Ces champions que l'on a rarement vus en tête (2/2)

Il est déjà arrivé 22 fois que le pilote couronné en Formule 1 ne soit pas celui qui a parcouru le plus de kilomètres en tête cette saison-là. Si Lewis Hamilton est sacré à Abu Dhabi, il rejoindra ce clan étonnant. En voici dix exemples parmi les plus marquants.

Lewis Hamilton, Mercedes W12, passe Carlos Sainz Jr., Ferrari SF21

1984 : Lauda pour un demi-point

Alain Prost : 345 tours en tête, soit 1579 km (34,7%)
Niki Lauda : 168 tours en tête, soit 747 km (16,4%)

Alain Prost, McLaren MP4-2 TAG, devance Niki Lauda, McLaren MP4-2 TAG

Alain Prost (McLaren) devance son coéquipier Niki Lauda

La suprématie de McLaren était impressionnante lors d'une saison 1984 qui s'est résumée à un fascinant duel entre le vétéran Niki Lauda et le jeune loup Alain Prost.

Lauda n'a pourtant pas signé la moindre pole position au volant de la MP4/2, Prost n'en a obtenu que trois ; sur un tour, la référence était le pilote Brabham Nelson Piquet, auteur de neuf réalisations. Piquet a toutefois été trahi par son moteur BMW à cinq reprises alors qu'il jouait la victoire, ainsi qu'une fois par sa boîte de vitesses. Ses 241 tours en tête n'ont été récompensés que par deux victoires consécutives en Amérique du Nord, à Montréal puis à Détroit.

La McLaren M4/2, qui représentait une amélioration notable par rapport à sa devancière, n'était pas tellement à l'aise sur un tour – Prost s'est hissé onze fois en première ligne, Lauda n'y est jamais arrivé – mais se rattrapait bien en course.

Prost a mené de bout en bout à Imola et à Estoril, et a passé la majeure partie de l'épreuve en tête à Zandvoort, au Nürburgring et lors d'une course tronquée à Monaco. Le Français s'est également imposé à Hockenheim et en ouverture de la saison à Jacarepagua, où il est remonté de la dixième place au premier tour à la victoire au Brésil. Cependant, il a aussi perdu des points précieux avec deux abandons lorsqu'il était en tête, ayant heurté le mur à deux reprises à Dallas avant d'être trahi par sa boîte de vitesses à Brands Hatch.

Lauda, lui, a souvent dû tracer son chemin dans le peloton en raison de ses performances qualificatives, mais il l'a fait avec brio, menant les 55 derniers tours à Kyalami, 32 autres à Dijon-Prenois, les 34 derniers à Brands Hatch, les 12 derniers sur l'Österreichring et les neuf derniers à Monza. Certes, l'Autrichien a profité de nombreux abandons devant lui lors de ces cinq victoires, mais il a aussi réalisé un certain nombre de dépassements. Quatre deuxièmes places, quand Prost n'en a signé qu'une, lui ont finalement permis de triompher au bout du suspense sur la plus petite des marges : un demi-point.

1986 : Prost triomphe de Mansell et Piquet

Nigel Mansell : 331 tours en tête, soit 1495 km (31,7%)
Alain Prost : 166 tours en tête, soit 695 km (14,6%)

Alain Prost,  McLaren, Nigel Mansell, Williams et Nelson Piquet,  Williams

Alain Prost (McLaren), Nigel Mansell (Williams) et Nelson Piquet (Williams)

La saison 1986 est célèbre pour une photo : les quatre prétendants au titre, quatre grands pilotes, rassemblés sur la même image. Ayrton Senna, Alain Prost, Nigel Mansell et Nelson Piquet.

Ayrton Senna faisait déjà preuve de son exceptionnel talent sur un tour, auteur de huit pole positions cette saison-là, mais peinait à se maintenir à ce niveau en course – et pas seulement à cause d'abandons plus nombreux que pour ses rivaux.

Les Williams de Nelson Piquet et Nigel Mansell étaient compétitives, mais pas au point de se montrer réellement dominatrices. Une seule épreuve a été menée de bout en bout par le même pilote, à savoir Mansell à Estoril après avoir pris l'avantage sur Senna au départ ; la victoire s'est jouée pour moins de dix secondes lors de cinq d'entre elles, pour moins de vingt lors de dix sur seize.

