Comment la F1 crée des équipes valant un milliard de dollars

Avec l'augmentation des audiences et de sa valeur, et avec l'introduction d'un budget plafonné, la F1 pourrait entrer dans un âge d'or où posséder une équipe deviendrait enfin rentable.

Les fans dans les gradins

Photo de: Charles Coates / Motorsport Images

Ce n'est sûrement pas par hasard que la rumeur sur la valeur d'un milliard de dollars des équipes de F1 soit devenue l'un des sujets de conversation du Grand Prix des États-Unis. Les tribunes pleines à craquer du circuit d'Austin n'ont fait que refléter "l'effet Netflix" tandis que le paddock était pleinement ouvert aux VIP et invités de sponsors actuels et futurs pour la première fois depuis le début de la pandémie.

La hausse de popularité de la F1 a attiré l'attention du pays de la NFL, de la MLB et de la NBA, des disciplines sportives où les franchises sont une activité commerciale importante et où leur valeur ont grimpé en flèche au cours des dernières décennies. Si l'on regarde la liste 2021 de Forbes des équipes les plus chères du monde, les Cowboys de Dallas occupent la première place, l'équipe de football américain valant 5,7 milliards de dollars. Par pur hasard, leurs pom-pom girls ont participé au show d'avant-course du GP des États-Unis.

Ainsi, le circuit d'Austin était un lieu approprié pour que les patrons d'équipe optimistes puissent répondre aux questions sur la potentielle futur valeur de leur propriété. La clé de cet optimisme collectif se trouve dans le plafonnement des coûts, introduit cette année et fixé à 145 millions de dollars. Le plafond passera à 140 puis 135 millions de dollars au cours des deux prochaines saisons. De nombreuses dépenses ne sont pas comprises mais il n'en demeure pas moins que ce plafond a un impact significatif sur la manière dont les meilleures équipes font des affaires.

Ces dernières années, certains se sont battus comme des diables contre le concept de limitation puis ont contesté les chiffres proposés lorsque le plafond est devenu une évidence. Et c'est lors du pic de la pandémie, l'an passé, lorsque les équipes avaient les plus grands doutes sur le déroulement et les recettes de la saison 2020, que le plafond a été abaissé à ce que nous avons aujourd'hui.

Les équipes ont résisté, principalement parce qu'elle désiraient maintenir leur avantage compétitif, mais elles ont fini par réaliser qu'il y avait un avantage à connaître en avance le montant de leurs futures dépenses. Auparavant, la F1 était un puits sans fond. Les équipes dépensaient des sommes astronomiques qui correspondaient à ce que leurs adversaires pouvaient dépenser ou à ce qui était nécessaire pour les battre.

Les derniers Accords Concorde, passés en 2020, donnent aux équipes une grande bouffée d'air frais. Avec 23 courses au calendrier 2022 et aucun "laissez-passer" comme ceux qui ont été nécessaires pour assurer une saison complète l'année dernière, il y aura des revenus garantis importants de la part des promoteurs, du moins si la crise sanitaire le permet. De plus, la plupart des grands accords de diffusion ont été solidement ficelés et n'arrivent pas encore à leur terme.

Après un départ poussif, Liberty Media a pu se bâtir un bel éventail de sponsors. Tout le mérite revient à Liberty et à l'ancien PDG de la F1, Chase Carey, qui ont rapidement réglé les Accords Concorde et, avec le soutien de Jean Todt et de la FIA, le plafonnement des coûts pour sauver les équipes d'elles-mêmes.

Le plafond est également important pour les équipes moins performantes qui s'y heurtent ou opèrent en dessous de celui-ci. Désormais, leurs propriétaires ont la certitude que les top teams sont muselées, ce qui entrouvre l'espoir de combler plus rapidement leur retard sur la piste. Ces changements fondamentaux, associés à l'engouement actuel pour le Championnat du monde de la part des fans et des promoteurs, ont attiré l'attention des portefeuilles du monde entier.

