Analyse

Quels arguments pour Ferrari face à la pénalité de Vettel ?

La décision prise par Ferrari de demander à la FIA la révision de la pénalité infligée au GP du Canada a soulevé de nombreuses questions concernant la solidité des arguments dont dispose l'écurie pour soutenir sa requête.

Sebastian Vettel, Ferrari SF90

Photo de: Zak Mauger / Motorsport Images

Sebastian Vettel a perdu la victoire à Montréal en raison d'une pénalité de cinq secondes reçue pour avoir rejoint le circuit de façon dangereuse et avoir forcé Lewis Hamilton à quitter la piste, après avoir commis une erreur à la première chicane du 48e tour. Bien que Ferrari ait décidé de ne pas faire appel de la sanction – principalement parce que ce type de pénalité ne peut être contesté –, une requête a été déposée auprès de la FIA ce lundi demandant la révision de la décision, en application de l'article 14 du Code Sportif International (CSI).

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L'équipe n'a pas évoqué publiquement ce qu'elle a dans sa manche, mais il semble que les éléments "nouveaux, significatifs et pertinents" qui seront présentés au soutien de sa demande comprendront des données GPS, de la télémétrie supplémentaire et le témoignage de Vettel lui-même. Si les commissaires considèrent que ces éléments sont suffisants pour justifier le réexamen de l'incident, alors les choses pourraient devenir intéressantes car l'argumentation centrale de Ferrari sera probablement l'utilisation du règlement de la FIA pour démontrer que Vettel n'a rien fait de mal.

Ce que les règles disent et ne disent pas

La première infraction dont Vettel est accusé est d'avoir rejoint la piste de façon dangereuse. Les règles concernant cet aspect sont comprises dans le CSI et le Règlement Sportif, qui sont clairs concernant ce qui est attendu d'un pilote qui sort de piste. L'Article 27.3 du Règlement Sportif indique : "Les pilotes seront jugés avoir quitté la piste si aucune partie de la voiture ne reste en contact avec elle et, pour éviter tout doute, les lignes blanches définissant les limites de la piste sont considérées comme faisant partie du circuit mais pas les vibreurs. Si une voiture quitte la piste le pilote peut y revenir, cependant cela ne peut être fait que s'il est sûr de le faire et sans gagner d'avantage durable."

Les commissaires ont estimé que Vettel avait rejoint la piste de travers au moment où Hamilton arrivait et qu'il ne s'agissait donc pas d'un retour sûr. L'un des éléments clés dans la réflexion des commissaires a été le second mouvement du volant effectué par l'Allemand après le rattrapage d'un premier survirage au moment où la Ferrari est revenue sur l'asphalte. L'argument consistait à dire qu'à ce moment-là, Vettel était de nouveau en contrôle de la voiture et qu'au lieu de continuer de tourner, il a été estimé que le numéro 5 avait redressé le volant pour bloquer le Britannique le tout en regardant dans ses rétroviseurs.

La réglementation est claire concernant le moment où un pilote peut être en tort en matière de défense dans ce type de situation. Trois règles clés existent.

L'article 27.4 du Règlement Sportif indique : "À aucun moment une voiture ne doit être pilotée de façon inutilement lente, erratique ou d'une manière qui peut s'avérer potentiellement dangereuse pour d'autres pilotes ou tout autre personne." L'Annexe L du CSI, Chapitre IV., Article 2 a) indique : "Une voiture qui se trouve sur la piste peut utiliser toute la largeur de ladite piste [...]"

Puis l'Article 2 b) ajoute : "Un seul changement de direction pour défendre une position est autorisé. Tout pilote revenant vers la trajectoire de course, après avoir défendu sa position hors trajectoire, devrait laisser au moins une largeur de voiture entre sa propre voiture et le bord de la piste à l’approche du virage. Toutefois, des manœuvres susceptibles de gêner les autres pilotes, telles qu’entraîner volontairement un véhicule au-delà du bord de la piste ou procéder à tout autre changement anormal de direction, sont strictement interdites."

Le témoignage de Vettel, ainsi que les vidéos et les données issues du GPS et de la télémétrie, pourraient offrir de plus amples informations concernant la ou les raisons pour lesquelles Ferrari estime que son pilote n'a pas "entraîné volontairement" Hamilton hors piste ou piloté de façon erratique. Un axe de défense pourrait notamment être le fait que la Mercedes se trouvait clairement derrière la SF90.

