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Comment les arrêts au stand sont devenus une forme d'art en F1

Les arrêts au stand en Formule 1 sont un mélange à vitesse accélérée de haute technologie et de performance humaine. Pat Symonds nous décrit comment cette science des gains marginaux rend les arrêts si rapides.

Sergio Perez, Red Bull Racing RB16B, effectue un arrêt au stand

Photo de: Glenn Dunbar / Motorsport Images

Combien de temps vous a-t-il fallu pour lire la phrase d'introduction ? Il y a bien des façons d'exprimer le temps et vous pourriez donc répondre "à peine moins de trois secondes" ou bien vous pourriez dire "un peu plus longtemps que ce que l'équipe Red Bull met généralement pour changer les quatre roues d'une de ses voitures lors d'un arrêt au stand". En Hongrie, Red Bull a établi son meilleur temps de la saison dans cet exercice, avec un changement complet des pneus opéré en seulement 1,88 seconde.

Les pitstops en F1 sont maintenant si rapides que cela a éveillé l'intérêt de la FIA. De nouvelles directives ont été établies quant à ce qui est considéré comme une pratique acceptable, expliquant quel degré d'automatisation peut être utilisé et quelle intervention humaine est nécessaire pour garantir que la sécurité prime sur la vitesse.

Comment y parvenir et comment gérer l'équilibre entre performance technologique et humaine ? Si l'on revient en arrière, on peut voir que les arrêts au stand sont une partie intégrante du sport automobile depuis de nombreuses années, mais que le rôle qu'ils jouent dans la compétitivité a longtemps été négligé.

Avant la guerre, un arrêt pouvait prendre plus de 30 secondes. Dans l'ère moderne, leur organisation a réellement émergé au début des années 1980 quand Brabham a introduit le ravitaillement en carburant et que les pitstops sont alors devenus un élément stratégique de la course.

Quand le ravitaillement en carburant a fait son retour en 1994, la limite du débit de carburant faisait que le changement de roue se passait relativement calmement. Cependant, lorsque le ravitaillement a été interdit en 2010, l'agilité dans le changement de roue est revenue au premier plan.

À cette période, l'art du pitstop a évolué, pour passer d'une simple pratique régulière à l'aide d'un équipement primaire, à une vision globale associant dès lors un entraînement ciblé et un bond technologique pour l'outillage − pistolets pneumatiques, crics et même écrous et essieux. Les pilotes ont également pris conscience du rôle qu'ils jouent : réaliser le meilleur freinage mais aussi le plus sûr dans la voie des stands, s'arrêter de façon précise à moins de 10 cm de l'endroit souhaité, puis réagir rapidement au signal de départ et réussir son envol, tout cela a permis de gagner ces dixièmes si précieux dans la procédure.

Riccardo Patrese in the Brabham comes in for a pitstop in the 1982 Austrian GP

Arrêt au stand de Riccardo Patrese dans la Brabham, au GP d'Autriche 1982

Photo : Ercole Colombo / Motorsport Images

En termes d'équipement, les pistolets d'arrêt au stand ont été les premiers sur lesquels l'attention s'est penchée. Il s'agit de clés à chocs pneumatiques spécialement conçues pour les gros écrous. On s'est vite aperçu que la conception d'origine pouvait être améliorée en faisant passer du gaz par tous les orifices, un peu comme dans la culasse d'un moteur. Avant que le règlement établisse que seul l'air et l'azote pouvaient être utilisés pour alimenter les pistolets, d'autres gaz ont été employés, présentant une viscosité plus faible et accélérant donc l'action des pistolets. Les pistolets eux-mêmes ont également été allégés et des poignées adaptées ont été fabriquées, façonnées individuellement pour chaque mécanicien afin d'obtenir la meilleure ergonomie.