Ceux qui ont mis un pied en F1 au bon moment vont se rendre compte qu'ils ont fait une bonne affaire. Certains, comme Lawrence Stroll chez Aston Martin, Finn Rausing chez Sauber ou Michael Latifi chez McLaren, ont investi une partie de leur fortune pour des raisons personnelles. Sans pour autant jeter leur argent par la fenêtre, leurs investissements sont encouragés par l'amour de la F1.

Mais si Jim Ratcliffe, Dorilton et des investisseurs saoudiens et américains ont récemment rejoint, respectivement, Mercedes, Williams et McLaren, ce n'est pas pour des raisons sentimentales. Ils l'ont fait parce qu'ils ont compris dans quelle direction se dirigeait la discipline. Les propriétaires actuels sont arrivés à des conclusions similaires. Frustré par un manque de résultats, Gene Haas aurait pu avoir des doutes mais l'Américain a décidé qu'après avoir fait tout ce chemin, il pouvait aussi bien s'y tenir.

"Je pense que la F1 vit une excellente période car les audiences sont en hausse", commente Toto Wolff, directeur et actionnaire de l'écurie Mercedes. "La popularité du championnat a augmenté, nous tirons profit lentement mais sûrement de l'Amérique, et Stefano [Domenicali, PDG de la F1] fait un travail formidable avec Liberty."

"Je ne peux parler qu'en notre nom mais nous avons considérablement augmenté notre chiffre d'affaires. Le plafonnement des coûts nous a permis de dégager un bénéfice net, et c'est ainsi que devraient fonctionner les équipes sportives. Elles ne devraient pas faire uniquement partie d'un exercice marketing et être un centre de dépenses. Elles devraient être un centre de profit, comme les équipes américaines. Et nous en sommes clairement là. Je crois, ou j'espère sincèrement, que toutes les équipes deviendront rentables très bientôt et je pense qu'elles sont sur le point de l'être. On connaît ses dépenses, on sait qu'on ne peut pas excéder 145 millions de dollars cette année, et ça va baisser."

Zak Brown, PDG de McLaren Racing, ajoute : "Je pense qu'avec l'arrivée de Liberty, il y a eu une relève de la garde. [Liberty] sont des investisseurs du sport qui investissent également dans de nombreuses entreprises. Je pense qu'avec ce grand championnat mondial ayant une nouvelle gouvernance, une nouvelle structure et une nouvelle direction, ils ont compris qu'ils pouvaient vraiment exploiter sa valeur potentielle. Je pense donc que Chase a fait un excellent travail. Il a fait exactement ce que Liberty voulait, c'est-à-dire préparer le championnat pour l'avenir. Il a réussi et a passé le relais à Stefano. Et maintenant, la F1 surfe sur une excellente dynamique."

Brown évoque également la nouvelle situation à laquelle les propriétaires d'équipe font face depuis quelques années. "Je pense que la F1 est née avec des entrepreneurs jusqu'à ce que des constructeurs arrivent", explique-t-il. "Et je pense qu'il y a encore des richesses individuelles chez de nombreux investisseurs du sport qui se regroupent ensuite pour créer des fonds et pour aller investir dans ces équipes."

"Les investisseurs qui arrivent en F1 sont des gens très sérieux qui possèdent des entreprises importantes. Et si vous regardez la valeur des autres franchises sportives dans le monde, les équipes de F1 sont sous-évaluées, je pense que c'est la raison pour laquelle vous voyez des gens s'y intéresser. Le moment est donc propice à l'arrivée d'un acheteur mais il n'y a probablement pas beaucoup de vendeurs, ce qui crée une bonne dynamique pour faire monter la valeur de la franchise donc je pense que la F1 est dans une excellente position."

"Je pense que la grille n'a jamais été aussi saine. Je ne me souviens pas d'une époque où il n'y avait pas deux ou trois équipes en proie à de grandes difficultés financières. Aujourd'hui, toutes les équipes, les dix, sont extrêmement saines et sont détenues par des personnes qui ont la capacité de voir à travers leur équipe."

