Comment une finale ennuyante pourrait offrir un meilleur spectacle

Ceux qui ont suivi le dernier Grand Prix de Formule 1 de la saison 2020, à Abu Dhabi, sont probablement passés par trois émotions. D'abord l'euphorie, car pour la première fois depuis le GP du 70e Anniversaire en août, Max Verstappen disposait d'une voiture capable de menacer le duo de Mercedes pour le battre à la régulière.

Ensuite la tristesse d'arriver à la dernière course d'une année extraordinaire, peut-être aussi qu'une avarie frappe Sergio Pérez, à peine sorti de son triomphe le week-end précédent au GP de Sakhir, et le contraigne à l'abandon dans ce que nous espérons ne pas être ses adieux à la F1. La tristesse également que George Russell, si brillant dans le rôle du remplaçant de Lewis Hamilton dans la Mercedes une semaine plus tôt, soit de retour dans la Williams et se traîne à l'autre bout de la grille.

Et enfin... que ceux qui se sont ennuyés pendant la course lèvent la main. Tout le monde, des équipes aux pilotes, semble apprécier le circuit et les installations que seul le monde arabe peut offrir, mais il n'y a pas besoin d'être un génie pour comprendre que les dépassements y sont très difficiles.

"On m'a dit que c'était plutôt ennuyant", a déclaré Esteban Ocon quelques instants après avoir réalisé l'une des rares manœuvres de dépassement de la course, sur Lance Stroll, dans le dernier tour. "Oui, les dépassements étaient très difficiles, c'est une évidence, c'est assez dur de se suivre dans le dernier secteur, à faible vitesse, avec des virages en dévers qui demandent beaucoup de grip."

Celui qui est désormais son ancien équipier, Daniel Ricciardo, a ajouté : "C'est dommage, parce que c'est un endroit vraiment fantastique. Ils pourraient peut-être jouer sur le tracé. Je sais qu'il y a quelques alternatives ici, parce que le dimanche, malheureusement, c'est compliqué."

Donc, quelles sont les options pour améliorer le spectacle à court terme à Yas Marina et sur les pistes où les dépassements sont difficiles avec les F1 actuelles ? Comme Ocon le souligne, les trop nombreux enchaînements de virages lents semblent être l'une des principales causes. L'autre, un sujet peut-être plus délicat, est que plusieurs de ces courbes sont "en dévers", faites pour sanctionner les erreurs quand les voitures sortent de la trajectoire.

Régler les voitures pour ces virages, qui génèrent toujours du patinage et du survirage, est sans le moindre doute un casse-tête pour les ingénieurs, car la roue extérieure peine à trouver l'adhérence. Ils peuvent utiliser les différentiels hydrauliques, une situation évidemment identique pour toutes les équipes.

Cependant, si nous cherchons à compiler les moments où le spectacle a été le plus présent en 2020, nous voyons surtout des circuits découverts par la F1 dans cette année tourmentée. Au Mugello, la ligne droite principale mène à un virage relevé dans lequel plusieurs trajectoires sont possibles, créant des opportunités de dépassement, à l'image de celui d'Alexander Albon sur Ricciardo pour s'offrir son premier podium en F1.

Portimão propose aussi un virage rapide avant la ligne droite, et la possibilité de doubler un rival dans un premier virage à vitesse moyenne.

Deux zones de DRS sont présentes à Yas Marina, mais elles sont collées l'une à l'autre. Comme cela s'est souvent vu, un pilote qui double à la fin de la première ligne droite, qui suit l'épingle du virage 7, perd à nouveau la position au bout de la zone suivante, la voiture qu'il venait de dépasser lui rendant la politesse. La seule exception survient quand des pneus neufs offrent une meilleure motricité à la sortie de la chicane lente des virages 8 et 9. Un problème identique se pose au GP de Russie, à Sotchi, avec des virages lents placés avant les zones de DRS, compliquant également les dépassements.

Des circuits réputés pour leur spectacle, comme Silverstone, Spa et Suzuka, ont des virages rapides avant les lignes droites. Le DRS voit ainsi son efficacité renforcée, surtout sur une voiture bien équilibrée dans des enchaînements rapides comme Maggots-Becketts, Pouhon ou Spoon.

Mais dans quelle mesure les F1 sont-elles responsables de ce problème ? Elles représentent clairement un facteur important. Afin d'avoir une voiture équilibrée sur des circuits variés, les équipes doivent maximiser le niveau d'appui, ce qui est positif quand la voiture a le champ libre, mais négatif dans un duel car cela augmente la sensibilité de la voiture aux turbulences de la monoplace qu'elle suit.

Ce n'est en rien une nouveauté en Formule 1, mais en imposant des changements drastiques pour la saison 2022, les dirigeants du championnat ont admis que l'augmentation des appuis générée par le règlement 2017 n'avait pas eu l'effet escompté sur le spectacle. Comme Hamilton l'a déploré, "il est difficile de suivre des voitures dans les parties lentes, parce qu'on perd l'appui à l'avant, tandis que dans les parties rapides, on est dans les turbulences, même en étant quatre ou cinq secondes derrière."

Malheureusement, je ne pense pas que les changements modestes apportés aux voitures pour la saison prochaine permettront de véritablement améliorer le spectacle, même si elles auront moins d'appui, les rendant plus rapides en ligne droite mais moins stables en courbe. De nombreuses équipes ont adapté la suspension avant pour abaisser le nez de la voiture au freinage et en courbe. Les gains possibles dans ce domaine sont donc limités.

Mercedes ne pourra plus utiliser son système DAS et devra donc trouver un autre moyen de faire monter ses pneus avant en température – ce qui a semblé poser problème aux deux voitures à Abu Dhabi, surtout avec les pneus les plus tendres dans la séance la plus importante, la Q3.

Mais si nous acceptons de patienter jusqu'à 2022 pour que les voitures offrent un meilleur spectacle à Yas Marina, comment améliorer le tracé pour que que la fin de saison soit meilleure ? Il faudrait certainement abandonner certaines chicanes, renoncer aux étranges virages 5 et 6 pour avoir une ligne droite menant à l'épingle du virage 7 et offrant une zone de freinage supplémentaire.

Laissez les virages 8 et 9 tels quels, mais effacez les virages 11, 12 et 13 et améliorez la piste avec un banking plus prononcé dans le virage restant. Faites du virage 14, à 90°, une véritable courbe à emprunter sur le troisième ou le quatrième rapport, ce qui fera peut-être naître une opportunité de dépassement au virage 17, sur la droite, surtout s'il est légèrement élargi.

La dernière section pourrait être maintenue en l'état, car elle est de toute façon difficile à modifier en raison de l'hôtel qui enjambe la piste. La dernière courbe, le virage 21, semble surprendre certains pilotes, elle peut donc également perdurer.

Quoi que vous ayez pensé du spectacle à Abu Dhabi, le bon mot de Christian Horner, patron de l'équipe Red Bull – "Je suis désolé que ça n'ait pas été plus divertissant pour vous, mais c'était parfait pour nous !" – est d'ores et déjà un candidat pour la déclaration de l'année.

Espérons que Red Bull pourra rester sur cette lancée en 2021 et nous offrir plus d'incertitude, quel que soit le circuit. J'ai été membre d'une équipe qui a dominé durant plusieurs saisons dans les années 1980 et j'ai pris beaucoup de plaisir à cette époque, mais le moment est peut-être venu de voir un rival des Flèches d'Ébène prendre le pouvoir...