Le défi colossal d'une écurie qui "mérite mieux"

Qui mieux que le directeur technique d'Alfa Romeo pour décrire avec précision les enjeux majeurs auxquels est confrontée l'écurie pour préparer 2022 ? Motorsport.com s'est longuement entretenu avec Jan Monchaux.

Alfa Romeo C41 Italian GP livery

Alfa Romeo

Mattia Binotto a confirmé que l'unité de puissance Ferrari avait du retard par rapport à Mercedes et Honda. Quel est cet écart et à quel point affecte-t-il votre lutte avec Williams ?

Énormément. Sur les tracés de moteur encore plus. Sur des circuits comme Monza ou Spa, nous ressentons certainement beaucoup plus cet écart que sur d'autres pistes. Mais c'est comme ça, et même si sur certains circuits ils avaient un avantage avec l'unité de puissance, ça vient de nous. Nous pouvons le faire, nous l'avons montré, nous pouvons encore être devant eux en performance pure. J'espère juste que l'écart se réduira l'an prochain. Idéalement, il ne faudrait plus d'écart, ou dans l'autre sens.

Concernant 2022, beaucoup de directeurs techniques disent que la réglementation est très, très restrictive. Avez-vous trouvé un domaine où vous pouvez faire la différence ? Ou bien est-ce absolument impossible ?

C'est très restrictif, c'est vrai. Je ne m'attends pas à voir beaucoup de concepts différents l'année prochaine, car la réglementation ne donne pas assez de liberté. Néanmoins, l'enveloppe dans laquelle devra se trouver la voiture sera significativement différente d'aujourd'hui, et je pense que ceux qui seront devant auront fait un bien meilleur travail de développement aérodynamique, ce qui permet de récupérer beaucoup de performance perdue et aussi de la stabilité.

De ce que nous avons vu en soufflerie, avec certaines décisions qui ne seraient même pas visibles pour un néophyte de l'extérieur, on peut avoir une incidence assez forte sur la forme aéro de la voiture et donc sur sa manière de se comporter. Ce sera certainement un gros facteur de différence s'il y a des gros écarts l'an prochain. Certaines équipes pourraient avoir pris la mauvaise direction et devront faire marche arrière, mais je ne suis pas sûr que ça se verra vraiment physiquement sur la voiture. Je serais assez surpris, mais le temps nous le dira.

Combien d'heures ont passé les membres d'Alfa Romeo à lire la nouvelle réglementation ?

Plus que je ne vous le dirais, j'espère. Ils doivent le faire car c'est absolument essentiel. C'est comme être avocat. On ne peut pas aller au tribunal si on ne connaît pas la loi. Il est donc essentiel que ceux qui développent la voiture connaissent la réglementation, car plus on passe de temps à la lire, plus il est probable de trouver des ponts et des liens qui permettront de justifier un concept et mieux gérer le flux. Principalement en aérodynamique, j'espère qu'ils passent quelques heures chaque semaine pour revoir et vérifier si c'est vraiment comme je l'ai compris.

Nous devons constamment remettre en question les formulations. Il faut comprendre que la plupart du temps, c'est une question de supposition : "OK, ce petit paragraphe me dit ceci et cela, est-ce que je peux faire ça ou est-ce que je ne peux pas faire ceci ? Mais j'aimerais avoir cette géométrie, et un autre paragraphe me dit quelque chose de légèrement différent. Comment puis-je relier les deux ?". Et ensuite, il faut atteindre la forme que l'on veut en restant dans le cadre réglementaire. Ça ne fonctionne que si les gens lisent la réglementation jour et nuit et la connaissent vraiment par cœur. C'est là que tout le monde fait énormément d'efforts, et c'est incroyable. Je crois qu'en nombre de mots, ça a été multiplié par deux ou trois, donc la réglementation est devenue extrêmement complexe, et c'est donc vraiment essentiel de la connaître. Un bon avocat évitera la prison à un coupable car il connaît la loi.

Concernant le nouveau moteur Ferrari l'an prochain, sa tête devrait être un peu plus basse. Est-ce un avantage aérodynamique ?

Je ne sais pas, je ne sais pas. Je ne confirmerai ou n'infirmerai pas ce que vous avez entendu au sujet du moteur 2022, mais en lui-même, il est derrière le châssis. Donc pour nous, c'est une constante qui ne change pas vraiment. Ce qui sera intéressant, c'est ce qui se fera avec le haut du capot moteur et les pontons, ce sera certainement une zone où nous aurons différents concepts. J'imagine que ces concepts qui seront trouvés en soufflerie auront une incidence sur le moteur, car la priorité est assez souvent donnée à l'aéro. Donc s'il faut peut-être changer une partie de l'architecture moteur pour faciliter l'aéro, ça aura certainement une incidence. Je ne connais pas le concept de notre fournisseur pour l'an prochain. Je ne suis pas supposé le connaître, je n'y suis pas autorisé, ils ne partagent pas ça.

