La F1 à quatre roues directrices qui a failli rouler en Grand Prix

Pour la beauté du geste avant l'interdiction définitive de nombreuses aides en 1994, Benetton voulait faire rouler en Grand Prix sa B193C en fin de saison 1993, ce qui aurait fait d'elle la première voiture à quatre roues directrices à prendre un départ en F1...

Michael Schumacher, Benetton

Michael Schumacher, Benetton

LAT Images

Plusieurs voitures de Grand Prix ont été équipées d’un système à quatre roues directrices, c’est-à-dire d’un mécanisme permettant aux roues avant et arrière de tourner afin d’aider la voiture à négocier les virages, probablement mécanique. Mais tout étant très secret en Formule 1, l’histoire n’est pas très claire à leur sujet et aucune monoplace de ce type n'a pris le départ d’une course officielle.

Il faut bien entendu évoquer la Tyrrell P34 à six roues, qui était bien munie de quatre petites roues directrices, mais celles-ci étaient toutes placées à l'avant quand le train arrière n'était lui pas directeur.

Quelques voitures de série, comme la Honda Legend et la Mitsubishi 3000 GTO ont été munies d’un système à quatre roues directrices. Ce dispositif a d’ailleurs rapidement été employé sur les voitures de courses sur glace du Trophée Andros.

En 1993, les bolides de Formule 1 étaient suréquipés d’aides au pilotage, comme les transmissions complètement automatiques, les suspensions actives, les freins antiblocage, les dispositifs d’antipatinage, etc. La FIA est donc intervenue en juin de cette année-là et a interdit l’utilisation de ces aides en vue de la saison 1994, ce qui permettait du même coup de remettre en cause la domination de Williams-Renault qui était passé maître dans le domaine.

De Benetton à Reynard... à Benetton

En dépit de cette interdiction à venir, quelques ingénieurs ont cru bon de tester un système à quatre roues directrices pendant qu’il était encore temps de le faire.

Alors ingénieur de course de Michael Schumacher et surtout responsable du département Recherche et Développement de Benetton, Pat Symonds expliquait comment était née l’idée de munir une F1 d'un tel dispositif : "À la fin des années 1980, John Barnard fut recruté par Benetton, et une partie du staff technique [de l'équipe], dont je faisais partie, a décidé de partir et d'aller chez Reynard qui travaillait sur sa propre F1."

En effet, peu après l'arrivée de Flavio Briatore à la tête de Benetton, la confiance entre les ingénieurs déjà en place et le dirigeant italien fut écornée, et notamment quand Barnard arriva avec des idées bien arrêtées, notamment concernant le fait de ne pas quitter ses propres locaux ou son aversion pour la suspension active.

"[Chez Reynard], nous avons eu l’idée de munir la voiture d’un système à quatre roues directrices afin d’éliminer le sous-virage et améliorer le comportement de la voiture sur les circuits sinueux, comme Monaco", poursuivait Symonds. "Six mois plus tard, Flavio Briatore mettait Barnard à la porte et nous sommes revenus chez Benetton, avec cette idée en tête. Avec Ross Brawn et Rory Byrne, nous avons conçu la B193 à moteur V8 Ford."

Cette voiture, confiée à Schumacher et Riccardo Patrese, disposait de toutes les aides au pilotage possibles à l'époque. Il fut décidé de tester le dispositif à quatre roues directrices en cours de saison et de le faire courir en fin d’année, puisque son utilisation allait être interdite la saison suivante.

Premiers essais en piste

Après la victoire de Michael Schumacher au Grand Prix du Portugal à Estoril fin septembre, l’écurie Benetton est restée sur place afin d’effectuer les essais d’une évolution du moteur Ford HB et d’une version "C" de la B193.

Le train arrière de cette monoplace était muni d’une crémaillère hydraulique dotée d’électrovannes Moog capables de faire pivoter les roues arrière de deux degrés dans les deux directions en fonction des informations issues de plusieurs capteurs. En cas de défaillance du système, les roues revenaient automatiquement en position droite. Le pilote pouvait aussi activer ou désactiver le système selon son désir.

"Riccardo Patrese détestait ce système", racontait Symonds. "Il ne voulait piloter qu’une voiture totalement neutre et passive. Il avait du mal à ressentir ce qui se passait avec les quatre roues directrices. Par contre, Michael Schumacher a été intéressé par ce dispositif. Il l’a apprécié. Son fonctionnement était assez sophistiqué. La voiture 'savait' où elle était sur la piste et à l’approche d’un virage, le roues arrière tournaient afin d’aider la voiture à virer. Dans le virage, le système détectait le survirage et le sous-virage et effectuait des corrections automatiques. Le pilote disposait de boutons pour changer un peu le comportement du système ou même le désactiver."

Il est intéressant de noter qu’il semble que les chronos aient été à peu près identiques, que ce soit avec ou sans le dispositif à quatre roues directrices. Il fut donc décidé de le faire courir lors des deux dernières épreuves de la saison.

Schumacher l’a utilisé lors des essais libres du Grand Prix du Japon à Suzuka, puis l’a déconnecté pour le reste du week-end. Il semble que la Benetton était plus lente dans les virages serrés avec ce dispositif, pas encore parfaitement au point. "Les sensations sont très bonnes, mais en fait ça ne change pas beaucoup les choses", expliquait à l'époque l'Allemand. "J'utilise les mêmes trajectoires et il n'y a pas beaucoup de mouvement à l'arrière. Ça rend les choses un peu plus simples, mais pour le moment le système ne fonctionne pas très bien dans les virages lents, donc nous pourrions ne pas l'utiliser à Adélaïde."

La dernière épreuve de la saison étant en effet organisée sur le tracé urbain d’Adélaïde, composé essentiellement de virages lents, il fut donc décidé de ne pas faire rouler les Benetton avec ce fameux dispositif. Cette aide au pilotage ayant, comme beaucoup d'autres, été interdite pour la saison 1994 dès juin, et on ne la revit plus jamais en Formule 1.

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