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Édito - Vous avez dit trop facile ?

À en croire Fernando Alonso, le quatrième titre mondial décroché par Lewis Hamilton a été "trop facile". De quoi provoquer une part de sidération, tout en ayant à l'esprit l'art de la communication avec lequel le pilote espagnol ne cesse de jouer.

Le Champion du monde 2017 Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1

Photo de: Sutton Motorsport Images

À 32 ans, Lewis Hamilton a décroché dimanche dernier son quatrième titre mondial en Formule 1. Suffisant pour faire entrer un peu plus dans la légende de la discipline celui qui y figurait déjà à travers de nombreux chiffres, officiellement devenu l'égal d'Alain Prost et de Sebastian Vettel. Dans la foulée du sacre du Britannique, les félicitations ont été nombreuses parmi ses pairs et dans le paddock. Fernando Alonso n'a pas dérogé à ce bon sens, mais l'Espagnol a tout de même attiré l'attention en affirmant que ce championnat avait été "très facile cette année" pour Hamilton, qui n'avait selon lui "pas de rivaux".

Il est certes tout aussi facile de se focaliser sur cette déclaration du pilote McLaren. En même temps, lorsque l'on s'appelle Fernando Alonso, tout propos revêt une importance différente dans le monde de la F1. Sans doute a-t-il réussi son coup pour que l'on en parle encore aujourd'hui ! Le sacre 2017 me paraissait suffisamment incontestable pour laisser l'Histoire s'écrire elle-même, et cet édito aurait dû se pencher sur la lutte féroce faisant rage en milieu de grille au championnat constructeurs. Mais avec son commentaire, le double Champion du monde m'a poussé à jeter mon brouillon à la poubelle, pour rappeler quelques fondamentaux…

Respecter l'accomplissement

On pourra m'accuser d'enfoncer quelques portes ouvertes, tant pis ! Derrière la facilité à laquelle Fernando Alonso fait allusion, il serait idiot d'oublier quels sont tous les ingrédients nécessaires pour aller conquérir une couronne mondiale. Et si la machine compte pour beaucoup – c'est l'essence même de la F1, d'ailleurs –, elle ne peut rien garantir à elle seule. Aussi Lewis Hamilton, en grand champion qu'il est, a dû s'employer pour aller chercher cette quatrième étoile. Là non plus, le talent ne suffit pas. Et si le natif de Stevenage a, il est vrai, survolé la deuxième partie de saison, ce n'est certainement pas avec un simple coup de baguette magique.

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1, Fernando Alonso, McLaren

Il y a quelques mois, un édito évoquait ici même le plaisir réel d'assister cette saison à un duel au sommet entre deux monstres de la catégorie reine, mettant aux prises deux équipes différentes. Ne le cachons pas, la cauchemardesque tournée asiatique de Ferrari a coupé court aux espoirs de voir la lutte durer jusqu'au dernier tour à Abu Dhabi. Est-ce pour autant ce qui rend un titre mondial facile ? Être présent à chaque tour, être au meilleur de sa forme lors de chaque séance, s'assurer le soutien inconditionnel d'une équipe, tirer le meilleur d'une W08 parfois capricieuse – parlez-en à Valtteri Bottas ! –, ne jamais laisser paraître une faiblesse, ne pas connaître de jours sans… La liste pourrait s'allonger pour énumérer tout ce qu'il a fallu à Lewis Hamilton pour s'imposer.

Cette liste, chaque Champion du monde la connaît, et c'est elle qui apporte une valeur incontestable à tout titre mondial. Car on parle bien d'accomplissement et de quête personnelle, d'investissement de tous les instants et de mise entre parenthèses de tout le reste, ou presque. Tous ces ingrédients, d'une manière ou d'une autre et dans des proportions variées, tout Champion du monde en a eu besoin. C'est ce qui rend ce statut à part, que l'on s'appelle Nigel Mansell ou Ayrton Senna, Damon Hill ou Mika Häkkinen, Jacques Villeneuve ou Michael Schumacher, Jenson Button ou Sebastian Vettel… Charge aux chiffres et aux records de les départager ensuite.

Tout sacre couronne le travail acharné et le talent, quelle que soit la part de l'un et de l'autre. Fernando Alonso le sait. Si ses deux titres conquis avec Renault ont aujourd'hui plus de dix ans, il est certainement impossible qu'il l'ait oublié. En estimant que Lewis Hamilton a eu la partie facile, le "taureau des Asturies" ne fait pas honneur à son propre palmarès. Un sacré paradoxe, quand on sait que ce même Alonso martelait il y a quelques jours encore que voir Hamilton compter autant de titres mondiaux que Vettel serait une anomalie corrigée de l'Histoire.

Alonso, l'homme politique

Le problème, c'est que Fernando Alonso fait de la communication. Plongé dans le marasme de trois années perdues en traînant le boulet Honda chez McLaren, il travaille son image pour continuer à exister et à appartenir au gotha de la discipline. On ne peut lui en vouloir, d'autant plus que la recette est efficace. Néanmoins, elle a ce défaut terrible de semer de plus en plus le trouble… Quand Alonso s'exprime, pense-t-il vraiment ce qu'il dit ? Que cherche-t-il ? Celui qui est à coup sûr le pilote le plus "politique" du plateau mesure parfaitement la portée de ses déclarations.

Fernando Alonso, McLaren MCL32

Communication et auto-promo, c'est devenu le lot d'un Champion au talent incontestable mais qui nous assure chaque week-end avoir réalisé la course de sa vie au volant d'une monoplace aux performances en berne. Qui suis-je pour imaginer que ce n'est pas vrai ? Peu de chose, c'est vrai, alors laissons-lui le bénéfice du doute. Il nous tarde toutefois de voir le flamboyant Alonso retrouver une monoplace de haut de grille : ce serait là l'unique moyen de vérifier ses dires, et de constater s'il est en capacité de mettre sous l'éteignoir les Hamilton, Vettel, Verstappen et autre Ricciardo.

Vous l'aurez compris, en se laissant aller à un énième coup de communication, Fernando Alonso m'a déçu. Et c'est bien dommage, car sur d'autres plans, la superstar de la F1 qu'il est a les ressources pour susciter l'admiration de plus d'un observateur. Le défi qu'il s'est lancé à Indianapolis en mai dernier en est un exemple parfait. Et sa volonté de toucher à tout et de préparer aussi un avenir passant par l'Endurance y contribue également.

Le Fernando Alonso qui annonce sa participation aux 24 Heures de Daytona, au volant d'une LMP2, avec une humilité certaine et un désir d'apprentissage revendiqué, est sans aucun doute celui que je me plais à voir. Sans aucun doute, il y a là aussi un argument de communication très maîtrisé, mais le verdict de la piste a le dernier mot dans pareil cas. 

 

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