Dans les coulisses du projet de moteur F1 de Red Bull et Ford
Au début de l'été, Red Bull Powertrains a ouvert ses portes pour permettre de découvrir les coulisses du développement de son moteur de Formule 1. Découvrez les dessous du partenariat entre l'équipe championne du monde et le constructeur américain Ford.
Le mardi précédant le Grand Prix de Grande-Bretagne, une poignée de médias a été accueillie dans le bâtiment Jochen Rindt, à Silverstone. C'est ici, au campus de Milton Keynes, que Red Bull Powertrains et Ford travaillent avec des centaines d'employés sur leur projet de moteur de Formule 1 pour 2026.
D'ici deux ans, les règlements relatifs aux unités de puissance et aux châssis des F1 feront l'objet d'une refonte majeure. Du côté du moteur, le MGU-H disparaîtra, mais la proportion d'énergie électrique augmentera considérablement pour atteindre une répartition de près de 50% avec le moteur thermique, au vu de la volonté de la FIA de faire fonctionner le V6 avec des carburants durables.
Un autre changement tout aussi important est à prévoir pour Red Bull. L'écurie autrichienne se séparera de Honda en tant que partenaire moteur à ce moment-là. Actuellement, tous les moteurs de Red Bull Racing et VCARB sont encore produits au Japon. Mais avec le départ de Honda et son association future avec Aston Martin, Red Bull a dû prendre le taureau par les cornes et à pris la décision de créer ses propres unités de puissance pour la première fois en 20 ans d'existence.
Alors que le géant des boissons énergisantes est confronté à son plus grand défi à ce jour, Red Bull Powertrains a offert un rare coup d'œil derrière les portes habituellement closes de son usine moteur.
Red Bull prépare désormais son propre moteur en F1.
Photo de: Red Bull Content Pool
La journée commence par une réception dans le MK7, le bâtiment où sont exposées les monoplaces Red Bull des saisons précédentes. Christian Horner, le directeur de l'écurie, et Mark Rushbrook, directeur international de Ford Performance Motorsports, expliquent que les travaux ont commencé au début de l'année 2022.
Ils ont débuté par le développement de la section ICE (moteur à combustion interne), suivi par le département ERS début 2024, qui s'occupe des composants électriques du moteur. Des éléments majeurs qui deviendront encore plus importants dans le cadre de la réglementation 2026.
Au milieu des employés et après avoir été informés qu'il était strictement interdit de prendre des photos, nous nous sommes dirigés vers le "Brodie's Boulevard". Ce couloir porte le nom de Steve Brodie, un ancien employé de Mercedes High Performance Powertrains, le groupe moteur de l'équipe allemande, qui a rejoint Red Bull en août 2021. Il a joué un rôle important dans la mise en place et l'élaboration de son usine moteur. Il est "Chef des Opérations Moteurs", Brodie est donc en charge des ateliers de construction ICE et ERS pour s'assurer qu'ils respectent les spécifications et les normes demandées.
L'un des moteurs est visible dès l'entrée. "C'est le tout premier moteur à combustion que nous avons fabriqué", explique Horner. "Ce moteur V6 a été démarré en août 2022. Dietrich Mateschitz [co-fondateur de la marque Red Bull] a pu entendre ce tout premier moteur Red Bull juste avant de mourir. Après sa mort, nous avons décidé d'apposer le label DM sur tous nos moteurs, afin que Dietrich soit toujours au cœur des voitures Red Bull."
Horner ajoute que le moteur exposé a également joué un rôle pour convaincre Ford de rejoindre le projet quand les négociations entre l'équipe championne du monde et Porsche ont été rompues. "Lorsqu'il est devenu très clair, du moins d'après ce que nous avons vu de l'extérieur, que cela n'allait pas fonctionner avec Porsche pour Red Bull, j'ai obtenu l'adresse e-mail de Christian, je lui ai envoyé un e-mail et je lui ai dit : 'Hé, tu veux qu'on discute ?', explique Mark Rushbrook.
C'est ainsi qu'est né le partenariat actuel entre la marque américaine et l'équipe autrichienne, bien différent des plans initiaux prévus avec Porsche. Ford n'exige pas d'avoir son mot à dire dans l'équipe de F1 comme c'était le cas pour le constructeur allemand : "Nous ne disons pas 'vous devez faire comme ça'. Non, Red Bull est en Formule 1 depuis des années, donc nous leur demandons principalement ce dont ils ont besoin pour réussir ensemble", ajoute le responsable de Ford.
"D'après nos discussions initiales, nous n'allions contribuer qu'aux parties électriques du moteur 2026, mais maintenant nous contribuons également au turbocompresseur et aux dispositifs d'essais du moteur à combustion, notamment parce que Ford possédait déjà des connaissances ou des équipements à cet effet."
Le boulevard de Brodie mène aux locaux où les unités de puissance et ses différentes pièces sont stockées. De là, le moteur à combustion interne passe à la zone de nettoyage, puis à l'atelier de construction pour être assemblé. Comme tout doit être impeccable et précis, cette zone d'assemblage ressemble plus à un laboratoire qu'à un atelier ordinaire. Une moitié est destinée au moteur V6, l'autre à un monocylindre, ce qui permet de rendre le développement plus efficace.
