Le débat soulevé par l'incident Alonso/Räikkönen à Austin

L'incident entre Fernando Alonso et Kimi Räikkönen à Austin a relancé le débat sur les batailles roue contre roue et sur le Règlement Sportif de la Formule 1. Mais que peut faire la FIA pour résoudre ce problème ?

Fernando Alonso, Alpine A521, Kimi Raikkonen, Alfa Romeo Racing C41

Photo de: Andy Hone / Motorsport Images

Fernando Alonso est intéressant à observer cette année, non seulement pour ses prouesses en piste mais aussi pour la manière dont il explore et repousse les limites, exploite et met en évidence les incohérences du règlement de la Formule 1. Alonso n'est pas du genre à rester les bras croisés face à ce qu'il considère comme une injustice, et en coupant délibérément le virage 2 à Sotchi, il a prouvé à quel point il était prêt à faire campagne.

Après avoir mis en lumière le problème du gain possible en ne respectant pas les limites de la piste au premier virage, Alonso a connu un incident avec Kimi Räikkönen à Austin le week-end dernier, soulevant le débat sur ce qu'un pilote peut se permettre de faire ou non dans une bataille roue contre roue. Alonso était contrarié que Räikkönen l'ait doublé en lui faisant l'extérieur au premier virage et en utilisant les vibreurs en sortie. Pour l'Espagnol, que le Finlandais l'ait dépassé en dehors de la piste était une claire infraction aux règles imposées par la FIA ce week-end.

Les vibreurs en forme de saucisse situés à cet endroit ayant été enlevés juste avant la course, les notes révisées du directeur de course Michael Masi étaient explicites. Le virage 1 a été ajouté à la liste de ceux où "un pilote sera considéré comme ayant quitté la piste si aucune partie de la voiture ne reste en contact avec la piste". De plus : "Le pilote ne doit retourner en piste que quand il est possible de le faire en sécurité et sans en tirer un avantage durable".

Fernando Alonso, Alpine A521

Cependant, une clause supplémentaire s'est avérée cruciale : "Les exigences ci-dessus ne s'appliqueront pas automatiquement à un pilote considéré comme ayant été tassé hors de la piste, et chacun de ces cas sera jugé individuellement". C'est cet élément subjectif qui est entré en jeu à ce moment-là : les commissaires ont estimé que Räikkönen n'était sorti large que parce qu'il avait été tassé. D'après Masi, la décision s'est jouée à peu de choses, mais elle a quand même été favorable à un Räikkönen qui n'avait nulle part où aller. Comme l'a expliqué Masi par la suite : "Le scénario où l'on tasse hors de la piste et le scénario où l'on dépasse, nous en discuterons au prochain briefing des pilotes, car c'est loin d'être un scénario clair dans cette situation."

Alonso n'a évidemment pas adhéré à l'argument selon lequel il aurait tassé Räikkönen hors de la piste, soulignant promptement que la nature de la course signifie que la voiture à l'intérieur tasse toujours l'autre vers l'extérieur si cette dernière ne choisit pas de concéder la place : "D'une certaine manière, vous forcez toujours un gars à sortir de la piste lorsque vous freinez à l'intérieur et que vous vous engagez sur un dépassement. Et ils doivent décider s'ils doivent lâcher, ou garder les gaz à fond en dehors de la piste. C'est ce que Sainz a fait. Giovinazzi l'a fait, je l'ai fait. Et nous devons rendre la position à coup sûr parce que vous êtes à plein régime hors de la piste. Mais Kimi ne l'a pas fait. C'est pourquoi je pense que ce n'était pas cohérent."

Fernando Alonso, Alpine A521, Mick Schumacher, Haas VF-21, and Lance Stroll, Aston Martin AMR21

Le principal problème ici est que pour un championnat si méticuleux dans tous les domaines, aucun document strict n'existe pour établir quel pilote a le droit à telle portion de piste lors d'un incident. La seule véritable référence aux dépassements et à la défense dans la réglementation se trouve dans le Chapitre 4 de l'Annexe L du Code Sportif International, concernant le code de pilotage sur les circuits.

Ce chapitre indique : "Dépasser, selon les circonstances, peut être effectué soit par la droite, soit par la gauche. Un pilote ne peut pas quitter la piste sans raison justifiable. Il n'est pas autorisé de changer de trajectoire plus d'une fois pour défendre. Tout pilote revenant sur la trajectoire de course après avoir défendu en dehors doit laisser au moins la largeur d'une voiture entre la sienne et le bord de la piste à l'approche du virage. Cependant, les manœuvres susceptibles de gêner d'autres pilotes, comme tasser délibérément une voiture au-delà du bord de la piste ou tout autre changement de direction anormal, sont strictement interdites. Les commissaires seront informés de tout pilote apparaissant coupable de l'une des infractions ci-dessus."

C'est un début, mais c'est insuffisant pour gérer le type d'incident que nous avons vu à plusieurs reprises ces derniers temps : à qui appartient le virage ? On pourrait même affirmer que si la FIA a considéré que Räikkönen était dans son droit car il avait été tassé hors de la piste, alors Alonso était coupable d'avoir "tassé délibérément une voiture" ? Imaginez s'il avait été sanctionné pour ça...

