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Édito - Comme un (agréable) air de déjà-vu

Rétromobile, le salon de l'automobile ancienne parisien, fait la part belle aux autos anciennes, et notamment celles de course. Admirer ces gloires d'antan ravive une flamme : l'impatience de la saison qui débute.

Tyrrell P34

Photo de: Guillaume Nédélec

Circuler dans les allées de Rétromobile offre un doux parfum de nostalgie. Celui d'époques révolues et d'autres façons de faire la course, de la suivre. Chez les sportifs, l'automobile ancienne passionne, déchaîne parfois même. En témoignent ces embouteillages, sur la passerelle de la Porte de Versailles, reliant le hall principal à ses satellites. Chacun se presse, se bouscule, comme à une présentation de F1. L'objectif est commun. On veut les voir ces voitures.

Quoi donc ? Une dizaine de voitures d'une époque si lointaine et à la fois si proche : le Groupe B. On les connaît pourtant, ces autos. La vérité, c'est qu'on les redécouvre à chaque fois. De la Lancia 037 et son moteur central, à l'imbattable 205 T16, en passant par les ultimes Ford RS200, Audi Quattro S1 et même la triste Citroën BX 4 TC, toute l'histoire de la catégorie est réunie en quelques mètres carrés. Puissance démentielle et bricolages aérodynamiques à l'appui. Ne manquaient que les autos fantômes : ces Ferrari 288 GTO, Audi Sport Quattro ou Porsche 959, arrivées trop tard.

Citroën BX 4 TC
La Citroën BX 4 TC de 1986.

Ces monstres étaient à l'arrêt, certes, mais à s'y retrouver à proximité, l'adrénaline monte. On s'y croirait presque, imaginant, comme à l'époque, les Vatanen, Kankkunen au volant des 205, Andruet galérant sur sa BX ou Chatriot et Ragnotti, comme des équilibristes sur la R5 Maxi Turbo.

Ce rallye à l'ancienne attire plus que jamais. Le succès grandissant des Legends Boucles de Bastogne, qui se dérouleront ce week-end, en est un exemple. Il est vrai que, plus jamais on ne pourra engager certaines Groupe B en compétition. Pourtant, on les voit désormais ouvrir les courses, ou faire de la démonstration, comme à l'Eifel Rallye par exemple, ou comme Sébastien Loeb, l'été dernier, au Rallye Vosges Festival. Toutefois, les choses sont claires : les 205 T16, Lancia Delta S4 et Audi S1 sont devenues bien trop dangereuses. L'accident de Toivonen, au Tour de Corse 1986, les a condamnées.

Sébastien Loeb au volant de la Peugeot 205 Turbo 16
Sébastien Loeb au volant de la Peugeot 205 Turbo 16.

La saison WRC a repris, les Groupe B ont trente ans, mais force est de constater que le frisson est encore là, au passage des autos 2017. De cette période folle où les structures presque frêles de ces autos, dangereuses à conduire, dans des spéciales parfois redessinées par un public aussi monstrueux que ces bolides, on se tenterait à faire le lien avec les WRC d'aujourd'hui.

Plus bestiales, plus puissantes, plus rapides, mais aussi plus sûres. L'Histoire est faite de cycles, peut-être le rallye en entame-t-il un nouveau ? Ne l'oublions pas : les actuelles WRC sont les descendantes des Groupe A, elles-mêmes voulues par la FIA pour remplacer les Groupe B. En Histoire, tout est lié, d'autant plus en sport automobile.

L'histoire d'un progrès

Cette mise en bouche est terrible. On se prend à chercher la moindre auto de course. En se baladant toujours dans ces allées, sorte de voyage dans le temps en direct, Rétromobile offre quelques petits trésors. La Delage Grand Prix de 1927 vient rappeler le savoir-faire novateur des constructeurs d'autos sportives françaises d'avant-guerre. Une hargne bleue qui se retrouve désormais avec Renault, ou Esteban Ocon

Delage 15-S-8
La Delage 15-S-8, championne du Monde des Grands Prix en 1927 .

Le regard s'arrête pourtant sur les expositions dédiées à la F1 plus récente. Sorte de témoin d'un sport automobile en constante évolution. À l'image de ce stand rassemblant quelques F1 étranges, et ces études presque burlesques des années 1960-1970, l'âge d'or de la F1 laboratoire. Ainsi l'on y retrouvait quelques-unes des plus belles pièces de l'Histoire de la Formule 1, qu'elles soient glorieuses ou non.

À l'image de la Tyrrell P34, pilotée par Patrick Depailler et Ronnie Peterson, ou a contrario les échecs monumentaux qu'ont été les McLaren M9A ou Lotus 63, à la fin des années 1960, lorsque la F1 s'est fourvoyée dans la transmission intégrale, loin d'être au point, du moins pour ce genre de monstres. On se moquerait presque de ces autos qui n'ont jamais marché comme il fallait, mais le recul historique offre un autre regard : la solution n'était pas là. 

Ferrari 312
Les nombreuses Ferrari 312 des années 1960 à 1970.

L'aérodynamique a alors pris le dessus, pour évoluer à une vitesse phénoménale. Déjà ces F1 expérimentales reçoivent les premiers ailerons, mais le stand des Ferrari 312 F1 montrait d'autant plus l'évolution de cette période, et la transformation radicale, entre une 312 de 1966, dépourvue du moindre élément aérodynamique, et celle de 1974 qui, elle, n'avait plus rien à voir, mis à part les pièces mécaniques. Les souffleries, désormais, ne s'arrêteraient plus. C'était il y a près de 50 ans, le progrès a depuis fait son travail.

La course au temps

Notamment pour la sécurité. À comparer les Ferrari d'Andretti, Reutemann ou Lauda, qui couraient dans ces caisses en alu, avec les F1 d'aujourd'hui, d'un carbone solide, on se rassure. Certes, la technologie a retiré un peu de hasard, mais jamais le panache. La nouvelle saison de F1 qui arrive saura sans aucun doute nous le démontrer.

Rétromobile rappelle aussi une autre chose : que le temps passe parfois bien vite. Il suffisait de se pencher sur la magnifique Dodge Viper GTS-R du Team ORECA de l'an 2000. Voiture sœur de celle de Beretta-Wendlinger-Dupuis. L'un d'entre eux, Wendlinger, fut une gloire du programme Mercedes en Groupe C, aux côtés d'un certain Michael Schumacher. L'autre, Olivier Beretta, est encore aujourd'hui une référence du GT. Mais 17 ans ont passé, et regardera-t-on, avec la même affection, les R18 TDI, Porsche 911 RSR ou Ford GT de 2016 ? 

Dodge Viper
L'une des Dodge Viper GTS-R de la grande époque du Team Oreca.

À vrai dire, regarder le passé n'a de véritable intérêt qu'avec l'envie de construire l'avenir. Rétromobile a aussi ce pouvoir. Celui de redonner l'envie d'entendre des moteurs, de sentir la gomme brûlée, de sentir le parfum de l'huile et de l'essence. Patientons encore un peu, l'excitation de la présaison se fait de plus en plus forte, l'envie de compétition aussi. Et vous le savez bien, dans quinze ans, on saura toujours aussi bien s'en émouvoir ! 

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