"Je suis évidemment un peu biaisé, mais l'installation dont nous disposons ici semble encore plus moderne que celle de Mercedes", déclare Brodie dans un sourire. "Mais c'est normal, car j'ai eu beaucoup de liberté pour mettre au point cette configuration moi-même."
L'usine moteur de Red Bull et Ford.
Photo de: Red Bull Content Pool
Pour ce qui est des essais moteurs, Brodie passe le relais à Florian Niehaves. L'ingénieur allemand travaillait auparavant pour l'entreprise spécialisée en simulation et essais dans l'industrie automobile AVL, qui collabore désormais directement avec Red Bull sur le projet Powertrains.
Il nous conduit dans la pièce suivante, qui rappelle un peu une salle de contrôle de missions spatiales. C'est là que se trouvent les multiples dispositifs d'essai des différents composants du moteur avant qu'ils ne soient intégrés à l'unité de puissance complète.
En Formule 1, les constructeurs doivent se conformer à des règles strictes en matière d'essais. Chaque usine de moteurs ne peut disposer que de trois bancs d'essais pour un moteur complet, trois pour un monocylindre et deux pour l'ERS. Red Bull Powertrains indique qu'elle est proche de la limite de ce qui est autorisé en matière d'équipement.
Avec l'infrastructure actuellement en place dans le bâtiment Jochen Rindt, Red Bull Powertrains affirme pouvoir fournir des moteurs à un total de quatre équipes de F1. Cela signifie qu'en plus de Red Bull Racing et de l'équipe VCARB, il y a de quoi motoriser deux autres équipes clientes, bien que cela ne soit pas prévu pour 2026.
"Nous avons été approchés par différentes équipes, certaines cherchent à savoir qui aura le moteur le plus compétitif", explique Horner. "Mais pour l'instant, nous nous concentrons sur les deux équipes Red Bull, car nous voulons marcher avant de courir. Si quelque chose devait se présenter plus tard, nous serions alors ouverts au bon partenaire."
Horner ajoute que les règles financières relatives à la fourniture de moteurs doivent également être modifiées, "car fournir un moteur à un client est un exercice déficitaire si l'on se base sur les prix de la FIA. J'ai maintenant presque de la sympathie pour Cyril", plaisante-t-il en faisant référence à l'ancien chef de Renault F1, Cyril Abiteboul, avec qui il entretenait des relations assez tendues.
On travaille d'arrache-pied dans ce bâtiment de Milton Keynes.
Photo de: Red Bull Content Pool
Après les zones d'assemblage et d'essais, la visite touche à sa fin, jusqu'à ce que Christian Horner nous invite à un petit tour privé : "Ce n'était pas prévu dans le programme initial, mais jetons aussi un coup d'œil aux bureaux d'études". Une fois de plus, il est strictement interdit de prendre des photos, car les écrans sont remplis de chiffres et de croquis de conception bien trop compliqués pour nous autres humbles journalistes présents, mais qui pourraient sûrement intéresser les concurrents.
Le campus Red Bull s'est considérablement développé depuis l'acquisition de l'équipe Jaguar en 2005, avec un total de 1 800 employés qui y travaillent aujourd'hui. Cette évolution a nécessité la construction d'un grand nombre de bâtiments à Milton Keynes, et l'usine moteur devrait être la dernière étape.
Après les frustrations liées aux performances du moteur Renault et à la décision de Honda de quitter l'écurie, Red Bull mise sur ce projet pour permettre une meilleure complémentarité entre son moteur et son châssis, et surtout, pour ne plus dépendre d'un fournisseur.
"Nous prenons désormais notre destin entièrement en main. À part Ferrari, nous sommes la seule équipe de F1 à avoir les départements moteurs et châssis sur le même campus à l'horizon 2026. Même Mercedes a deux sites différents", indique Horner en faisant référence aux usines de Brackley et Brixworth. "Cela peut sembler être une tâche impossible, mais nous pensons que cela présente des avantages à long terme."
Le plus important est de savoir à quel point le moteur sera compétitif, mais c'est une question à laquelle personne ne peut répondre, ni à Milton Keynes, ni chez aucun autre constructeur.
"Nous atteignons actuellement tous nos propres objectifs et échéances, mais nous n'avons aucune idée de la position de l'opposition", déclare Mark Rushbrook. "Notre devise devrait être : moins de promesses et plus de résultats."
Rejoignez la communauté Motorsport
Commentez cet articlePartager ou sauvegarder cet article
Meilleurs commentaires
Abonnez-vous pour accéder aux articles de Motorsport.com avec votre bloqueur de publicité.
De la Formule 1 au MotoGP, nous couvrons les plus grands championnats depuis les circuits parce que nous aimons notre sport, tout comme vous. Afin de continuer à vous faire vivre les sports mécaniques de l'intérieur avec des experts du milieu, notre site Internet affiche de la publicité. Nous souhaitons néanmoins vous donner la possibilité de profiter du site sans publicité et sans tracking, avec votre logiciel adblocker.