Interview

Coulthard : Schumacher était plus athlétique que Häkkinen et Räikkönen

David Coulthard estime que ses coéquipiers chez McLaren n'accordaient pas suffisamment d'attention à leur préparation physique, en dépit d'un talent supérieur au sien.

Podium : Mika Hakkinen , Jean Todt, Michael Schumacher, Ferrari F1 2000 et David Coulthard

Photo de: Sutton Motorsport Images

Dès son arrivée chez Williams en tant que pilote essayeur en 1993, et en l'espace de trois ans, David Coulthard a côtoyé nombre de légendes de la Formule 1 : Alain Prost, Ayrton Senna, Damon Hill, Nigel Mansell et, à son arrivée chez McLaren, Mika Häkkinen. Plus tard, il allait être associé à la graine de star qu'était Kimi Räikkönen.

Jamais couronné mais toujours présent aux avant-postes, Coulthard a signé 12 pole positions et 13 victoires pour un total de 62 podiums, et a pu observer de près ces grands pilotes pendant plus d'une décennie, son partenariat avec Häkkinen notamment ayant été l'un des deux plus longs de tous les temps : six saisons ensemble.

Désormais consultant F1 pour Channel 4 et cofondateur de l'initiative More Than Equal en faveur des femmes pilotes, Coulthard garde un regard avisé sur le monde du sport automobile contemporain tout comme celui d'antan. Il s'est confié avec franchise à GP Racing.

David Coulthard

David Coulthard

Votre carrière en F1 a duré 15 saisons, pour 62 podiums dont 13 victoires. Vous avez toutefois la réputation de minimiser ce que vous avez accompli. Pourquoi donc ?

Quand j'étais en karting, je tenais un cahier. Je me donnais une note sur 10, et je ne me suis jamais donné 10/10, même quand j'ai remporté une manche du championnat britannique. J'ai remporté les trois courses, y compris celle où il faut partir du fond de grille, et la finale. J'étais en très grande forme à l'époque, mais même là, je ne me suis pas donné 10 sur 10, car il y avait quelque chose que je pensais pouvoir mieux faire. Nous avons simplement été élevés ainsi.

Vous étiez donc assez sévère avec vous-même ?

Non, cela signifie juste que l'on peut toujours progresser. Je ne m'imaginerais jamais penser que je suis le meilleur, car même si l'on a été Champion du monde à plusieurs reprises et que l'on a indiqué la bonne direction à emprunter pour la voiture, on ne peut pas le faire sans des ingénieurs et des mécaniciens de haut niveau. Parmi ce qui est super dans ce sport, il y a le fait que quand un pilote remercie l'équipe, c'est authentique et sincère. Le pilote est la cerise sur le gâteau. Mais la cerise que j'étais n'avait pas cette rapidité ultime.

Vous avez passé neuf saisons chez McLaren, alors il doit y avoir quelque chose que vous faisiez bien…

Si je suis resté pendant tant de temps, ce n'est pas parce que j'étais le meilleur pilote mais parce que je faisais de mon mieux. Je répondais toujours présent. Ron Dennis, l'une des personnes les plus difficiles à satisfaire, ne m'a pas conservé et payé des millions par charité. Il l'a fait parce que j'étais un pilier auquel ils pouvaient ajouter de la vitesse – on pouvait ajouter un Mika [Häkkinen], on pouvait ajouter un Kimi [Räikkönen], ils ont tenté avec [Juan Pablo] Montoya mais ça n'a pas fonctionné.

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Vous nous avez dit auparavant que pour vous mesurer à Mika, vous vous assuriez d'être en meilleure condition physique et de travailler plus volontiers avec les sponsors de l'écurie. Comment cette stratégie a-t-elle émergé ?

C'est un peu comme être étudiant, quel que soit le domaine que l'on étudie. Il faut connaître l'environnement que l'on veut maîtriser. Il faut savoir comment dominer cet espace. C'est comme n'importe quel business, n'est-ce pas ? Si l'on se précipite sans savoir ce que l'on fait, on a de bonnes chances de se brûler. Je crois que c'est pour ça que je me suis retrouvé à faire tant de choses qui tournent autour de moi, car je sais à qui j'ai affaire ! Je sais ce dont je suis capable et ce que je suis dévoué à faire.

Mika Hakkinen, McLaren, Ron Dennis, directeur de McLaren, et David Coulthard, McLaren

Mika Häkkinen et David Coulthard (entourant ici Ron Dennis) étaient complémentaires, selon le pilote écossais

Votre carrière en Formule 1 couvre plusieurs ères. Vous avez été l'équipier d'Alain Prost, d'Ayrton Senna et de Nigel Mansell chez Williams, que ce soit en tant qu'essayeur ou que titulaire. Quels souvenirs gardez-vous de cette époque et de ces talents ?

L'ère Mansell a clairement été une période transitoire pour la F1. Ces gars-là, c'était la crème de la crème à l'époque. Michael est probablement le pilote qui a fait la transition en poussant l'aspect physique plus loin. Il y a des images d'Ayrton qui s'entraîne, mais dans mon esprit, Michael a mené ça à un niveau supérieur. Si l'on regarde Mika ou Kimi, je ne crois pas qu'ils étaient des athlètes du niveau de Michael, et je suis bien placé pour en juger. Je suis convaincu que j'étais en meilleure condition physique, et plus dévoué à mon entraînement personnel.

