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Edito - La F1 a-t-elle appris de la mort de Maria de Villota ?

La disparition de Jules Bianchi s'est produite devant des milliers de téléspectateurs, comme celle d'Ayrton Senna. Celle de Maria de Villota fut douloureuse, mais plus discrète. La F1 a-t-elle appris de sa perte ?

Maria De Villota, Marussia F1 Team

Maria De Villota, Marussia F1 Team

Face à la pression de la FIA pour l’introduction d’un système de protection de la tête des pilotes, les membres du Groupe Stratégique sont parvenus à repousser l’échéance et faire de 2017 une nouvelle saison esthétiquement "classique", avant que des modifications plus profondes du design global des F1 telles que nous les connaissons ne soient peut-être décidées.

Une décision qui a fait déclarer à Alex Wurz, Président de l’Association des Pilotes de Grand Prix (GPDA), espérer que la F1 "ne serait pas amenée à regretter" un report d’une telle évolution inéluctable.

La F1 a gagné en sécurité de manière incessante. Dans une ère pas si lointaine, les pilotes ne savaient pas s’ils reviendraient parmi les leurs au terme de la saison. Mais le risque ne concerne pas uniquement ces derniers : tout le personnel des teams, les commissaires de piste et bien entendu le public sont désormais bien mieux protégés sur tous les circuits du monde.

Le risque existe toujours ; les accidents mortels arrivent encore et Montréal, où un commissaire trouva la mort en 2013 écrasé par un véhicule d’intervention, fut un cruel rappel de cela (la dernière fatalité avait eu lieu en 2001 à Melbourne, après qu’un commissaire eut été heurté par un débris d’accident). Un caméraman légèrement blessé par un pneu perdu dans la pitlane par Mark Webber, également en 2013, avait incité la FIA à systématiser des règles plus draconiennes pour les usagers de la pitlane.

Mais la menace est de plus en plus contrôlée. L’avancée de la technologie, de la recherche informatique, des infrastructures exigées par la FOM sur les circuits ou encore l’utilisation de matériaux exotiques encaissant des chocs monstres sont venus compléter une politique sécuritaire stricte de la FIA qui faisait quelque peu défaut il y a encore quelques décennies. Au point même de décomplexer la jeune génération qui arrive depuis l’échelle des séries junior sans avoir connu le frisson de la sanction physique brutale et définitive.

 

La FIA tient une conférence au sujet de l'accident de Jules Bianchi
 

L'évolution des temps et des acteurs impliqués

Le bon sens l’emporte aussi : le temps où l’on pouvait se promener en manches courtes sans combinaison ignifugée dans la pitlane pendant que les autos roulaient n’est pas si lointain mais abrogé. La pitlane, où barils de carburant, émanations de gaz, groupes électrogènes et câblages sont de tous les côtés, est désormais une zone non-fumeur. Les excès de vitesse de passage des monoplaces dans la pitlane sont très lourdement sanctionnés pour une bonne raison ; les postes des commissaires sont équipés de matériel (gants isolants, défibrillateurs) pouvant répondre à des situations imprévues sur les systèmes hybrides des F1, et des formations entre représentants de différents circuits du monde, aux expériences complémentaires, ont régulièrement lieu.

Le GPDA joue aussi son rôle aussi loin que son influence le lui permet lorsqu’il s’agit de régler en douceur et entre pilotes, circuits et FIA, des questions relatives à la sécurité et au bon sens sportif. Même Pirelli joue un rôle très actif en rappelant que certaines limites déraisonnables avec les réglages entourant les pneus ne peuvent être dépassées qu’en connaissance des grands risques sportifs et mécaniques entraînés par leur déni.

Tout cela n’a pas empêché des fatalités chez les pilotes non plus : c’est dans la nature même de ce sport que d’être dangereux. L’agenda du halo est régulièrement poussé avec l’argument implacable selon lequel rien ne justifie un risque de décès. Que répondre à une telle évidence, même lorsque l’on milite, comme votre serviteur, pour le cockpit ouvert ? Comme pour défendre le bruit strident des moteurs V8 ou V10 atmosphériques ou les gros ailerons arrière sur des bases très subjectives de goûts sonores et esthétiques ou de frisson, nos arguments sont risibles avec du recul sur une vision plus globale.

