L'autre incident du GP d'Italie dont la F1 devrait se soucier

Le crash de Max Verstappen et Lewis Hamilton a fait les gros titres lors du Grand Prix d'Italie. Le Halo a permis au pilote Mercedes de ne pas être blessé, mais deux jours plus tôt, la Formule 1 avait déjà échappé au pire, cette fois-ci dans la voie des stands.

Les monoplaces quittent les stands pendant les qualifications

Photo de: Jerry Andre / Motorsport Images

Les trois séances de qualifications, Q1, Q2 et Q3, ont beau durer une dizaine de minutes, les équipes de F1 attendent toujours le dernier moment pour renvoyer leurs pilotes en piste. En un clin d’œil, une voie des stands complètement déserte peut se transformer en embouteillage du vendredi soir, dans lequel un accident a des conséquences bien plus graves qu'un simple constat sur le bas-côté. Les qualifications du Grand Prix d'Italie l'ont prouvé une nouvelle fois, le drame ayant été évité de peu.

Faire sortir un pilote du garage en espérant que les concurrents ralentissent ou cèdent le passage est au final bien trop utopiste. Non seulement un contact peut vite arriver, et donc boucher complètement l'étroite pitlane, mais des mécaniciens peuvent également être blessés. Presque allongés et entourés de divers protections pour leur tête, les pilotes ont un champ de vision très réduit lorsqu'ils prennent le volant de leur monoplace. Toute leur confiance est remise aux mains des mécaniciens chargés de leur donner le "feu vert". Lorsqu'ils leur font signe d'accélérer, les pilotes obéissent sans discuter.

Ainsi, lorsque le signal a été donné à Sebastian Vettel à la fin de la Q2 du Grand Prix d'Italie, le quadruple Champion du monde s'est exécuté… mais il est tombé nez à nez avec Lewis Hamilton, engagé sur la voie rapide. Les deux pilotes expérimentés ont manqué de s'accrocher et, dans sa manœuvre d'évitement, Vettel s'est positionné devant le mécanicien d'Alpine chargé du signal pour les pilotes de l'équipe française. Fort heureusement, cette personne s'est écartée du chemin au dernier moment. Un incident "un petit peu fou", pour reprendre les propos de Christian Horner, directeur de Red Bull Racing.

Aston Martin et Alpine ont reçu une amende de 5000 €, mais est-ce que cela a servi de leçon ? Les familles des acteurs de la F1 se font déjà beaucoup de souci devant leur télévision, inutile de provoquer des situations inutilement dangereuses.

La F1 n'avait pas besoin de ça, surtout lorsque l'on sait que cette scène s'est produite une semaine après les qualifications du Grand Prix des Pays-Bas, où les voitures étaient à l'arrêt complet dans la voie des stands afin de créer des écarts avant de prendre la piste. Forcément, le prestige et le professionnalisme de la F1 en ont pris un coup. Sergio Pérez n'a également pas apprécié, puisqu'en étant coincé dans les stands, le Mexicain n'a pas eu le temps de couper la ligne pour débuter un nouveau tour et a été éliminé dès la Q1.

Le fait de devoir créer des écarts entre deux voitures apporte aussi son lot de problèmes. Les pneus doivent être maintenus dans la fenêtre de fonctionnement pour extraire 100% de la performance, et tous les pilotes veulent être en piste lorsque les conditions pour les pneus sont optimales. Je ne comprends pas pourquoi les équipes ne font pas preuve de flexibilité en envoyant leurs pilotes sur le circuit plus tôt dans la séance, sur une piste dégagée, pour éviter qu'ils ne soient gênés dans le trafic dense plus tard.

À Monza, bien sûr, les règles du jeu sont un peu différentes à cause de l'avantage procuré par le phénomène d'aspiration, qui rend la position en piste encore plus importante. Mais en Italie, peu de pilotes ont pu améliorer leur tentative précédente car un circuit congestionné n'est pas un bon circuit pour mettre les pneus en température.

Le Règlement Technique qui sera mis en place en 2022 pourrait corriger un problème ayant parasité les courses ces dix ou quinze dernières années : celui des turbulences aérodynamiques générées par la voiture de tête et empêchant la voiture la talonnant de se rapprocher et de dépasser. Mais est-ce que cela mettra fin aux embouteillages annuels de Monza, ou faudra-t-il changer le format des qualifications ?

Fernando Alonso a suggéré un retour vers un format de qualifications sur un seul tour lancé qui, selon lui, permettrait d'améliorer le spectacle en Qualifications Sprint. Le double Champion du monde parle en connaissance de cause, puisqu'il a connu ce format de 2003 à 2005. Les qualifications sur un tour, lors desquelles les pilotes sont lancés en piste à intervalle régulier, ont aussi la particularité d'être plus sures.

