Cockpits fermés - Pourquoi il faut prendre le temps d'agir
Malgré la fable du lièvre et de la tortue, il est rare de gagner une course en prenant son temps. Mais quand il s’agit d’améliorer la sécurité des pilotes, il n’y a pas d’autre option.
Photo de: Giorgio Piola
Le concept de protection du cockpit n’est rien de nouveau. Depuis les accidents de Henry Surtees et de Felipe Massa en 2009, diverses solutions sont étudiées comme les cockpits fermés, les éléments déflecteurs et les arceaux. En observant l’évolution du design des cockpits depuis les débuts du sport automobile, on remarque que c’est une préoccupation depuis bien longtemps.
Au début du XXe siècle, il n’était pas inhabituel de voir des mécaniciens se faire éjecter du cockpit en cas d’accident, ou même de virage abordé trop vigoureusement. En Europe, il a été interdit aux mécaniciens d’accompagner le pilote dès 1924, après la mort de Tom Barrett en Espagne.
Lors des premières années de la Formule 1, les pilotes ne portaient que des casques en cuir qui n’étaient même pas obligatoires, leur torse exposé, sans la moindre protection digne de ce nom. Des images de Juan Manuel Fangio au volant de la Maserati 250F à Modena en 1957 le montrent portant simplement un tee-shirt, des lunettes de course et un casque ouvert.
Au fil des années, les côtés du cockpit sont devenus de plus en plus haut, et la tenue protectrice des pilotes est devenue obligatoire, des combinaisons ignifugées aux casques intégraux, qui ont eux-mêmes évolué suite aux accidents et aux décès. Nous avons vu l’introduction du HANS et de la cellule de survie, deux technologies développées pour protéger les pilotes de blessures qui étaient jadis monnaie courante.
C’est dès les années 1960 que les efforts pour améliorer la sécurité ont commencé, avec Jackie Stewart pour fer de lance, avant que Max Mosley, président de la FIA, n’accélère le mouvement après les drames du Grand Prix de Saint-Marin 1994. Ces efforts n’ont toutefois pas été accueillis à bras ouverts. Les propres collègues de Stewart se sont montrés très réticents vis-à-vis de ses initiatives, et les fans ne manquaient pas de se plaindre du fait que les côtés plus hauts du cockpit les empêchaient de bien voir leurs héros au volant.
Alors que jadis, les pilotes faisaient la course assis avec le torse exposé, tout ce qu’on voit aujourd’hui, c’est le haut du casque qui dépasse du cockpit, le pilote étant quasiment allongé dans la voiture. Mais le cockpit entièrement ouvert de Fangio dans les années 1950 n’est pas devenu d’un coup celui d’un Hamilton bien protégé en 2015 : cela a été un lent processus.
Le HANS dont l’usage est désormais commun a été créé au début des années 1980, mais son usage en Formule 1 n’a pas été envisagé avant 1994. Le HANS n’est devenu obligatoire en F1 qu’en 2003, presque dix ans après que la FIA a montré de l’intérêt pour lui pour la première fois.
Ce retard était le résultat d’essais conséquents. Malgré les tragédies d’Imola 1994, la Fédération était réticente à prendre des décisions dont l’effet positif sur la sécurité ne fût pas prouvé. Une fois l’efficacité du HANS prouvée, la FIA a fait face au manque de bonne volonté des pilotes… que le HANS était censé protéger.
“Si on regarde ce qui se disait quand ils ont introduit les casques, puis quand ils ont introduit les ceintures, tous les mêmes arguments étaient déjà là," rappelait Mosley en 2003. "Ils disaient ‘Ce n’est pas confortable, c’est impossible, je ne peux pas piloter avec ça, c’est ridicule, je n’ai pas besoin de ça’. Nous n’aimons pas interférer avec quoi que ce soit, mais certains pilotes ont également fait remarquer que si on ne rend pas quelque chose obligatoire, personne ne l’utilisera."
Le HANS est désormais vu comme un élément indispensable de l’équipement d’un pilote de Formule 1, et peu de pilotes s’opposeraient à son utilisation de nos jours, voire aucun. Les protestations initiales se sont vite tues devant les preuves de son efficacité, ce qui n’a été possible que grâce aux nombreuses données récoltées lors de ces années de recherche.
À présent, cela fait six ans que la FIA a lancé ses recherches sur le prochain niveau de protection du cockpit. La mort de Justin Wilson a porté cette cause à l’attention du public, et a mené certains à appeler à la mise en oeuvre immédiate d'une solution, quelle qu’elle soit. Tandis que cette revendication instinctive se comprend parfaitement d’un point de vue émotionnel, les solutions de sécurité reposent sur la science, sur la recherche et sur des preuves concrètes, si l’on veut qu’elles soient vraiment efficaces.
Que la FIA n’ait pas encore rendu obligatoire une forme de cockpit fermé ou d'élément déflecteur ne signifie pas que la Fédération tarde à agir au sujet de la sécurité. Bien au contraire. Les six dernières années de recherche visant à améliorer la protection du cockpit a vu l’étude, le test et le rejet d’idées qui, bien qu’efficaces au premier abord, ne s’avéraient pas meilleures que ce que nous avons à présent.
Quand il s’agit de sécurité, rien ne sert de courir, il faut partir à point.
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