À Bahreïn, la question des droits humains soulève le débat

La Formule 1 fait l'objet de critiques de la part d'une association défendant la démocratie à Bahreïn.

Le drapeau de Bahreïn sur un bâtiment

Photo de: Charles Coates / Motorsport Images

À en croire l'indice de démocratie publié chaque année par The Economist Group, Bahreïn est l'un des 20 pays où les droits des citoyens sont le moins respectés, occupant la 150e place sur 167 dans le classement 2020. Il se trouve que Bahreïn est aussi un pays où se rend régulièrement la Formule 1 depuis 2004, à l'exception notable d'une édition 2011 annulée à cause du soulèvement bahreïni survenu à partir du mois de février cette année-là.

Or, une lettre publiée le 24 mars et cosignée par 24 organisations (liées pour la plupart à la défense des droits humains) appelle notamment la Formule 1 à "reconnaître les abus commis par le gouvernement de Bahreïn, dont existent des preuves publiques" et à "établir une commission d'experts indépendants pour enquêter sur les violations des droits humains liées aux activités de la F1 à Bahreïn". Auparavant, ce sont 61 députés britanniques qui ont pris une position similaire à ce sujet vis-à-vis de la catégorie reine du sport automobile.

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PDG de la Formule 1, Stefano Domenicali a répondu dès le lendemain à Sayed Ahmed Alwadaei, directeur de l'Institut de Bahreïn pour les droits et la démocratie (basé à Londres), mais de manière privée. Dans cette lettre que s'est procuré Motorsport.com, l'Italien a notamment écrit : "Je souhaite dire que la Formule 1 prend ses responsabilités extrêmement sérieusement sur ces sujets, mais nous croyons également que le sport a toujours eu un rôle unique pour rassembler différentes cultures au-delà des frontières, afin de faire le bien. Nous croyons que priver certains pays de sport n'est pas la bonne approche, et que les inclure est bien mieux que les isoler."

Domenicali précise par ailleurs : "Il est important d'être clair sur le fait que la Formule 1 n'est pas une organisation internationale d'investigation. […] Contrairement aux gouvernements et à d'autres organes, nous ne sommes pas en mesure d'entreprendre les mesures que vous demandez, et il ne serait pas approprié pour nous de feindre le contraire."

La réponse de la Formule 1 constitue donc clairement une fin de non-recevoir, mais les activistes ne désespèrent pas et se satisfont notamment du soutien que leur apporte Lewis Hamilton, défenseur acharné des droits des minorités depuis quelques années. En novembre dernier, l'Institut de Bahreïn pour les droits et la démocratie avait fait suivre à Hamilton des lettres écrites par trois personnes ayant soutenu le mouvement pro-démocratie, décrivant les actes de tortures que leur aurait fait subir le régime bahreïni. Ces lettres initialement révélées par The Guardian évoquaient des coups entraînant des blessures graves, des humiliations, des agressions sexuelles… The Associated Press avait également reçu une photo du fils de l'un d'entre eux, Ahmed, 11 ans, montrant un dessin de la Mercedes de Hamilton, avec le message : "Lewis, sauve mon père, s'il te plaît."

Hamilton avait déjà déclaré en décembre dernier son intention d'agir pour réparer ces injustices. "J'ai reçu ces lettres l'an dernier, elles ont eu un poids assez important sur moi", fait-il savoir ce week-end dans le paddock de Sakhir. "C'est la première fois que j'ai reçu de telles lettres dans mes voyages. Ces derniers mois, j'ai pris le temps d'essayer de m'informer, car je suis venu ici pendant toutes ces années sans avoir conscience des détails des problèmes de droits humains. J'ai donc passé du temps à discuter avec des experts des droits humains, avec des organisations défendant les droits humains comme Amnesty. J'ai rencontré l'ambassadeur britannique à Bahreïn et j'ai discuté avec des représentants de Bahreïn également."

Lewis Hamilton, Mercedes

"Pour l'instant, c'est vraiment en privé que j'ai fait les choses et je pense que c'est la bonne manière de procéder. Je ne veux donc pas en dire trop, cela risquerait de compromettre tout progrès. Mais voilà la position dans laquelle je suis actuellement. Je suis vraiment engagé à aider de n'importe quelle manière possible."

Le septuple Champion du monde est bien conscient qu'il revient à la Formule 1 de décider où ont lieu les Grands Prix mais compte néanmoins faire valoir son point de vue.

"Choisir où nous courons n'est pas en mon pouvoir", admet Hamilton. "Mais quand je repense aux immenses responsabilités que nous avons, je ne crois pas que les droits humains doivent être un problème politique. Nous méritons tous des droits égaux. Quant à savoir si c'est la responsabilité de la Formule 1, je ne sais pas si c'est à moi de le dire. Avec la F1, nous allons dans beaucoup d'endroits différents, nous visitons beaucoup de beaux pays et cultures différents. Et naturellement, il y a des problèmes dans le monde entier. Mais je ne pense pas que nous devrions aller dans ces pays et simplement ignorer ce qui s'y produit – arriver, passer un super moment, puis partir."

Sayed Ahmed Alwadaei conclut : "Tandis que la F1 a catégoriquement refusé de réagir à notre demande d'enquête sur ces violations des droits humains, il est rassurant de savoir que son champion Lewis Hamilton reste néanmoins engagé dans la lutte pour les droits humains. Contrairement à la F1, Sir Lewis a montré que le sport pouvait être un puissant moteur de changement, mais seulement si l'on prend position. J'espère que d'autres stars du sport suivront son exemple lorsqu'elles se rendront dans des États qui violent ces droits, comme Bahreïn."

Avec Alex Kalinauckas 

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