La santé actuelle de F1 est en fait un extraordinaire retournement de situation. Au cours des dernières années, Force India, Williams et Sauber ont tous été au bord de la banqueroute. Même l'emblématique écurie McLaren, qui fait partie du groupe comprenant la division des voitures de route, a été sur la corde raide pendant un certain temps.

"McLaren sera une écurie rentable dans un futur proche", déclare Brown. "Avant que le plafonnement budgétaire ne soit mis en place, je ne pense pas que l'on aurait pu dire une telle chose parce que la F1 était un sport où il fallait dépenser autant que le plus gros portefeuille. Donc cela se résumait à 'qui peut se permettre de perdre le plus d'argent ?'"

"Et pour beaucoup, ce n'est pas un modèle très attractif. Je pense que ce principe fondamental est en train de changer et c'est la raison pour laquelle vous voyez arriver de vrais investisseurs sportifs comme MSP et UBS, qui ont investi dans McLaren. Ils ont une histoire dans le basket-ball et le baseball, donc ils ont de l'expérience et savent quand quelque chose devient rentable."

Ayant grandi aux États-Unis, Brown affirme que c'est le bon moment pour comparer les écuries de F1 à d'autres entreprises sportives. La valeur moyenne du classement de Forbes, qui inclut des géants du football comme le FC Barcelone et le Real Madrid aux quatrième et cinquième places, est de 3,2 milliards d'euros. Ces chiffres sont sans comparaison possible avec ceux associés avec les plus grandes équipes de Formule 1.

"Si l'on regarde la taille, l'échelle et l'importance de la F1, par rapport à ces autres ligues, on commence à se gratter la tête et à se demander pourquoi certaines de ces équipes valent plus que McLaren, Mercedes ou Red Bull", souligne Brown. "Je pense que la réponse, historiquement, est que la F1 consomme de l'argent financièrement, mais maintenant que Liberty a modifié cette structure, je pense que c'est pour ça que l'on voit de vrais investisseurs du sport arriver – et des investisseurs en général."

"Je pense que dans trois, quatre ou cinq ans, les écuries de F1 se vendront pour plus d'un milliard de dollars – en partant du principe que quiconque veut vendre. Le fait que personne ne veuille vendre est un bonus."

Et c'est un point clé. Nous ne connaissons pas tous les détails des raisons pour lesquelles l'offre de Michael Andretti pour Sauber n'a pas abouti, mais les sources indiquent que les proches du principal actionnaire Finn Rausing l'ont convaincu de ce que valait potentiellement l'équipe et que le chiffre ne pouvait qu'augmenter.

"Quiconque acquiert une écurie de F1 aujourd'hui sait très exactement ce qu'il ou elle doit dépenser afin d'être compétitif, car nous ne pourrions pas dépenser plus", ajoute Wolff. "C'est pourquoi c'est devenu une très bonne opportunité d'affaires, à mes yeux. Je ne vendrais pas une écurie. Au contraire, avec l'arrivée d'Ineos, j'ai acquis 3% supplémentaires, et j'en suis très content."

"Je pense qu'avec le plafond budgétaire, nous arrivons dans une situation où il y a de vrais chiffres et où la valeur des écuries va être similaire à celle des autres équipes sportives. Et si la franchise est viable parce qu'elle est limitée, si le flux de revenus est viable sur le long terme – je pense que la F1 a un modèle très attractif car nous avons signé des accords de sponsoring qui courent entre trois et dix ans. Nous signons des accords de cinq à dix ans avec les circuits et les chaînes de télévision, c'est fort attractif en matière de rentabilité, car on voit facilement les futures rentrées d'argent."

De plus en plus d'investisseurs vont certainement vouloir se joindre à la fête de la F1 dans les années à venir, et en effet, des actionnaires d'écuries vont décider d'encaisser dans le même temps.

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