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Dossier : Les détails de l'affaire Renault

Depuis le 30 août dernier et les révélations faites par la télévision brésilienne, le monde de la Formule 1 est une nouvelle fois ébranlé par un autre scandale

Depuis le 30 août dernier et les révélations faites par la télévision brésilienne, le monde de la Formule 1 est une nouvelle fois ébranlé par un autre scandale. Après le Stepneygate et le dossier Mosley, c'est au tour de l'écurie Renault de se retrouver au centre de toutes les attentions.

En effet, l'écurie française est soupçonnée d'avoir délibérément provoqué un accident lors du Grand Prix de Singapour 2008 afin d'en tirer profit et de faire progresser Fernando Alonso dans la hiérarchie. A l'issue de la course, le pilote espagnol avait justement offert à Renault son premier succès de la saison.

A moins d'une semaine de la réunion du Conseil Mondial du Sport Automobile, ToileF1 revient sur les faits marquants de ce dossier en reprenant chronologiquement les étapes de ce qui pourrait être un nouveau scandale. Entre les dénonciations, les enquêtes et les sanctions envisageables, voici ce qu'il faut savoir de l'affaire Renault.

28 septembre 2008 : Grand Prix de Singapour


Après plus de 1h57min de course, la première de l'histoire disputée en nocturne, Fernando Alonso franchit le drapeau à damier en vainqueur et offre à Renault une victoire inespérée. Seulement quinzième sur la grille de départ, le natif d'Oviedo a bénéficié d'un incident de course qui l'a propulsé aux avant-postes.

Au quatorzième tour, Nelson Piquet Jr a perdu le contrôle de sa monoplace et a pulvérisé sa Renault contre un mur. Cet accident a nécessité le déploiement de la voiture de sécurité, ce qui a permis à Alonso, qui avait déjà ravitaillé, de se retrouver en position idéale pour la suite de la course, avant de remporter le Grand Prix.

26 juillet 2009 : Piquet Sr contacte la FIA


Le 26 juillet, Nelson Piquet Sr entre en contact avec les membres de la fédération internationale pour les informer que son fils, qui risque de perdre prochainement son baquet chez Renault, a des révélations à faire concernant le déroulement du Grand Prix de Singapour 2008.

Cinq jours avant l'annonce officielle de son licenciement (qu'il révèle le 3 août), Nelson Piquet Jr transmet une déclaration signée à la FIA dans laquelle il prétend :
- avoir reçu l'ordre de Flavio Briatore et de Pat Symonds d'accidenter délibérément sa monoplace à Singapour afin de favoriser Fernando Alonso,
- que Symonds lui aurait demandé de sacrifier sa course pour l'équipe, en provoquant le déploiement de la voiture de sécurité,
- avoir accepté la proposition, et que l'accident devait intervenir dans le 13e ou 14e tour de course,
- que Symonds lui aurait indiqué qu'Alonso partirait avec très peu d'essence et qu'il ravitaillerait quelques tours avant l'accident,
- qu'après la réunion avec Briatore et Symonds, ce dernier "m'a pris à part dans un coin calme et, à l'aide d'une carte du circuit, m'a pointé le virage exact où je devais me crasher". Le directeur technique de Renault aurait choisi le virage 17 car il n'y avait aucune zone de dégagement autour et aucun moyen d'évacuer rapidement la monoplace accidentée, ce qui garantissait le déploiement de la voiture de sécurité,
- avoir accepté d'agir ainsi, pensant que cela lui permettrait de conserver son baquet de titulaire chez Renault,
- avoir demandé avec insistance à son équipe, pendant la course, dans quel tour il se trouvait, ce qu'il affirme ne pas avoir l'habitude de faire.

17 août 2009 : Nouvelle déclaration du Brésilien


Après avoir transmis une première lettre à la fédération, Piquet Jr fournit des informations complémentaires à la FIA. En échange de ses déclarations, le pilote brésilien bénéficiera de l'immunité (à condition que ses propos s'avèrent exacts), comme ce fut le cas pour Alonso lorsqu'il avait témoigné dans l'affaire d'espionnage qui opposait Ferrari à McLaren.

A l'occasion de cette rencontre avec les représentants de la FIA, Nelson Piquet Jr explique comment s'est déroulé l'accident et appuie ses propos sur les données télémétriques transmises par l'écurie Renault au département technique de la fédération.

