L'animosité entre Prost et Senna est un mythe, juge leur agent
La rivalité entre Alain Prost et Ayrton Senna est la plus célèbre de tous les temps en Formule 1, mais a-t-elle été montée en épingle ? C'est ce que pense leur manager de l'époque, Julian Jakobi.
Alain Prost, Ayrton Senna, McLaren
Sutton Motorsport Images
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Alain Prost et Ayrton Senna sont bien connus pour les duels de titans qu'ils se sont livrés pour le titre mondial de 1988 à 1990, duels qui se sont achevés à deux reprises par un accrochage controversé. La rivalité entre les deux hommes est célèbre et dépasse largement les frontières du paddock, mais d'après leur ancien agent Julian Jakobi, leur respect mutuel prévalait malgré les batailles acharnées qu'ils s'infligeaient en piste.
"Non, je ne pense pas que l'animosité entre eux était réelle", estime Jakobi dans le podcast Beyond The Grid. "Je pense que tous deux savaient que pour remporter le titre mondial, il faut avoir la meilleure voiture. Ils avaient la meilleure voiture. Ils devaient donc se vaincre l'un l'autre. Et ils étaient prêts à tout pour se vaincre en piste. Mais en dehors, ils étaient tous deux suffisamment intelligents pour savoir qu'ils gagnaient des sommes astronomiques. Plus ou moins autant l'un que l'autre, en fait, car Ron [Dennis, directeur de McLaren, ndlr] n'était pas en position de les monter l'un contre l'autre, vu que je connaissais les deux contrats. Ils savaient que s'ils me laissaient gérer, ils allaient tous deux gagner beaucoup d'argent."
"Et j'ai toujours dit que je n'allais jamais, au grand jamais, divulguer des informations financières d'un client à un autre. Si un client me dit 'au fait…' et me pose une question déplacée, je lui réponds : 'Désolé, je ne vais pas répondre à cette question, tu connais les règles'. Il n'est arrivé qu'une fois avec Ayrton et une fois avec Alain qu'ils tentent d'obtenir des informations et que je refuse de les donner ; ils n'ont jamais réessayé."
La rivalité entre les deux pilotes a d'ailleurs été mise en lumière dans le long-métrage Senna, sorti en 2010, où Prost était toutefois dépeint sous un jour peu favorable : l'accent était mis sur l'influence de son compatriote Jean-Marie Balestre, président de la Fédération internationale du sport automobile, et d'autres aspects ont été passés sous silence.
"Le film était fidèle à environ 95%", analyse Jakobi. "C'était vraiment un très bon film. Mais ce qu'ils ont minimisé, voire raté, c'est le rôle de Honda. Quand on repense au film, il parlait de la rivalité entre les deux pilotes, mais il n'a pas évoqué le fait qu'Alain avait déjà remporté deux titres en 1985 et en 1986, avant l'arrivée d'Ayrton. Alain incarnait McLaren. Il y connaissait tout le monde, il y était depuis 1984. La première année d'Ayrton, 1988, était la cinquième d'Alain, qui avait remporté deux titres, et on peut dire qu'il aurait dû gagner celui de 1984."
"Alain incarnait donc McLaren jusqu'au bout des ongles, et Ayrton incarnait Honda, car il était venu avec Honda. C'était le deal. Il y avait donc une différence entre les deux. Si Alain voulait quelque chose, il utilisait toutes ses relations chez McLaren pour l'avoir. Ayrton était le nouveau pilote ; s'il voulait quelque chose, il utilisait toutes ses relations chez Honda pour l'avoir. C'est pourquoi il y avait une différence dans la manière dont ils obtenaient les choses en dehors de la piste. Mais je ne me suis jamais mêlé de ça. Je gérais les affaires, je me suis tenu à l'écart de tout ce qui concernait la course, de tout ce qui se passait dans le garage – ça ne me regardait pas."
Jakobi juge donc que Prost n'a pas été représenté de manière authentique dans le film. "Et l'une des choses que je regrette," poursuit-il, "c'est que j'ai contribué à l'organisation de tout le film, mais ils ne sont jamais venus vérifier tous ces faits avec moi. Ce n'était donc pas complètement juste envers Alain. Et ils avaient tort. Car s'ils avaient véritablement expliqué qu'Alain incarnait McLaren et qu'Ayrton incarnait Honda, et que c'était l'origine de la dichotomie, je pense que les gens l'auraient mieux compris, et cela aurait donné une image bien plus juste d'Alain."
La relation de Senna avec Prost a néanmoins évolué lorsque le Français a rejoint la Scuderia Ferrari au terme de la saison 1989, puis lorsqu'il a pris sa retraite après avoir remporté son quatrième titre mondial fin 1993. "On en revient toujours au même point : on veut battre son coéquipier, mais si le coéquipier en question est Gerhard Berger et non Alain Prost, c'est différent", souligne Jakobi. "Ayrton avait un immense respect pour Alain, car il savait qu'il était aussi bon que lui et qu'il fallait sortir le grand jeu pour le battre. Sa relation avec Gerhard était un peu différente. Gerhard était un très, très bon pilote, mais il n'était pas un Alain Prost. Je pense donc qu'Ayrton sentait qu'il avait la mesure de Gerhard, tandis qu'il n'était pas automatiquement sûr d'avoir la mesure d'Alain."
"L'immense respect d'Ayrton pour Alain était mutuel. Et si votre plus grand rival prend sa retraite, cela met tout sous un jour différent. Vous savez, on donne alors à la relation une dimension de respect plutôt que de rivalité."
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