, avec en son cœur un groupe de personnes qui sont là depuis longtemps, et ce ne sont pas des vieux bourrus qui ont passé la date de péremption : ce sont des pierres angulaires de l'équipe, qui restent parce qu'ils l'aiment", conclut Allison.

James Allison, directeur technique Mercedes AMG F1, Matt Deane, chef mécano Mercedes AMG F1 et Toto Wolff, directeur exécutif Mercedes AMG F1

James Allison aux côtés de Matt Deane (chef mécanicien) et de Toto Wolff (directeur exécutif) chez Mercedes en 2018

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