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Édito - Pouce levé ou pouce baissé, les gladiateurs sont là !

Le combat que se sont livré Lewis Hamilton et Nico Rosberg en Autriche, ainsi que son issue et les éventuelles conséquences, ont confirmé à ceux qui en doutaient que la F1 offrait encore tout ce qu'on était en droit d'attendre d'elle.

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 Team W07 et Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 Team W07

Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 Team W07 et Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 Team W07

Pirelli

Nous l’avons souvent évoqué dans nos éditos successifs, la Formule 1 a ce quelque chose d’unique qui lui permet de concentrer l’attention en permanence, mais aussi d’écrire autant d’histoires qu’il en faut pour offrir ce qui ressemble tantôt à une comédie, tantôt à un thriller dont le public est friand. Dans une ère qui veut que la critique se cristallise régulièrement autour de la catégorie reine, paradoxalement, son succès et surtout l’intérêt qu’elle suscite ne se démentent pas, n’en déplaise à ceux qui croient - ou veulent faire croire - le contraire. Au-delà de tous les types de sujets de conversation qu’elle peut offrir, y compris quand le spectacle n’est pas au rendez-vous, la vitrine du sport automobile fait encore causer, pardonnez l’expression !

Alors, quand la dimension humaine et sportive s’invite un peu plus qu’à l’accoutumée, c’est la cerise sur le gâteau. Ainsi, le final proposé dimanche dernier sur le Red Bull Ring a déclenché les émotions que chacun recherche certainement lorsqu’il s’abandonne à sa passion, tout en réveillant les instincts partisans des fans les plus invétérés de leur pilote. Peu importe le chauvinisme, l’éventuelle mauvaise foi, les convictions, les œillères, les argumentaires plus ou moins élaborés… La seule vérité que l’on retiendra, c’est que la F1 n’a pas perdu de sa superbe pour alimenter les commentaires. 

Quand les nerfs lâchent

Historiquement, la rivalité en F1 s’est régulièrement nourrie de duels, qu’ils opposent à la fois deux équipes et deux pilotes, ou qu’ils mettent aux prises deux coéquipiers. Inutile de servir à nouveau les épisodes du passé, ou de relancer les comparaisons, par exemple, avec les légendaires affrontements Prost/Senna. Il y a, dans cette opposition entre Lewis Hamilton et Nico Rosberg, des éléments différents et, surtout, un contexte différent. À chacun son Histoire, avec un grand "H".  

Le vainqueur Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 W07 Hybrid fête sa victoire dans le Parc Fermé

Cependant, s’il est un dénominateur commun lorsque l’on parle de duel, c’est le facteur humain. On en oublierait presque, à la merci des commentaires qui ont parfois qualifié les pilotes de robots ou de marionnettes, qu’il y a des vies, des sentiments et des histoires derrière les visières. 

Lorsque Niki Lauda, avec toute la saveur que peut souvent apporter son verbe, révèle la saute d’humeur d’un Lewis Hamilton à l’issue des qualifications du Grand Prix d’Europe, deux réactions s’opposent. La furie du Britannique, capable de retourner l’espace qui lui est réservé dans le motorhome Mercedes pour exorciser une erreur commise en piste, attire vraisemblablement la critique. Pourtant, même à 31 ans, même après trois titres de Champion du monde, même quand on affirme que l’âge assagit, n’y a-t-il pas plus éloquent pour redonner une part d’humanité qui peut sembler manquer à la discipline ? 

Ce qui se passe lorsque le pilote regagne une sphère plus privée ne regarde que lui, mais cette révélation a au moins le mérite de rappeler qu’un pilote, bien qu’il soit assurément différemment constitué d’un être dit "normal", a aussi cela de commun avec Monsieur Tout-le-monde : des nerfs qui peuvent lâcher. Non, ces hommes ne sont pas des robots, qu’on se le dise !

Les jeux sont ouverts !

Puisque le terme a si souvent été utilisé comme pour amplifier la comparaison et demander à cor et à cri des changements dans la discipline, osons parler de gladiateurs. Les modifications réglementaires arrivent pour 2017, avec la volonté de redonner des monoplaces spectaculaires, plus rapides et surtout plus difficiles à appréhender et à piloter. Ce sera vraisemblablement le cas, et on ne peut que se réjouir si cette réglementation apporte tous ces éléments. Mais ils n’enlèveront rien au combat que se livrent déjà les acteurs du moment. 