"Après m'être assuré que j'étais dans le tour de course désigné, j'ai délibérément perdu le contrôle de ma voiture. Je l'ai fait en appuyant fort et tôt sur l'accélérateur. Comme j'ai senti l'arrière de la voiture glisser, j'ai continué d'appuyer fort sur l'accélérateur, en sachant que cela conduirait ma voiture à percuter lourdement le mur," relate l'ancien pilote Renault.

A l'aide de la télémétrie, Piquet démontre que cette manœuvre était volontaire et qu'il n'a rien fait pour empêcher l'impact d'avoir lieu : "J'ai appuyé très fort et plus tôt sur l'accélérateur à la sortie du virage 17 du tour en question que je ne le faisais dans les tours précédents. Une fois que l'arrière de la voiture a commencé à glisser, le seul moyen de reprendre le contrôle de la voiture et d'éviter le contact aurait été de relâcher l'accélérateur. Toutefois, je n'ai pas soulagé l'accélérateur. Au contraire, j'ai appuyé fort sur l'accélérateur."

27 et 28 août 2009 : La FIA interroge les protagonistes


Après avoir examiné les déclarations de Piquet Jr, la fédération internationale a jugé utile de diligenter une enquête afin d'éclaircir ces événements. Le 27 août, en marge du Grand Prix de Belgique, la FIA s'est vu remettre par Renault un disque dur contenant toutes les données de l'équipe liées au Grand Prix de Singapour. Pour sa part, Flavio Briatore a fourni quelques documents supplémentaires.

Ensuite, en attendant de recevoir les transcriptions radio, les responsables de la fédération ont interrogé Pat Symonds à propos de cette histoire. Si l'on se base sur les rapports établis, l'ingénieur anglais ne s'est pas montré très loquace, affirmant qu'il réservait sa position.

L'avocat de la FIA : Avec vos mots, M. Symonds, que vous souvenez-vous avoir dit à Nelson Piquet Jr lors de cette réunion (celle d'avant course où étaient réunis Briatore, Symonds et Piquet) ? C'était peu avant la course.


Pat Symonds : Je ne m'en souviens pas vraiment.


L'avocat : Vous ne vous en souvenez pas ?


Symonds : Non.


L'avocat : Nelson Piquet Jr prétend que vous lui avez demandé de provoquer délibérément un accident. Est-ce vrai ?


Symonds : Nelson m'a parlé la veille et il a suggéré cela. C'est tout ce que je dirai.


L'avocat : M. Symonds, aviez-vous conscience qu'il y aurait un accident dans le 14e tour ?


Symonds : Je ne souhaite pas répondre à cette question.


[...]


L'avocat : Il y a juste une chose que je dois vous demander. M. Piquet Jr dit qu'après la réunion initiale avec vous et Flavio Briatore, vous êtes allé le voir seul avec un plan du circuit. Vous souvenez-vous de cela ?


Symonds : Je ne répondrai pas. Plutôt, je ne répondrai pas à cela. Je ne m'en souviens pas, mais il semble que Nelson ait beaucoup parlé de ça.


L'avocat : M. Piquet Jr affirme aussi que lors de cette réunion, vous avez indiqué un endroit spécifique du circuit où il devait avoir l'accident en expliquant que c'était une zone loin de tout dégagement et des appareils de sécurité, et que cela offrait plus de chance que la voiture de sécurité soit déployée.


Symonds : Je ne... Je ne veux pas répondre à cette question.


[...]


L'avocat : Parce que pour être parfaitement clair, ce que Nelson Piquet Jr a dit est que durant cette réunion, c'est vous qui lui avez demandé d'avoir délibérément un accident.


Symonds : Je ne peux pas vous répondre.

Dans la suite de l'entretien, Symonds précisera à l'avocat (qui lui rappelle qu'il a tout intérêt à dire la vérité) : "Je n'ai pas l'intention de vous mentir. Je ne vous ai pas menti, mais j'ai un peu réservé ma position."

Retour sur le Grand Prix de Singapour avec les échanges radio


Après avoir interrogé les responsables de l'ING Renault F1 Team, la FIA s'est concentré sur les transcriptions des échanges radio qui avaient eu lieu entre les pilotes, les ingénieurs, Pat Symonds et Flavio Briatore.

Ces communications semblent mettre en exergue que les ingénieurs n'étaient pas au courant de ce qui était prévu. Les hommes présents sur le muret des stands pensent notamment que Fernando Alonso est sur une stratégie à trois arrêts, jusqu'à ce que Symonds leur annonce le contraire aux alentours du cinquième tour : "Je peux vous dire maintenant que nous se sommes pas partis pour trois arrêts."