De Villota : le sport moins touché

Si l’on voulait se montrer polémique sur le sujet, cependant, on lèverait sans aucun doute la relative hypocrisie de notre sport et de nous tous, ses fans, ainsi que le traitement à deux poids deux mesures des deux derniers accidents fatals ayant emporté un pilote de F1. Car il ne s’agit pas de Jules Bianchi et d’Ayrton Senna. L’avant-dernière victime en activité est récente : il s’agit bien de Maria de Villota, dont la disparition n’a laissé de choc que pendant une période bien courte.

 

Messages de soutien à Jules Bianchi sur sa monoplace
 

Le premier est devenu l’incarnation du risque toujours présent en F1 et du besoin de poursuivre le combat pour un sport toujours plus sûr. Pas uniquement au niveau du design ou de la structure du missile propulsé qu’est une F1, mais bien de l’environnement dans lequel elle évolue (conditions de piste, météo, aménagement des échappatoires et des hommes et appareils les entourant, règles sportives, opportunités de décollage voire présence d’un hélicoptère, etc.). Pourquoi, dès lors, ne jamais avoir appris des leçons de l’accident de la pilote espagnole ni même fait semblant de chercher à standardiser les tests privés ? Pourquoi ne pas imposer un modèle F1 à toutes les occasions, démonstrations urbaines privées comprises ?

Autant qu’il semble impensable et insultant aux yeux d’une large majorité qu’une erreur humaine seule de Bianchi ait provoqué son funeste destin, c’est avec un choc encore mal dissimulable que l’on constate que la responsabilité de Maria de Villota dans le sien paraît bien plus acceptée et compréhensible pour le sport comme pour vous tous qui le suivez, en raison de la perception d’amateurisme accepté de l’environnement des tests.

C’est pourtant bien l’espace et l’encadrement extrêmement inapproprié et non questionné dans lequel elle se trouvait le jour de son accident qui a provoqué les graves conséquences que l’on connaît. C’est dans ce même environnement que sont encore réalisés de nos jours les tests en ligne droite, journées de tournage et shakedowns.

 

Jules Bianchi, Marussia F1 Team
Jules Bianchi, Marussia F1 Team, porte l'étoile emblème de Maria de Villota en hommage 

Des réactions systématiques après les cas graves?

Une protection de casque en zylon, un matériau carbone ultrarésistant situé au-dessus de la visière, a été rendue obligatoire après l’accident de Felipe Massa en 2009, qui avait été touché en Hongrie par un ressort de suspension au-dessus de l’œil. Elle a peut-être sauvé la vie de Max Chilton. La voiture de sécurité virtuelle ou l’application d’un drapeau rouge dans une situation de double jaune sont des enseignements directs de Suzuka 2014.

En 1986, lors d’essais groupés organisés sur le Paul Ricard, Elio de Angelis avait trouvé la mort dans des conditions absurdes. L’Italien avait vu son auto se retourner et était resté coincé sous celle-ci. Sans commissaires présents en bord de piste pour lui venir en aide rapidement, il n’avait pu être extrait à temps malgré les efforts combinés d’Alain Prost, Nigel Mansell et Alan Jones pour éviter d’inhaler de la fumée engendrant sa mort par asphyxie quelques minutes plus tard à l’hôpital. Depuis, le personnel de bord de piste est nombreux, visible et systématique… sauf sur les tests privés. 

On pourrait dire que l’esprit de Maria vit avec les tentatives d’introduction de halo et la philosophie ô combien au goût du jour de protéger la tête des pilotes avec des solutions sur les autos, même si la réflexion de la FIA a débuté en 2012, après l'accident de Grosjean et Alonso à Spa.

Vrai, mais n’oublions pas que les drames récents ont systématiquement concerné des approximations de mise en place. Une situation en bord de piste que l’on ne peut pas s’attendre à voir monter en standard sans un réel questionnement des normes et un encadrement institutionnel proactif et autoritaire sur le sujet…

Maria de Villota pose avec une Audi R8
 

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