Analyse

Comment Renault compte gérer Fernando Alonso

Renault espère que le retour de Fernando Alonso lui apportera rapidité et expérience dans son ambition de retrouver les avant-postes d'ici 2022. Mais le constructeur français a également conscience des défis internes que cela implique.

Fernando Alonso, Renault F1 Team

motosport.com

Parmi les fans, les avis divergent déjà sur le choix fait par Renault d'opter pour l'expérience plutôt que pour la jeunesse en engageant un Fernando Alonso qui aura 39 ans au début de la saison 2021. Mais les doutes entourent également la pression qui va réellement s'accentuer pour lui proposer une monoplace à la hauteur du talent d'un double Champion du monde. L'annonce de mercredi était un moment à part pour Renault, qui a remis la main sur celui qui a décroché avec la marque deux titres mondiaux en 2005 et 2006. Pourtant, les défis qui attendent le constructeur sont nombreux.

Renault a tiré des leçons essentielles de ces 18 derniers mois, après avoir recruté Daniel Ricciardo, notamment sur la manière dont des attentes accrues amplifient la pression si les résultats ne sont pas au rendez-vous. Le Losange admet également que tout sera désormais plus intense. Directeur de l'écurie, Cyril Abiteboul admet que ses cheveux blancs se sont multipliés après tout ce que l'équipe a vécu dernièrement avec Ricciardo, qui rejoindra McLaren. Néanmoins, il n'y a selon lui jamais eu la moindre hésitation à recruter une autre star.

Malgré tous les inconvénients qui accompagnent la pression exercée pour progresser, ce stress agit comme un catalyseur de changement. Abiteboul prend en exemple le fait que les progrès réalisés depuis l'année dernière sur la monoplace d'Enstone n'auraient pas été possibles s'il n'y avait pas eu le besoin de répondre aux attentes de Ricciardo. Cette réalité sera la même avec Alonso.

Daniel Ricciardo, Renault F1 Team R.S.20

"Je pense que nous abordons cet aspect avec les yeux davantage ouverts", explique-t-il à Motorsport.com. "Je continue de croire que même si j'ai plus de cheveux blancs qu'auparavant, certains des changements que nous avons effectués l'ont été à cause de la pression qui s'exerçait sur l'équipe, sur moi-même et sur le reste du management, en raison de la présence de Daniel. À cela s'ajoute la pression qu'il met sur l'équipe en raison de son talent."

"Nous sommes arrivés en Autriche bien plus compétitifs que nous ne l'avons jamais été. Oui, nous n'avons pas marqué autant de points que nous l'aurions souhaité ou que nous l'aurions pu, mais je peux vous dire que la voiture est totalement différente et que c'est le meilleur hiver que nous n'ayons jamais connu. C'est la première fois que nous modifions réellement les caractéristiques de notre voiture depuis 2016. Et franchement, si vous me le demandez, c'est probablement dû au fait que Daniel soit avec nous et à la pression qu'il a mise l'an dernier sur l'équipe, y compris moi-même."

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Le besoin de se faire bousculer a clairement pesé dans la décision de Renault de prendre Alonso, libre depuis son départ de chez McLaren fin 2018. Mais il fallait prendre d'autres facteurs en considération avant de faire appel à lui. L'un d'eux était de trouver le bon moment pour disposer d'un Alonso au meilleur de sa forme, prêt à rejoindre un environnement qui lui convient, et qui puisse se montrer solide en piste comme en dehors. Car lorsque les planètes ne sont pas alignées et que l'Espagnol sent que ce qu'il apporte n'est pas égalé par ce qui l'entoure, les tensions peuvent rapidement s'intensifier. Interrogé sur les deux inconvénients potentiels d'Alonso – son aspect politique et son âge –, Abiteboul ne nie pas qu'ils ont été pris en compte au moment de se décider.