Pour que la stratégie de Renault fonctionne, il était impératif que Fernando Alonso prenne un bon envol et gagne de nombreuses places au départ. Mais le pilote espagnol se retrouve très rapidement bloqué derrière Kazuki Nakajima, ce qui oblige les stratèges à revoir leurs calculs. Un ingénieur indique alors qu'en tenant compte de la consommation d'essence, Alonso pourrait retarder son ravitaillement jusqu'au 15e ou 16e tour, ce à quoi Symonds rétorque : "Ne vous inquiétez pas pour l'essence, car je vais le sortir de ce trafic plus tôt que ça."

Dans la foulée, au huitième tour, Nelson Piquet interroge son stand : "Dans quel tour sommes-nous ?" Précisant ensuite : "C'est mieux de compter les tours car je ne vois pas le panneau des stands."

Pendant ce temps, Pat Symonds cherche à mettre au point une stratégie qui permettra à Alonso de se débarrasser de Nakajima. Il décide alors de le faire rentrer prématurément, au grand dam des ingénieurs de Renault. Voici un extrait de la conversation qui s'est tenue sur le muret des stands :

Symonds : Ok, je pense que je vais l'arrêter à la fin du 12e tour, il semble que ça fonctionnera.


Alonso : Peut-être du survirage.


Ingénieur : Je suis assez agressif sur les pressions à l'arrière Pat, donc...


Ingénieur : Ok, ne fais rien, ce sera une histoire différente avec les autres pneumatiques j'imagine.


Symonds : Oui, exactement.


Symonds : Bon, nous allons nous arrêter à la fin du 12e tour les gars, nous allons jusqu'au 40e tour.


Ingénieur : 63 kilos pour Fernando. 6-3, ok ?


Ingénieur : Ok pour 63.


[...]


Symonds : Oui, avec un bon tour nous serons à moins d'une seconde et demie de lui [Nakajima], ce qui sera bon.


Ingénieur : Pat, ne penses-tu pas que c'est un peu tôt ? Nous n'avons repris que six dixièmes sur ce tour.


Symonds : Non, non, ce sera bon.


A ce moment là, Briatore dit : "De toute façon nous n'avons rien à perdre."

Après le ravitaillement, Fernando Alonso repart en dernière position. Symonds décide alors de se concentrer sur Piquet Jr : "Juste une minute, s'il vous plait. Je veux juste voir où il est."

Piquet Jr étant plus rapide que Rubens Barrichello, le stratège de Renault conseille à son ingénieur de course de lui dire d'attaquer : "Tu dois le pousser super fort maintenant. S'il ne dépasse pas Barrichello, il est... Il n’ira nulle part. Il doit passer Barrichello dans ce tour."
Derrière, Briatore insiste : "Dites lui de pousser."

Quelques instants après, le pilote brésilien part à la faute et encastre sa monoplace contre le mur en béton. Du côté des stands, les premières réactions fusent. Un ingénieur dit "Bon sang, c'était un sacré choc." Tandis que Briatore se contente d'un : "Bordel... Ce n'est pas un pilote."

13 septembre 2009 : Réaction de Renault et de Briatore


Alors que Renault n'avait pas souhaité s'exprimer sur cette affaire, les choses ont bougé à l'occasion du Grand Prix d'Italie. Après avoir ouvertement critiqué la famille Piquet, Flavio Briatore a annoncé que Renault avait porté plainte pour chantage aggravé contre Nelson Piquet Jr et son père. Le patron de l'écurie Renault a évoqué des dénonciations calomnieuses et des tentatives de chantage pour que le plus jeune des Piquet conserve son baquet jusqu'à la fin du championnat.

21 septembre 2009 : Conseil mondial du sport automobile


Le lundi 21 septembre, l'écurie Renault et Nelson Piquet Jr devront se présenter devant le Conseil mondial de la FIA. Les éléments apportés seront examinés par les juges du conseil.

Si la tricherie est avérée, Renault risque de lourdes sanctions, mais la fédération prendra-t-elle le risque de voir partir un autre grand constructeur ? A place, les sanctions pourraient provoquer le départ de Flavio Briatore ou de Pat Symonds.

En revanche, si la FIA considère que Nelson Piquet Jr est l'auteur de dénonciations calomnieuses et d'accusations infondées, le Brésilien se verrait fermement réprimandé.

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