"À moins de lancer [les pilotes] les uns après les autres dans des qualifications individuelles, c'est très difficile et c'est dû à la recherche de la bonne position en piste", a commenté Horner au sujet des qualifications de Monza. "Mais [les qualifications] doivent être plus sures. Et, bien sûr, ça devient un petit peu fou dans la pitlane également. Heureusement, il n'y a pas eu d'incident mais c'est quelque chose que nous devons vraiment analyser."

Si un seul pilote était envoyé en piste après que l'un de ses adversaires ait fini son tour lancé, permettant donc de ne pas se gêner, cela signifierait la fin des jeux d'équipe dans lesquels un pilote donne son aspiration à son coéquipier et les "numéros deux" ne seraient alors plus sacrifiés. Nous imaginons volontiers des pilotes comme Sergio Pérez, qui a passé l'intégralité de ses qualifications à ouvrir la voie pour Max Verstappen, être en faveur de ce changement.

La pression qui repose sur les épaules des mécaniciens lors des arrêts au stand doit également être examinée. Par le passé, nous avons assisté à plusieurs cafouillages ayant parfois mené à des roues mal attachées (Haas au GP d'Australie 2018, par exemple) et mis fin à la course des pilotes.

Un écrou poncé a provoqué l'abandon de Valtteri Bottas au GP de Monaco 2021

Un écrou poncé a provoqué l'abandon de Valtteri Bottas au GP de Monaco 2021.

Dans la plupart des compétitions GT, les arrêts au stand sont chronométrés pour que les changements de pilote se fassent plus sereinement. Certes, les équipes spécialisées dans les arrêts n'apprécient guère, mais cela permet aux autres structures de ne pas investir dans des équipements caractéristiques et cela rend la pitlane plus sure. Et pour les équipes qui ne respectent pas le temps minimum, les pénalités tombent.

La FIA aurait raison d'imposer un temps minimum en F1, mais la sécurité serait aussi assurée si le nombre de mécaniciens autorisés à travailler sur la voiture était réduit. Ce facteur rend les arrêts en IncyCar bien plus passionnants à regarder, et en plus le ravitaillement en essence est autorisé. C'était la norme en F1 il fut un temps, mais la pitlane était alors un endroit extrêmement dangereux pour les mécaniciens comme pour les pilotes puisque la moindre goutte d'essence expulsée hors de la monoplace pouvait s'embraser en un claquement de doigts avec la chaleur des freins et des échappements. Demandez à l'équipe de Benetton et à Jos Verstappen ce qu'ils en pensent, ils ont vu de près un beau brasier au Grand Prix d'Allemagne 1994.

Mais il n'y a pas que le carburant qui peut être dangereux, les pneus le sont aussi. Une roue mal fixée prend aisément la forme d'un projectile lourd, et mieux vaut ne pas se dresser sur son chemin. C'est arrivé lors de ce triste 1er mai 1994 à Imola, lorsque Michele Alboreto a perdu l'une des quatre roues de sa Minardi, et c'est arrivé à Mark Webber au Grand Prix d'Allemagne 2013, la roue de l'Australien ayant frappé de plein fouet un cameraman. Ces incidents ont permis de développer et de mettre en place des systèmes empêchant les roues de se détacher en cas d'écrou mal fixé.

J'ai vu des mécaniciens être projetés dans les airs par un pilote roulant trop rapidement mais, fort heureusement, la grande majorité de mes propres expériences dans la voie des stands ont été positives.

Une scène inquiétante me vient à l'esprit. C'était en 1991, lorsque je travaillais pour Peugeot en Groupe C. Les stands de Monza venaient à peine d'être rénovés et la pitlane avait un nouvel asphalte, très glissant. Yannick Dalmas devait laisser le volant de la Peugeot à Keke Rosberg. En dépit de plusieurs avertissements sur sa vitesse en entrant dans les stands, Yannick a bloqué les roues et a renversé un des mécaniciens et la pompe à essence. Il n'y a pas eu de conséquences malheureuses, le mécanicien allait bien et la pompe avait tenu le choc.

Trente ans plus tard, après un nouvel incident dans les stands de Monza, Otmar Szafnauer a rejoint Horner en invitant la F1 à "penser à mieux faire" et à "faire en sorte que [de telles pratiques] cessent avant qu'un drame ne se produise."

Le directeur d'Aston Martin a raison. Quelque chose doit changer, et rapidement, surtout pour les personnes qui sont exposées. C'est aux instances de réagir. Nous savons tous que le sport automobile est dangereux, mais le bon sens doit l'emporter.

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