Les Mansell, Prost et autres Senna étaient donc talentueux, mais ce n'était pas la même époque en matière de préparation physique. Quels autres domaines ont évolué ?

Incroyablement talentueux. Écoutez, ça ne sera jamais prouvé, mais si l'on prenait Fangio, Senna et Hamilton à leur apogée au même âge, en leur donnant le même entraînement, ils seraient aussi rapides les uns que les autres.

Si l'on prenait Fangio, Senna et Hamilton à leur apogée au même âge, en leur donnant le même entraînement, ils seraient aussi rapides les uns que les autres

David Coulthard

Je pense que l'ère moderne est pleine de pilotes talentueux, motivés, conscients de leur relation avec leur environnement, les médias, les fans et la société. Certains sont plus présents sur les réseaux sociaux, mais ce qui a tendance à se produire avec le temps, c'est qu'on voit beaucoup de jeunes pilotes arriver tout pimpants, puis certaines choses s'estompent car ils n'arrivent pas à tout gérer.

Ce phénomène pendant le confinement où l'on voyait beaucoup d'entre eux faire du gaming en ligne, publiquement – si cela devait se reproduire dans cinq ans, ce ne seraient pas les mêmes pilotes qui le font, car ils attacheront de l'importance à leur vie privée. Plus on devient célèbre, plus la vie privée devient importante dans la vie.

Dans le cadre de votre travail, vous interagissez avec les plus grands pilotes du moment. Max Verstappen, Charles Leclerc et Lewis Hamilton, pour ne citer qu'eux, sont des pilotes exceptionnels aux personnalités pourtant très différentes. Que pensez-vous d'eux ?

Je les vois non seulement sur les circuits mais aussi en dehors. La mère de Charles était ma coiffeuse à Monaco, et j'ai même passé une soirée avec elle et Arthur, le frère de Charles, à Montréal [en 2022]. Je passe moins de temps avec Lewis car il vit une vie très différente de la mienne, mais je le connais et je suivais déjà son aventure avant même la Formule 1. Max, je le vois à Monaco, avec son père Jos et son manager car ils ont à peu près le même âge que moi.

Le deuxième Lewis Hamilton, Mercedes AMG, le vainqueur Max Verstappen, Red Bull Racing, Helmut Marko, consultant pour Red Bull Racing, et le troisième Charles Leclerc, Ferrari, sur le podium

Lewis Hamilton, Max Verstappen, Charles Leclerc : les stars de la F1 d'aujourd'hui

Le fait que [ces trois pilotes] aient une nationalité et une personnalité différentes fait simplement partie du monde dans lequel j'évolue, et c'est parfaitement normal. J'apprécie toujours qu'ils m'accordent du temps, et pas qu'à moi ; je les observe accorder du temps d'une manière qui n'est pas distante, froide ou arrogante. J'admire vraiment les personnes qui arrivent à avoir du succès tout en gardant les pieds sur terre.

En ce qui concerne Lewis en particulier, comment ce septuple Champion du monde joue-t-il son rôle dans la transformation de la Formule 1, qui attire un nouveau public ?

Lewis a connu ses moments difficiles dans ce qui est un environnement très compliqué. Il a fait partie d'une transition : l'on se rend compte que ce sport n'est pas que pour les hommes blancs de vingt ou trente ans. Qu'il est ouvert à tous. Il a joué un rôle là-dedans, il a été observé de près et il a grandi en se découvrant lui-même, car le Lewis Hamilton Champion du monde est quelqu'un de différent du Lewis jeune champion de karting qui était enfant à Stevenage.

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Les gens disent que l'on ne change pas, mais j'ai connu ça : j'étais pilote d'essais et on me disait quoi faire, puis je suis arrivé à Barcelone en tant que pilote titulaire et les mêmes personnes me demandaient si ça ne me dérangerait pas de faire telle chose. Ce qui a changé, c'est leur perception de moi : je ne suis plus pilote d'essais, je suis pilote de Grand Prix. On se dit 'Wow, voilà le pilote' et moi, même aujourd'hui, je me dis 'Oh, voilà le pilote', car nous aimons avoir des icônes sportives, des stars du sport. Elles nous émeuvent, d'une certaine manière.

Alors il y a encore un degré d'excitation, si tel est le bon mot, quand vous rencontrez un autre pilote de F1 ?

Si je vois Charles ou Max, je ne vais pas les déranger s'ils passent à côté de moi dans le paddock, je ne vais pas leur sauter dessus. Mais si nos regards se croisent, je vais évidemment leur dire bonjour. Pourquoi ? Je respecte ce qu'ils font et je comprends à quel défi ils font face. Mais bien sûr, si un pilote entre dans une pièce, tout le monde s'enthousiasme et il y a aussi de cet enthousiasme en moi. Je pense que c'est simplement reconnaître que le week-end est construit autour des pilotes. Les stars, ce sont eux.

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