Le vainqueur Fernando Alonso, Renault R25

"Bien sûr, comment puis-je répondre autrement ? Mais il faut les mettre en perspective", répond-il. "Tout le monde arrive en F1 avec quelque chose, et plus on vieillit, plus l'on a de succès, plus il y a toujours une histoire négative ou une perception négative. Concernant l'âge, c'est comme pour moi, comme pour vous, comme pour tout le monde. Mais je crois que les années passées loin de la piste [en F1] ont probablement constitué pour lui une opportunité de se remettre en question, de mesurer la chance ou le privilège que nous avons tous d'être en F1. Cela lui permet probablement d'arriver avec un nouvel état d'esprit."

"N'oublions pas que la compétition peut être toxique pour les gens. Peu importe les efforts que l'on déploie ou le travail que l'on fournit, on peut ne pas gagner. C'est le sport. C'est ce qui crée cet héritage mais c'est aussi la raison pour laquelle il est à nouveau intéressé par la F1. C'est peut-être l'occasion d'avoir un nouveau Fernando dans une nouvelle F1." 

C'est le facteur de motivation derrière ce "nouvel" Alonso qui, selon Abiteboul, a convaincu l'équipe de la choisir plutôt que d'autres pilotes vedettes comme Valtteri Bottas ou Sebastian Vettel. L'équipe a également acquis la conviction que le moment était venu de sceller son duo de pilotes pour 2021 plutôt qu'attendre jusqu'à la fin de l'année pour voir si l'un de ses protégés en F2 était prêt et disposait de suffisamment de points pour la Super Licence.

Cyril Abiteboul, Renault

"Il y a eu un mélange", reconnaît Abiteboul quant aux raisons de la signature d'Alonso dès à présent. "Le timing était important. Pour les plus jeunes, nous restons extrêmement investis dans la Renault Sport Academy et en particulier auprès de Guanyu Zhou et Christian Lundgaard en F2, qui étaient les deux premiers à pouvoir rejoindre la F1. Mais j'imagine que c'est une conséquence de cette année. Nous aurions peut-être dû patienter jusqu'à mi-décembre pour savoir s'ils auront une Super Licence l'année prochaine. Franchement, ça n'aurait pas été une option."

"Concernant les autres pistes, je parlerais avant tout de motivation et de cadre mental. Le talent est là avec Fernando, et il l'est aussi avec Vettel et Bottas, ça ne fait aucun doute. Mais le mélange avec l'état d'esprit et la motivation étaient des éléments importants, ainsi que le timing de la crise." 

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Abiteboul sait par-dessus tout que la clé du succès d'Alonso réside dans sa propre gestion de la situation. Le pilote semble bien conscient du fait qu'il n'aura pas une voiture pour gagner l'an prochain, donc il n'y aura pas le désespoir du succès instantané. Cependant, l'équipe fera l'objet d'attentes pour continuer à progresser et être au rendez-vous des podiums à partir de 2022. L'Histoire a prouvé qu'Alonso pouvait être difficile à gérer pour un directeur d'équipe. C'est pourquoi Abiteboul est heureux de faire appel à un ancien patron de Renault pour avoir quelques conseils…

"Je crois que le seul qui a réussi dans ce domaine c'est Flavio [Briatore], et ce n'est pas un secret, j'ai moi-même grandi avec Flavio", souligne-t-il. "J'ai aussi vu certaines choses qu'il faisait avec Fernando, et je continue à dialoguer avec Flavio. Il est dans les parages et il fait partie des nombreuses personnes – je ne vais pas les mentionner – qui ont participé à l'annonce. Je m'en inspire pour ce que j'aurai à faire l'année prochaine dans la manière de gérer Fernando. Mais encore une fois, pour moi, le nouveau Fernando, tout juste sorti de son année loin de la F1, sera un meilleur Fernando."

"Je m'assurerai d'être extrêmement transparent avec lui, car c'est quelqu'un d'intelligent. Il comprend et il en sait beaucoup sur la F1, donc la seule chose que je ne ferai jamais, c'est de lui mentir ou lui promettre trop puis ne pas tenir les promesses. Gérer ses attentes sera probablement le point de départ de relations solides et fructueuses."

Flavio Briatore et Fernando Alonso fêtent le titre avec Renault

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