Colin Chapman, une double personnalité
Tout au long de sa vie, Colin Chapman montra, selon les moments, deux visages différents à son entourage.
Photo de: Autocourse
Le premier est celui d’un homme irascible, voire intolérant. Les longues réunions, par exemple, fatiguaient et exaspéraient Chapman, particulièrement quand il avait le sentiment que ses interlocuteurs ne faisaient pas progresser la situation. Chez Lotus, il se mettait souvent en colère, bien que ces excès ne fussent que très temporaires. Dans ces cas-là, c’est Peter Warr, son bras droit, qui jouait le rôle de tampon entre les employés et lui.
Chapman pouvait parfois être très lunatique, comme le montre cette anecdote de 1970, contée par Warr.
“Colin allait partir aux États-Unis, lorsqu’il remarqua, dans la cour, les caisses contenant les Lotus 64 à quatre roues motrices qui étaient parties à Indianapolis en 1969, mais qui n’avaient pas couru à cause de l’accident de Mario Andretti en essais libres. À ce moment précis se forma dans son esprit une liste de toutes les vieilles voitures obsolètes qu’il restait ; cela dérangea son sens de l’ordre, sans parler de l’argent qui y était lié.”
“‘Je pars aux États-Unis un moment,’ annonça-t-il. ‘Quand je reviendrai, je ne veux plus voir ces voitures. Je me moque de ce que vous pouvez bien en faire, vendez-les, donnez-les, faites ce que vous voulez, mais si elles sont toujours là quand je reviens, je vais les mettre en pièces et les jeter à la poubelle. Et c'est pareil pour celles qui sont de l’autre côté de la route’. Sur ces bonnes paroles, il fila à l’aéroport.”
“Quand il revint, j’étais vachement content de pouvoir lui dire qu’il n’aurait pas besoin de la scie, puisque j’avais réussi à vendre l’ensemble à un client, Robs Lamplough, pour une somme d’argent qui n’était pas négligeable. ‘Tu as quoi ?’ explosa-t-il. ‘Eh bien prends le téléphone et dis-lui que c’était une grosse erreur, et récupère les voitures.’ Abasourdi et incapable de comprendre ce qui l’avait fait changer d’avis, je téléphonai à un Robs dubitatif. Le procès qui s’ensuivit dura des années, et son verdict fut plutôt en faveur de Robs.”
Le Grand Prix des États-Unis Ouest 1976 en est un bon exemple du Chapman colérique : la Lotus était ratée, Ronnie Peterson venait de quitter l’équipe. La grille de départ étant limitée à 20 pilotes, le débutant Bob Evans ne parvint pas à se qualifier, alors que Gunnar Nilsson prit la 20e place de la grille avec seulement deux dixièmes d’avance sur la non-qualification. La course du Suédois ne dura pas bien longtemps, puisqu’il percuta le mur dès le premier tour. Chapman fut alors pris d’une crise de colère terrible, et Nilsson dut même intervenir pour éviter que des coups ne soient échangés entre lui et Warr. Le lendemain, ce dernier reçut une longue lettre d’excuses manuscrite.
Le dénouement de cette histoire montre toutefois que l’homme avait malgré tout un grand coeur.
Un homme généreux
En dépit de l’importance qu’avaient la course et les voitures de série pour Chapman, il était très attentionné et généreux envers sa famille. Sa femme lui apportait un équilibre certain. Loin des crises de colère de son mari, Hazel Chapman gardait la tête froide et lui donnait les bons conseils. Bien qu’il fût très exigeant avec ses enfants, ayant pour souhait le plus cher qu’ils réussissent aussi bien que lui, le foyer des Chapman était l’oasis de Colin, là où il pouvait se détendre après toutes les frustrations et tensions rencontrées travail.
Mais sa générosité ne se limitait pas à sa famille, comme le racontait Peter Warr. Lorsque ce dernier se cassa les jambes dans un accident de voiture en 1975, Colin Chapman apporta dans sa chambre d’hôpital une télévision en couleur, ce qui restait relativement rare à l’époque.
En 1973, à l’issue d’une saison qui avait vu Lotus remporter son sixième titre mondial des constructeurs, Chapman proposa à Warr et sa femme de se rendre à la cérémonie de remise des prix à sa place. Il donna une enveloppe pleine de billets (en Francs) à l’épouse de son associé en précisant : “C’est pour que tu t’achètes quelque chose de vraiment sympa”. À leur retour, il insista pour que Warr conserve le trophée original.
À la fin d’un championnat, Chapman invita même tous les membres de l’équipe et leurs compagnes à passer une semaine de vacances à Majorque! Certes, à l’époque, il n’y avait pas des centaines d’employés comme aujourd’hui. Pas sûr pour autant que les dirigeants de notre époque en feraient autant.
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