Pendant plus de la moitié de la saison (56,4% des kilomètres) c'est une Williams qui était en tête, et l'écurie a également remporté la majorité des victoires (9/16). Quelques déconvenues se sont quand même avérées coûteuses, comme la panne de Piquet en tête au début du Grand Prix de Belgique, mais ils étaient néanmoins idéalement placés pour le titre à l'aube de la dernière manche, à Adélaïde.

Prost, lui, n'était que quatrième à cinq Grands Prix du but, n'ayant signé qu'une pole position de toute la saison avec sa McLaren MP4/2C, même si sa place moyenne sur la grille était de 4,25, quand celle de son coéquipier Keke Rosberg était de 6,5. Dans ces circonstances, difficile de se montrer à l'avant du peloton, mais le Français est monté sur le podium lors de onze des douze courses qu'il a terminées.

Prost a brièvement mené à Jacarepagua avant d'être trahi par son moteur, a vaincu les Williams pour la victoire à Imola, a dominé Rosberg et Senna en passant 71 tours en tête à Monaco. Il a également mené 16 boucles au Castellet, où il a perdu son duel face à Mansell, et à l'Österreichring, où les Benetton de Teo Fabi et Gerhard Berger avaient créé la surprise avec un doublé en qualifications, le pilote McLaren a profité de leurs problèmes techniques pour s'imposer.

Malgré sa constance, Prost était un outsider à l'aube du dernier Grand Prix, avec 64 points contre 63 pour Piquet et surtout 70 pour Mansell. Auteur de la pole position, ce dernier était idéalement placé pour concrétiser mais a rétrogradé au quatrième rang au premier tour. Et à 20 boucles de l'arrivée, tout portait à croire que Williams allait signer le doublé au championnat, puisque Rosberg menait devant Piquet, Mansell et Prost...

Or, en l'espace de quelques minutes, le leader a subi une défaillance du pneu arrière droit, Prost a doublé Mansell, et ce dernier a vu son pneu arrière gauche exploser à haute vitesse. C'était l'abandon. Williams craignant que la même chose arrive à Piquet, ce dernier a été rappelé à son stand, ce qui a offert le titre à Prost. Et pas forcément sans mérite.

1987 : Duel fratricide entre Piquet et Mansell

Nigel Mansell : 416 tours en tête, soit 1815 km (38,4%)
Nelson Piquet : 154 tours en tête, soit 809 km (17,1%)

Nelson Piquet, Williams FW11B devance Nigel Mansell, Williams FW11B

Nelson Piquet (Williams) devance son coéquipier Nigel Mansell à Monza

C'est la rivalité amère entre Nigel Mansell et Nelson Piquet qui a marqué la saison 1987 de Formule 1, allant bien au-delà de la piste pour dégrader la relation personnelle des deux coéquipiers Williams. Du côté sportif, la Williams-Honda FW11B conçue par Frank Dernie était dominatrice et a engrangé 12 pole positions et neuf victoires en 16 Grands Prix, même si Ayrton Senna (Lotus) et Alain Prost (McLaren) jouaient les trouble-fêtes.

Mansell a signé huit de ces pole positions contre quatre pour Piquet et a signé six victoires : à Imola (avec 53 tours en tête), au Castellet (70 tours en tête), à Silverstone (où il s'est imposé à domicile grâce à un dépassement mémorable sur Piquet dans les derniers tours), à l'Österreichring (32 tours en tête), à Jerez (leader de bout en bout) et à Mexico (43 tours en tête).

Mansell a toutefois été trahi par la mécanique alors qu'il menait à Monaco et en occupant la deuxième place à Hockenheim et à Estoril ; en Hongrie, il a perdu un écrou de roue alors qu'il était en tête depuis 70 tours. Or, c'est bien souvent Piquet qui en a profité. Ce dernier n'a remporté que trois victoires, deux d'entre elles en profitant des mésaventures de son rival, mais il a aussi fait preuve d'une constance remarquable en étant globalement épargné par les pépins techniques, avec 11 podiums lors des 14 premiers Grands Prix.

Sur les 16 courses de cette saison-là, seuls les 11 meilleurs résultats comptaient d'après la réglementation, et à deux manches du terme, Piquet comptait 12 unités d'avance sur Mansell d'après cette règle (au lieu de 15). Or, un énorme accident lors des essais du Grand Prix du Japon a contraint Mansell à déclarer forfait pour Suzuka et Adélaïde. Contraint à l'abandon par des problèmes mécaniques à deux reprises, Piquet a malgré tout remporté le titre.