Le partenariat avec Ferrari fonctionnera-t-il comme par le passé ? La coopération sera-t-elle la même qu'actuellement ?

C'est très similaire. C'est un bon partenariat, je dois dire. C'est comme une relation, on apprend à mieux se connaître avec le temps. C'est donc un partenariat plutôt constructif, même si la réglementation est très restrictive. Pour les choses que nous partageons, que nous sommes autorisés à partager, c'est un bon partenariat et j'en suis plutôt satisfait.

Vous avez perdu Luca Furbatto (recruté par Aston Martin) cet été. Quelle est l'incidence pour 2022 ?

Il a été impliqué dans les premières étapes, les premiers mois, et évidemment, quand il a annoncé son départ, nous l'avons mis de côté. La voiture a plutôt changé depuis qu'il est parti, mais il sait… il faisait partie du processus de décision pour certains aspects de la voiture.

Conformément à la réglementation de l'an prochain, vous disposerez de plus d'heures en soufflerie que d'autres équipes. À quel point est-ce un avantage ?

Cette règle a été lancée cette année. Pour 2021, si nous comparons avec ceux qui sont premier, deuxième ou troisième, ce n'est pas négligeable ; la différence avec le neuvième, le huitième et le septième n'est pas énorme. Il sera intéressant de voir à quel point nous pouvons réduire l'écart avec les équipes de pointe l'an prochain. Actuellement, les équipes qui étaient entre la cinquième et la dixième place l'an dernier bénéficient légèrement de cette règle, plus que celles qui sont au sommet. Elles ont de meilleures méthodologies, ce sont de très grosses équipes. Donc elles auront probablement toujours un léger avantage. Mais ça nous aide à réduire l'écart.

Je pense que ce genre de concept commencera à payer dans les années à venir, quand il y aura de la stabilité, car ça permettra à des équipes qui sont peut-être huitième, neuvième ou sixième de dépenser un peu d'argent. Ce n'est pas une BoP, il faut dépenser plus d'argent pour avoir la possibilité de réduire l'écart, sinon c'est presque impossible. C'est un système de méritocratie inversée qui sera vraiment intéressant en 2023 ou 2024 pour essayer de resserrer le plateau. Je ne pense pas que ça aura un énorme effet pour 2022.

D'un point de vue technique, à quel point est-ce important d'avoir un pilote comme Valtteri Bottas, qui arrivera en provenance de Mercedes ?

Il nous aidera certainement beaucoup. À commencer par la préparation d'un week-end et sa dynamique, car c'est toujours intéressant de savoir ce que fait l'écurie référence. Nous avons nos processus, nous savons comment résoudre nos problèmes, mais il est évident que ces gens-là sont certainement plus avancés sur certains aspects. Ce sera intéressant d'avoir son avis et ses propositions pour améliorer notre week-end, améliorer la manière dont nous préparons une séance de qualifications, améliorer la façon dont nous préparons la course. C'est certainement un aspect dont nous espérons bénéficier.

Du sang neuf, c'est toujours bien dans cet environnement très compétitif. Je préfère quelqu'un qui arrive de ce côté de la pitlane. Et puis il nous aidera probablement beaucoup aussi pour la dernière étape avec notre simulateur, lorsque nous pourrons l'utiliser de manière plus naturelle qu'actuellement afin de préparer le week-end mais aussi pour analyser certaines caractéristiques pour l'avenir. Ce sera certainement une excellente recrue pour nous, nous sommes très heureux.

À quel point est-ce difficile de préparer cette nouvelle voiture, c'est du jamais vu ?

Pour moi, une telle refonte côté châssis remonte probablement à 2009, car pour ce qui est de l'unité de puissance c'est un autre monde. Mais je ne vais pas me plaindre, c'est ce que nous aimons, sinon on s'ennuie. Là, nous avons énormément à faire. Mais nous savons tous aussi chez Sauber que c'est une formidable opportunité de rétablir les choses. L'équipe est meilleure et mérite mieux que la huitième ou la neuvième place. Avec tout le monde qui part depuis la même ligne de départ, nous espérons pouvoir nous installer assez haut. Où ? Nous verrons bien. C'est un boost aussi. Nous sommes stressés, nous travaillons beaucoup. Mais ce n'est pas douloureux car nous aimons ça. Et nous savons que si nous faisons ce que nous avons à faire, que nous passons par cette souffrance, nous aurons probablement un autre climat et une motivation naturelle la saison prochaine.

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