Preuve GPS

Il semble qu'un élément spécifique des données GPS comparant la trajectoire de Vettel dans l'enchaînement de virages du 47e tour à celle du 48e tour (celui de l'incident avec Hamilton) démontre que le positionnement de sa voiture à la sortie du virage 4 n'est pas drastiquement différent. En fait, Vettel était même plus à gauche par rapport à la limite de piste que dans le tour précédent, donc qu'il y avait plus de place à l'extérieur. En conséquence, l'argument sera sûrement de dire que Vettel n'a pas placé sa voiture à un endroit qui aurait dû surprendre Hamilton.

Beaucoup de choses ont été dites sur le fait que la règle dispose que tout pilote doit laisser "au moins une largeur de voiture entre sa propre voiture et le bord de la piste". Cela était notamment le cas quand des comparaisons ont été faites entre l'incident Hamilton/Ricciardo du GP de Monaco 2016 et celui du Canada 2019. Cependant, cette règle n'entre pas en compte dans ce cas, car elle ne peut se lire qu'en référence à des pilotes qui ont déjà défendu leur position une première fois en se déplaçant hors trajectoire, or ce n'est pas le cas de Vettel. En plus, les deux affaires ont été jugées sur des bases juridiques différentes. 

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Concernant l'argument selon lequel Vettel aurait dû tourner plus à gauche après avoir rejoint le circuit, il n'y a aucune règle, que ce soit dans le Règlement Sportif ou le CSI, qui oblige un pilote à s'écarter de la trajectoire de course dans de telles circonstances. En fait, le seul cas dans lequel un pilote est censé agir est quand il tire un avantage injuste de son passage hors piste et doit par exemple ralentir et/ou donner/rendre une position. Or ça n'est bien sûr pas le cas ici, Vettel ayant nettement vu Hamilton se rapprocher de lui après sa sortie.

Le rôle de Hamilton

Un facteur dans la sanction de Vettel a été le fait que Hamilton avait dû prendre des mesures d'évitement, en freinant et en passant hors piste, pour éviter une collision. C'est la réaction de Hamilton qui a convaincu les commissaires que Vettel avait "forcé" le pilote Mercedes à quitter le circuit.

Il y a deux problèmes qui pourraient être importants vis-à-vis du positionnement de la voiture de Hamilton pendant l'incident. Le premier est que la trajectoire de course normale dans ce virage est déjà très à droite, les pilotes laissant régulièrement une moitié voire plus de leur voiture passer sur les vibreurs, comme il est possible de le voir avec l'image ci-dessous, même si au sens de la réglementation, cette monoplace est dans ce cas précis toujours sur la piste.

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W10

Donc en évitant une collision avec Vettel, Hamilton n'aurait pas substantiellement changé de position par rapport à un tour normal et certainement pas dans une position extrême qui aurait facilement pu être repérée par l'Allemand dans ses rétroviseurs.

Le second problème est qu'il pourrait y avoir une vérification demandée pour savoir si, oui ou non, Hamilton a en réalité bien quitté la piste pendant l'incident. Les règles de la F1 sont claires concernant les limites du circuit. L'Annexe L du CSI, Chapitre IV., Article 2 c) indique : "Afin de dissiper tout doute, les lignes blanches définissant les bords de la piste sont considérées comme faisant partie de la piste mais pas les bordures." Cela est renforcé par l'Article 27.3 vu plus haut.

L'explication concernant les lignes blanches est cruciale ici car Ferrari pourrait également tenter de contester que la Mercedes était totalement hors piste et donc que Hamilton n'aurait pas, au sens strict, quitté le circuit. Même si tout se joue à une question de centimètres (sinon le quintuple Champion du monde aurait percuté le mur), les images vidéo de la réalisation internationale semblent pourtant bien confirmer que l'intégralité de la monoplace est passée au-delà de la ligne, grâce notamment à la caméra vue de dessus dans la vidéo suivante (autour de 0:20).

Tous les arguments et les interprétations de règles ne seront peut-être pas acceptés par la FIA, et l'affaire peut aussi rapidement être refermée s'il est jugé que les nouvelles preuves ne sont pas suffisantes. Ce cas pourrait malgré tout devenir crucial dans la façon dont les choses pourraient être vues à l'avenir en termes de pilotage s'il était finalement décidé que Vettel n'a pas enfreint le règlement.

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