2007 : Massa trop inconstant

Felipe Massa : 300 tours en tête, soit 1474 km (28,5%)
Kimi Räikkönen : 212 tours en tête, soit 1149 km (22,2%)

Felipe Massa, Ferrari F2007, Lewis Hamilton, McLaren MP4-22, Fernando Alonso, McLaren MP4-22

Felipe Massa (Ferrari) devance Lewis Hamilton (McLaren), Fernando Alonso (McLaren) et Kimi Räikkönen (Ferrari) à Bahreïn

De 1990 à 2004, le Champion du monde a immanquablement passé le plus de kilomètres en tête, mais trois des quatre saisons suivantes ont fait défaut à cette règle. En 2007 et en 2008, Felipe Massa a mené davantage que ses rivaux sans en être récompensé.

La saison 2007 de Formule 1 était le théâtre d'une véritable hégémonie des pilotes McLaren et Ferrari, qui se sont livré un duel sans merci pour le titre. Ce n'est pas un hasard si Felipe Massa (1474 km), Lewis Hamilton (1448 km), Kimi Räikkönen (1149 km) et Fernando Alonso (963 km) ont mené à eux quatre 97% du temps.

Tandis que le sacre s'est joué pour un point en faveur de Räikkönen face à Hamilton et à Alonso, Massa n'a pas su se maintenir dans la course au titre. Auteur de six pole positions, le pilote Ferrari a dominé les Grands Prix de Bahreïn, d'Espagne et de Turquie en ne cédant la tête de la course que lors de ses arrêts au stand. En revanche, le Grand Prix de Malaisie ne s'est pas passé comme prévu avec une cinquième place, et s'il a longtemps mené à Magny-Cours et à Interlagos, il a été vaincu dans les deux cas par son coéquipier Kimi Räikkönen (permettant à ce dernier d'être couronné au Brésil).

Globalement, ce sont quelques résultats médiocres qui ont empêché Massa de jouer le titre jusqu'au bout, lui qui n'a signé que dix podiums quand ses trois rivaux en avaient douze à leur actif. Il n'empêche que dans un bon jour, ses performances étaient remarquables.

2021 : Hamilton face à Verstappen, qui l'emportera ?

Lewis Hamilton, Mercedes W12, se bat avec Max Verstappen, Red Bull Racing RB16B

Lewis Hamilton (Mercedes) et Max Verstappen (Red Bull) luttent pour la victoire au Grand Prix du Portugal

Max Verstappen : 620 tours en tête, soit 2793 km (48,2%)
Lewis Hamilton : 228 tours en tête, soit 1202 km (20,7%)

La saison 2021 de Formule 1 est un véritable cas d'école de duel pour le titre complètement déséquilibré en ce qui concerne les tours en tête. Ce n'est pas un hasard, puisque Max Verstappen compte neuf pole positions contre quatre pour Lewis Hamilton, bien que cela n'ait pas empêché les deux hommes de se livrer de nombreux duels de titans pour la victoire le dimanche.

Hamilton compte sept victoires cette saison, deux d'entre elles remportées en n'ayant mené que les trois derniers tours : à Silverstone, où il a dépassé Charles Leclerc sur le fil après avoir écopé de dix secondes de pénalité pour son accrochage avec Verstappen, et à Sotchi, où l'entêtement de Lando Norris à rester en piste en slicks sous la pluie lui a coûté la victoire. Bahreïn, Portimão, Barcelone, São Paulo : tous ces succès ont été remportés face à la concurrence intraitable du pilote Red Bull. Ce n'est qu'au Qatar que le Britannique a inversé la tendance en réalisant une performance dominatrice, menant du départ à l'arrivée.

Verstappen, lui, a neuf succès à son actif, ayant mené notamment 61 tours sur 63 à Imola, de bout en bout à Monaco et lors des deux courses du Red Bull Ring, ainsi que 64 boucles sur 72 à Zandvoort et 65 sur 71 à Mexico. En revanche, il lui a suffi de parcourir l'unique tour de course officiel en tête pour s'imposer à Spa-Francorchamps. Et être longtemps leader ne lui a pas toujours suffi à triompher, comme à Barcelone (54 tours) ou à Interlagos (51 tours), où Hamilton a fini par prendre l'avantage. Sans oublier une victoire perdue à quelques tours du but à Bakou, avec une crevaison à haute vitesse...

Il reste deux Grands Prix à disputer, et Hamilton a huit points de retard. Peut-il triompher de Verstappen pour rejoindre ce club étonnant ?

Le poleman Lewis Hamilton, Mercedes, et Max Verstappen, Red Bull Racing, se félicitent dans le parc fermé

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