Puis ce fut au tour des crics d'être examinés. Les simples crics de levage rapide ont été remplacés par des éléments à dégagement rapide, capables de se replier en appuyant simplement sur un bouton afin de gagner du temps lorsque la voiture est ramenée au sol. L'utilisation de crics embarqués, comme ceux utilisés pour les voitures de tourisme, a été étudiée, mais ceux-ci se sont toujours montrés moins performants que des crics externes bien utilisés.

La zone d'arrêt au stand a également été améliorée à l'aide de marques peintes au sol autour de l'endroit où la voiture doit être immobilisée. Des caméras ont été installées sur les barres surplombant les emplacements d'arrêts au stand, afin de pouvoir examiner des vidéos et de déterminer la précision avec laquelle les pilotes s'arrêtent sur les marques. La moindre erreur oblige le mécanicien au pistolet à pivoter, ce qui entraîne donc une perte de temps et augmente les chances de ne pas enclencher le pistolet d'un coup net sur l'écrou, avec le risque ainsi de l'endommager et de le déformer.

Aston Martin wheel gun detail

Gros plan sur le pistolet d'un mécanicien Aston Martin

Photo : Glenn Dunbar / Motorsport Images

Les roues, les écrous et les essieux ont considérablement changé pour faciliter les arrêts rapides. Au début, les roues étaient actionnées par des boulons de roue sur l'axe, qui s'engageaient dans des trous allongés dans la roue. On a découvert qu'il était beaucoup plus rapide de bloquer la roue sur l'axe à l'aide d'un boulon fileté, plus facile à engager car il ne dépendait pas de l'emboîtement précis de la roue et de l'axe. Le filetage de l'essieu a également été considérablement modifié, passant d'un filetage relativement fin à une hauteur de plus d'un millimètre pour permettre un serrage avec un nombre minimal de tours.

Les matériaux ont également été examinés, car les écrous devaient faire l'objet de nombreux compromis. Trop souples, ils risquaient d'être fendus par le filetage de l'essieu s'ils n'étaient pas à l'équerre, et trop fragiles, ils pouvaient être endommagés par le pistolet. De plus, ils devaient conserver leur résistance à des températures très élevées. Aujourd'hui encore, il y a différentes solutions dans la pitlane, mais l'utilisation d'essieux en titane avec des écrous de roue sophistiqués en aluminium est probablement la solution la plus répandue.

L'une des plus grandes avancées a été d'utiliser l'électronique pour relier ces améliorations mécaniques entre elles et c'est ce qui a causé l'inquiétude de la FIA. Un ordinateur surveille les capteurs de tous les dispositifs, et il sait quand la voiture se trouve en l'air, quand les roues sont retirées et quand les écrous sont à nouveau serrés. À un moment donné, cet ordinateur libérait les crics et faisait passer le feu du stand du rouge au vert sur la base d'un signal émis par les quatre pistolets pneumatiques.

Les dernières directives de la FIA stipulent toutefois que le mécanicien en charge du pistolet doit transmettre un signal manuel avant que le cric puisse commencer à être utilisé, signal qui doit être basé sur une indication physique et une confirmation physique faite par le mécanicien au pistolet.

Et il ne faut pas non plus oublier la performance humaine. Lorsque j'étais chez Williams, nous étions les meilleurs pour les arrêts au stand mais nous ne nous entraînions pas de manière démesurée. À l'usine, nous disposions d'une installation automatisée pour les pitstops, entièrement équipée afin de former les mécaniciens, et l'ensemble du processus était supervisé par un médecin du sport ou un ostéopathe afin que nos formidables mécaniciens fournissent la meilleure performance. Enfin, un rapport de 20 pages était rédigé pour chaque épreuve, et ce même s'il n'y avait eu qu'un seul arrêt au stand pour chaque voiture pendant la course, et ce rapport était analysé et discuté en détail afin de rechercher de nouvelles améliorations, tellement nécessaires pour fournir une performance de pointe.

Valtteri Bottas, Mercedes W12, makes a pit stop

Arrêt au stand de Valtteri Bottas dans la Mercedes W12

Photo : Steve Etherington / Motorsport Images

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