Interview

Entretien Stefano Domenicali - Quel avenir pour la Formule 1 ?

Des voitures plus légères ? Un retour aux V8 ? Des moteurs à hydrogène ? Stefano Domenicali, PDG de la Formule 1, s'exprime sur l'avenir de la catégorie reine dans la première partie de son interview exclusive accordée à Motorsport.com.

Lewis Hamilton, Mercedes W15

Si l'année 2024 a permis au PDG de la Formule 1, Stefano Domenicali, de tirer une leçon essentielle, c'est qu'il est impossible de prédire avec certitude comment les choses vont se dérouler au cours d'une saison. Alors que beaucoup évoquaient en mars dernier la possibilité que Max Verstappen domine les débats comme en 2023, après avoir remporté les deux premières courses à Bahreïn et en Arabie saoudite, on peut affirmer six mois plus tard que les choses ne se sont pas du tout passées ainsi.

Avec sept vainqueurs différents au cours de la première moitié de la saison, ce qui n'était pas arrivé depuis l'entame de saison de 2012, le décor est planté pour ce qui devrait être une belle bataille pour les victoires durant le reste de l'année. Même le championnat constructeurs n'est pas joué d'avance et pourrait nous offrir de jolies surprises.

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Domenicali ne s'est jamais joint aux annonciateurs de malheur au début de l'année, car il a toujours été convaincu que la combinaison du plafonnement des coûts et des restrictions de tests aérodynamiques finirait par avoir l'effet escompté.

L'ancien directeur de Ferrari a toujours fait preuve d'ouverture d'esprit, conscient que ce qui est considéré comme vrai aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain. Ainsi, tout comme la domination de Verstappen n'était pas gravée dans le marbre dès le début de saison, l'avenir à long terme de la F1 doit lui aussi être considéré comme étant en constante évolution.

Lors d'un entretien accordé à Motorsport.com pour évoquer l'état actuel de la Formule 1, il a expliqué pourquoi il pense que la catégorie reine du sport automobile a une belle occasion de continuer à surfer sur la vague de popularité instiguée par l'arrivée de Liberty Media en 2016.

Stefano Domenicali

Stefano Domenicali

Photo by: Erik Junius

"Je suis très heureux de dire que ce que j'ai dit au début de l'année est exactement ce qui est en train d'arriver, alors que tout le monde croyait que je disais cela pour des raisons politiques", a expliqué Domenicali à propos de sa conviction que 2024 serait une année sans domination d'une équipe ou d'un pilote. "Cela se poursuivra certainement jusqu'à la fin de l'année 2025. Cette action et ce spectacle sportifs sont définitivement présents."

Cette référence à 2025 est à relever, car au milieu de toute l'excitation suscitée par les batailles en piste, le nuage de confusion concernant la nouvelle réglementation 2026 plane tout de même au-dessus du paddock. Nombreux sont ceux qui ne cessent de répéter que le meilleur moyen de resserrer le peloton est de conserver le règlement actuel et que le changer maintenant, alors que Red Bull a enfin pu être rattrapé, gâcherait tout.

Comme l'a déclaré Adrian Newey, au début de l'année : "Au moment où tout commence à converger et où les fans commencent à obtenir ce qu'ils veulent, nous avons un changement encore plus important, car c'est la première fois, si je me souviens bien, que nous avons une nouvelle unité de puissance et un nouveau châssis en même temps. Les chances que cela fasse exploser la grille sont donc très importantes."

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Domenicali ne cache pas ses inquiétudes croissantes quant à la possibilité que 2026 mette un terme à toutes les prouesses que la F1 réalise actuellement. Mais il pense qu'il est important de rappeler les motivations qui ont conduit à ces changements.

"Il y a toujours des raisons pour lesquelles nous changeons [de règlement]", a-t-il indiqué. "Tout d'abord, parce que nous devons être en avance sur ce que nous faisons. Et ce Règlement Technique [2026] était, au moment précis où la décision a été prise, lié à la nécessité pour les constructeurs de s'impliquer dans la F1 avec un type de technologie différent qui devait être utilisé. Je pense que c'est vraiment fondamental et crucial."

"De plus, le fait que nous ayons maintenant un carburant durable au centre de ce projet technique accélérera le processus de mise à disposition de cette nouvelle technologie pour le monde de la mobilité. Elle permettra de mettre au point des carburants moins chers, ce qui sera bénéfique pour le marché dans le monde entier. J'en suis convaincu. Comme vous le savez aujourd'hui, le prix [du carburant durable] est beaucoup plus élevé, mais la F1 a toujours su accélérer le processus et aider la technologie à aller dans la bonne direction. C'est donc ce que j'attends, et je suis sûr que tout le monde travaillera dans cette direction."

Un constructeur arrive, un autre part

Esteban Ocon (Alpine A524)

Esteban Ocon (Alpine A524)

Photo de: Zak Mauger / Motorsport Images

On a récemment laissé entendre que, malgré toutes les nobles raisons qui se cachent derrière cette nouvelle réglementation ayant notamment permis d'attirer un nouveau constructeur tel qu'Audi, les gains ne seront peut-être pas à la hauteur des coûts énormes qui ont été déployés.

Si l'on considère les milliards de dollars dépensés pour la création de toutes nouvelles unités de puissance, et les voitures compromises qui ont résulté de la répartition à 50-50 entre moteur à combustion interne et moteur électrique, la F1 risque de se retrouver avec un bénéfice net de zéro pour les constructeurs, Renault étant sur le point de devenir une équipe cliente. Domenicali n'est pas d'accord avec ceux qui pensent que les constructeurs trouveront plus d'inconvénients que d'avantages avec ces réglementations.