Dimanche, dans ce dernier tour du Grand Prix d’Autriche, il y avait sans aucun doute cette perspective que, avouons-le, tout le monde attend : un duel, une rivalité, une issue controversée. Il y avait dans l’affrontement des derniers tours ce sentiment de voir deux gladiateurs s’opposer, l’un défendant une couronne et une suprématie qu’il sent clairement menacées depuis le début de la saison, l’autre s’efforçant de marquer un peu plus son territoire et d’affirmer qu’il peut être le prochain élu. 

Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 au ralenti avec un aileron avant cassé

Il ne s’agit pas de prendre parti, il ne s’agit pas de désigner un coupable - les commissaires sportifs ont fait leur travail et tranché en leur âme et conscience, avec tous les éléments à leur disposition. Il ne s’agit pas de se réjouir pour un camp plus que pour l’autre, simplement de réaliser que s'est produit un nouveau tournant capital, le deuxième de cette saison, déjà. Quand bien même l’un d’entre eux a certainement commis une erreur à l’amorce de prendre ce fameux virage avant l’accrochage, on en revient au facteur humain et à ce qu’il peut dicter pour en arriver là. Il serait injuste d’oublier que deux hommes vivent pour leur rêve, pour leur accomplissement, et pour toucher leur Graal en fin de saison. Cela se fait au prix de sacrifices, de réussites, et parfois d’erreurs. Il ne peut en être autrement. 

Les gladiateurs que sont Hamilton et Rosberg ont croisé le fer de leurs Flèches d’Argent - de trop près aux yeux de Mercedes. À Spielberg, l’un est sorti vainqueur, l’autre vaincu. Et chacun des observateurs a eu le loisir de lever ou de baisser le pouce, en faveur de l’un ou de l’autre. Les sifflets essuyés par le triple Champion du monde sur le podium donnent un peu plus de corps à la situation. À tort ou à raison ? On a simplement envie de dépasser la question et de croire en un sacre légitime au terme du dernier Grand Prix. 

Ne cachons pas que l’accrochage entre les deux pilotes a largement épicé l’épisode. Néanmoins, un dépassement de Hamilton pour la victoire, même sans contact avec Rosberg, aurait sans nul doute permis d’écrire une page tout aussi marquante et génératrice d’intérêt, de discussions et de débats vifs. 

Consignes d’équipe, le gros mot ?

Par la force des choses, ce deuxième contact trop rapproché entre les pilotes de la firme à l’Étoile a conduit le constructeur allemand à (r)ouvrir la boîte de Pandore des consignes d’équipe. Toto Wolff n’a pas caché que toutes les options pouvaient être considérées, et on aimerait forcément être une petite souris bien cachée dans les tuyauteries de l’usine de Brackley cette semaine. Le directeur de Mercedes a cependant promis d’être transparent si une décision venait à être prise dans le sens de l’instauration d’ordres d’équipe, selon les cas de figure. On s’efforce de le croire, pour profiter jusqu’au bout du duel entre ses ouailles. 

Nico Rosberg, Mercedes AMG F1 et son équipier Lewis Hamilton, Mercedes AMG F1 lors de la conférence de presse

La position de l’Autrichien est compréhensible, la déception qu’il ressent lorsque ses monoplaces s’accrochent également. Vouloir du spectacle ne doit pas empêcher de comprendre les enjeux et, surtout, les intérêts stratégiques des uns et des autres. Bien qu’il amuse parfois par une certaine paranoïa - mettant très souvent en avant une grande menace de la part des équipes rivales alors que l’on voit toujours les W07 Hybrid dominer la meute -, Wolff a légitimement souligné après le clash barcelonais qu’il y avait derrière les deux monoplaces des dizaines de personnes impliquées. Pas plus tard que le week-end dernier, on rappellera que l’équipe de mécaniciens de Lewis Hamilton est allée prêter main forte à celle de Nico Rosberg pour que ce dernier puisse participer aux qualifications. 

L’équilibre entre tous ces intérêts, jusqu’à ceux des pilotes eux-mêmes, avides de succès, est extrêmement fragile. Si le job fait rêver, il faut avoir les épaules pour prendre les bonnes décisions et indiquer la bonne direction au team… De l’extérieur, tout en comprenant les positions et les arguments de chacun, on a toutefois envie que le combat se poursuive à armes égales. Le souhait de ne pas voir les consignes interférer est certainement partagé par la majeure partie de ceux qui portent un intérêt à la F1, alors souhaitons ardemment qu’elles n’entrent pas en jeu. Toutefois, si tel était le cas, elles ne manqueraient pas d’ouvrir une nouvelle histoire, une nouvelle polémique, une nouvelle discussion… Et tout recommencera jusqu’au prochain épisode !

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