Circuits F1 - Le vrai rapport de force entre Liberty et les promoteurs

Alors que Hockenheim espère décrocher la tenue du Grand Prix d'Allemagne à moindre coût sur la seule peur potentielle de voir le pays absent du calendrier, Liberty Media tient en réalité les rênes des négociations.

Lewis Hamilton, Mercedes-Benz F1 W08

Lewis Hamilton, Mercedes-Benz F1 W08

Sutton Motorsport Images

Hockenheim a fait savoir que la F1 serait bienvenue dans le futur sur son circuit, à condition de trouver une entente commerciale avec Liberty Media permettant d’assurer une tenue sans risque financier de l’évènement pour le promoteur.

Une requête qui peut prêter à sourire, dans un environnement où les promoteurs sont certes importants pour faire venir les fans sur les circuits, mais luttent les uns contre les autres pour un nombre de places limitées au calendrier, selon la loi de l'offre et la demande.

Le modèle habituel de la F1 pour organiser un Grand Prix ces dernières années consistait à faire payer aux organisateurs un tarif inévitable à la FOM pour chaque tenue de Grand Prix. Un tarif différent selon les circuits, poussé par des clauses d’augmentation du droit d’entrée année après année, avec obligation de s’engager sur un nombre d’années incompressible. Ainsi, un chiffre (fictif) de 15 millions de dollars en année 1 de contrat pouvait avoir évolué en 25 millions en année 5, sans possibilité de signer pour moins de 5 ans.

Seule source de revenus : les billets des spectateurs

Un modèle qui rend l’équilibre très difficile à atteindre pour la majorité des circuits privés, qui ne peuvent contractuellement retomber sur leurs pieds qu’avec la billetterie (morne ces dernières années en Allemagne) et sans possibilité de générer de revenus additionnels avec les visiteurs qui, lorsqu’ils consomment de la nourriture ou achètent des produits dérivés, alimentent des revendeurs franchisés ayant payé eux-mêmes une licence fixe onéreuse à la FOM. La FOM n'a ainsi nullement intérêt à laisser les circuits exploiter le public avec de la vente directe "captive", sachant contrôler cette source de revenus garantie.

Pendant la tenue d’un Grand Prix, les organisateurs ne peuvent ainsi pas exploiter leur public d’une autre manière qu’avec la billetterie, sauf en faisant la promotion d’autres évènements de moindre ampleur se tenant sur leur circuit à un autre moment de l’année.

Certains pays, comme le Mexique, Abu Dhabi, la Russie ou Singapour, font en revanche de leur Grand Prix national un évènement fort politiquement parlant, et bénéficient du soutien financier du Ministère du Tourisme ou de la Jeunesse et des sports. C'est aussi le pari que tenterait Miami. Ils se projettent sur une image bien plus élargie, mesurable économiquement et subjectivement, de bienfait dans la tenue d’un Grand Prix pour inscrire leur pays comme une destination touristique dans l’esprit du monde entier et développer de juteux projets industriels (construction, réseaux routiers, urbanisme, transports en commun), comme le font l'accueil des Jeux olympiques ou d'une Coupe du monde de football. Une réalité à des années lumières d’un promoteur comme celui de Hockenheim, pour qui même organiser un concert géant visant à faire venir d’autres types de fans est une opération extrêmement hasardeuse…

Les conditions de la rentabilité

Interrogé sur ce qui pourrait donc représenter un contrat dépourvu de risques, Jorn Teske, directeur marketing du tracé de Hockenheim, détaille : "Pour le moment, on [nous] parle toujours des frais d’entrée. On nous a demandé : combien vous paieriez pour des droits d’entrée ? Ce n’est pas la question pour nous, car nous pensons qu’il faut restructurer le business model. Cela pourrait être une location de la piste [par la F1 ou un promoteur tiers, ndlr], ou un partage sur le prix d’entrée des tickets et un partage sur les coûts".

Sebastian Vettel, Ferrari SF16-H

Une proposition qui place donc la FOM dans la position de donner de l’argent à Hockenheim pour louer le circuit et organiser un Grand Prix, plutôt que d’en facturer ? Le "coup de pression" ne manque pas d’air, à l’heure où Liberty Media est prêt à dérouler un tapis rouge à Miami pour faire son entrée au calendrier… gratuitement, ou à faire Bakou se sentir menacé alors que la ville paie déjà allègrement, afin de faire monter les enchères sur le montant du droit d’entrée.

La question du partage des revenus sur les tickets, en revanche, est un sujet régulièrement mis sur la table par les promoteurs, qui aimeraient des droits d’entrée plus faibles, et une participation plus active de la F1 à la promotion et la vente de ses propres évènements, délestant ainsi les circuits des importants investissements liés à la publicité et la gestion des billetteries. Une idée qui peut faire sens, et vue dans d'autres sports, mais pourquoi la FOM aurait-elle besoin des promoteurs pour vendre ses billets dans un tel scénario alors qu'une situation de monopole peut être mise en place ?

"Ce n’est pas une question de négociation, mais de comment ça pourrait se finir", défend Jorn Teske. "Il y a de nombreux modèles qui pourraient fonctionner sans risque [pour nous]. Pas de droits d’entrée, ou juste un montant basique, puis juste récupérer les coûts et partager sur les ventes de billets. Dès que l’on parle de la valeur à payer (en droits d’entrée), que ce soit 10 millions, 20 millions, 30 millions : ce n’est pas notre approche, actuellement."

Bien qu’il ne soit nullement en position de force dans sa négociation – la F1 s’étant passée d’un évènement en Allemagne en deux occasions (2017 et 2015) –, Teske estime que la balle est désormais dans le camp de Liberty Media. "Nous avons présenté nos idées, des chiffres, de manière très claire et transparente, détaillée. Désormais, ils doivent y réfléchir. J’espère qu’ils évolueront un peu. Mais ce n’est pas évident, car c’est une décision financière qu’il doivent prendre. Prennent-ils les grosses sommes ? Si c’est le cas, on part. Ou croient-ils à l’importance des circuits traditionnels, dans un pays automobile important comme l’Allemagne ?"

Une déclaration qui fait une nouvelle fois abstraction de la possibilité de mettre Hockenheim en concurrence avec un autre circuit pour héberger seul le Grand Prix d’Allemagne, la tradition des circuits étant une chose et l’importance du pays dans le calendrier, une autre, comme le savent de nombreux promoteurs à leurs dépens.

Conscient de cela, c’est plutôt de nouveau en alliance avec le Nürbürgring que Hockenheim est prêt à tenter de trouver un compromis. "Une solution idéale serait si nous et le Nürbürgring avions un système d’alternance qui fonctionnait très bien. Nous croyons dans le fait d’avoir deux grands circuits célèbres en Allemagne. Mais ce n’est pas un pré requis, et s’il est dit que ça ne peut être qu’un seul circuit chaque année, nous accepterions cela avec des risques clarifiés."

Propos recueillis par Adam Cooper

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