Ce qui manque véritablement, c'est une définition parfaitement claire de la situation où un pilote qui dépasse un rival à l'entrée d'un virage a le droit qu'on lui laisse la largeur d'une voiture en sortie. Interrogé à ce sujet après la course d'Austin, Alonso a toutefois estimé que la réglementation était déjà suffisamment claire.

Fernando Alonso, Alpine and Kimi Raikkonen, Alfa Romeo Racing in the drivers press conference

"Je ne crois pas que nous ayons besoin de quoi que ce soit. La règle est très claire", a-t-il martelé. "Nous devons juste mettre en place les règles. Quand on joue au football et que l'on prend le ballon de la main dans la surface [de réparation], il y a penalty. Il n'y a donc pas besoin de clarification de la règle. Il faut juste prendre la décision et dire qu'il y a penalty. Sinon, tout le monde prendra le ballon de la main dans la surface. Nous n'avons besoin d'aucune modification. Il faut juste appliquer les règles quand ça [une infraction] arrive."

S'il n'a pas tort, la principale difficulté est que le fait que le pilote qui attaque soit prioritaire ou non dans le virage paraît quand même subjectif. Alonso a raison sur le fait qu'un pilote a l'extérieur a le choix entre continuer à accélérer et sortir de la piste pour se battre ou lever le pied et concéder la place. Mais il se bat pour cette place tout autant que le pilote à l'intérieur, et vient un moment où la voiture à l'intérieur perd forcément le droit de prendre toute la largeur de la piste et doit laisser de la place en sortie.

Le même problème s'est présenté à l'occasion de nombreux incidents entre Lewis Hamilton et Max Verstappen cette année, notamment leurs accrochages à Silverstone et à Monza. En Italie en particulier, le débat était de savoir qui avait la priorité sur quelle partie de la chicane, et Verstappen a été tenu coupable car il n'avait jamais été "plus en avant que juste derrière la roue avant de la voiture #44". Si la roue avant de Verstappen avait été complètement à côté de celle de Hamilton, cela aurait-il suffi à ce qu'il "gagne" le virage, ou aurait-il fallu qu'elle soit complètement devant ? Rien ne l'explique dans la réglementation.

Lewis Hamilton, Mercedes W12 and Max Verstappen, Red Bull Racing RB16B collide

Il serait certainement utile pour les pilotes et les fans d'avoir un document officiel expliquant à quel point un pilote doit être en avant par rapport à l'autre voiture lorsqu'il essaie de dépasser pour que son concurrent doive lui laisser de la place. Le document le plus proche que nous ayons eu est celui que Toto Wolff, directeur de Mercedes AMG F1, a envoyé à Michael Masi après l'accident de Silverstone. Il s'agissait de directives envoyées à Mercedes par le regretté directeur de course Charlie Whiting en 2015. Le document demandait au pilote à l'extérieur : "Suis-je complètement à côté ?". Si la réponse était oui, le document indiquait : "Vous avez votre place dans le virage, l'autre pilote doit vous laisser de la place".

Dans le cas de Räikkönen, les vidéos de l'incident montrent qu'il s'est largement hissé à l'extérieur d'Alonso, ses roues avant presque complètement à côté de celles de l'Alpine à un moment. Pour traiter cet incident, il faudrait donc décider ce que signifie précisément "complètement à côté". Les roues doivent-elles être complètement à côté au centimètre près ? Y échouer de peu suffit-il à ce que cela ne compte pas ? À quel point faut-il être à côté pour être "complètement à côté" ?

Antonio Giovinazzi, Alfa Romeo Racing C41, Fernando Alonso, Alpine A521, and Kimi Raikkonen, Alfa Romeo Racing C41

Raikkonen lui-même estimait qu'Alonso aurait dû lui laisser de la place : "J'ai freiné, nous nous sommes touchés et j'ai dû sortir. Si j'étais resté sur ma trajectoire, le contact aurait été bien plus fort et nous aurions eu un accident. Je suis sûr qu'il avait plein de place à l'intérieur. Peu importe ce que disent les commissaires."

Juste après la fin de la course, Alonso a déclaré à plusieurs médias que cette situation (et le manque de constance entre ce qui s'est passé avec Räikkönen et d'autres incidents lors de la même course) était mauvaise pour les fans : "Ils ont assisté à un spectacle qu'ils ne méritaient pas."

Que Masi prévoie d'évoquer l'incident Alonso/Räikkönen avec l'ensemble des pilotes au Mexique la semaine prochaine sera bienvenu pour apporter, espérons-le, de la clarté aux pilotes afin qu'ils comprennent mieux ce qui est autorisé ou non.

Cependant, dans un championnat qui jouit d'un tel accès aux caméras embarquées, au traçage GPS et aux caméras en bord de piste à tout moment, il serait sûrement positif pour tout le monde que des règles strictes soient établies. Pourquoi n'y a-t-il pas de règle qui définit à quel stade une voiture attaquant à l'intérieur ou à l'extérieur a gagné le droit qu'on lui laisse de la place ?

Une définition plus claire rendrait les décisions des commissaires plus faciles à comprendre et empêcherait les polémiques quand les pilotes se sentent lésés. Même Alonso pourrait approuver ça.

Antonio Giovinazzi, Alfa Romeo Racing C41, Fernando Alonso, Alpine A521, and Kimi Raikkonen, Alfa Romeo Racing C41

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