"Je pense que la véritable décision [de Renault] était liée à une autre condition [que la difficulté de construire un nouveau moteur pour 2026], pour être très ouvert et très honnête avec vous", a-t-il déclaré. "Ce n'est pas lié à un mauvais règlement. Je pense qu'au moment où le règlement a été défini, il était nécessaire de s'assurer que les constructeurs étaient vraiment intéressés par le championnat. Ils sont un élément essentiel de cette équation, car sans moteur, nous ne pouvons pas courir, il fallait donc les écouter."

"Et il est vrai, parce que nous n'avons pas à être timides ou à nous cacher, qu'il s'agissait d'une solution de compromis en raison des intérêts différents de tous les constructeurs. Mais je dirais que la FIA a essayé de faire de son mieux pour s'assurer que nous puissions avoir quelque chose qui convienne à tout le monde. C'est vrai."

Est-il pertinent que le changement se produise sur un cycle aussi court que cinq ans ? Ce sera le point de discussion pour l'avenir.

Alors que l'on s'interroge sur le fait qu'il faille peut-être casser ce cycle de changements de réglementation qui fait exploser le peloton tous les cinq ans, Domenicali se demande également si le moment ne serait pas venu d'envisager de ralentir l'évolution de ces règles.

"Il s'agit de savoir si c'est vraiment le moment de procéder à un nouveau changement en 2030", a expliqué le président italien. "Nous ne sommes pas en mesure de répondre aujourd'hui, car nous devons attendre de voir comment cette nouvelle technologie arrivera et comment elle sera développée. Par conséquent, il y aura un moment où nous devrons en discuter, et nous devrons comprendre si le besoin [de changement] des constructeurs, des équipes et de l'ingénierie est bien présent, comme il l'était lorsqu'il a été nécessaire de changer le règlement."

"Le besoin de changement est normalement mis sur la table pour deux raisons. La première est que nous sommes au sommet du sport automobile et que nous nous devons d'approuver le niveau technologique le plus élevé. Par le passé, la deuxième raison était que l'objectif était de mettre fin à une période de domination des voitures. Mais aujourd'hui, avec les nouveaux éléments de la réglementation, le plafond budgétaire et les restrictions aérodynamiques, je pense que ce point n'est plus à l'ordre du jour. Le véritable enjeu est donc le défi technologique à venir. Est-il pertinent que le changement se produise sur un cycle aussi court que cinq ans ? Ce sera le point de discussion pour l'avenir."

Le dilemme des voitures plus légères

Le projet réglementaire F1 2026 de la FIA.

Le projet réglementaire F1 2026 de la FIA.

Photo de: FIA

Toutefois Domenicali estime qu'il y a un élément qui doit réellement changer : le poids des voitures.

"Je pense que ce qui sera toujours sur la table à l'avenir sera le poids et les dimensions des voitures, parce que nous ne devons pas oublier le point de départ de la formule automobile", explique-t-il. "Nous sommes maintenant dans une situation où les voitures sont grandes, elles sont lourdes, et peut-être qu'à l'avenir, avec ce nouveau développement, nous pourrons vraiment décider de revenir à plus de légèreté. Mais je dirais qu'il est un peu prématuré d'en parler. Voyons d'abord comment nous pouvons être vraiment prêts pour la bonne réglementation technique et sportive, pour 2026, et ensuite, nous en discuterons au bon moment."

La recherche de voitures plus légères est un objectif de la refonte du règlement, mais les efforts pour alléger les monoplaces ne sont pas allés aussi loin que ce que l'on espérait à l'origine. Une partie du problème est liée aux progrès en matière de sécurité, car le fait d'avoir des voitures plus robustes, en plus du Halo, a forcément des conséquences en termes de poids.

Mais l'un des autres facteurs du poids actuel des voitures est l'unité de puissance, en particulier les batteries. Ainsi, si la F1 veut réduire le poids de ses monoplaces à long terme, l'abandon des lourdes voitures hybrides doit être une voie à explorer, qu'il s'agisse d'un passage à l'hydrogène ou même d'un retour aux bons vieux V8.

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Domenicali a quelques idées intéressantes à ce sujet : "Je ne pense pas que l'hydrogène soit une solution à moyen terme pour la F1, pour de très nombreuses raisons : technologie, coût et sécurité. Mais je pense que la bonne façon de développer [la réduction du poids] serait soit de rester avec ce type de concept, avec des mesures pour réduire le poids. Ou bien, si le carburant durable permet de réduire les émissions à zéro et que nous prenons en compte la durabilité de la bonne manière, peut-être n'aurions-nous plus besoin d'être aussi compliqués ou aussi coûteux en termes de développement de moteurs."

"Nous pourrions donc envisager de revenir à des moteurs beaucoup plus légers et peut-être dotés d'une bonne sonorité. Je pense que ce point de discussion sera certainement abordé dans les trois années qui suivront l'introduction. Au milieu de cette nouvelle aventure, nous devons donc réfléchir et voir où nous en sommes et comment nous pensons que la situation évoluera."

"Mais il y a une chose qui est très importante : regarder en arrière et remarquer comment les choses changent si vite, si rapidement. Je me souviens qu'il y a quelques années, tout le monde disait : 'Ah, des voitures électriques pour tout le monde, pour toujours'. Aujourd'hui, le frein à main est plus important que le fait d'avancer ; nous devons donc être prudents. Nous devons nous assurer que nous adoptons la bonne approche. Nous sommes dans une entreprise sportive et je pense donc que nous devons prendre la bonne décision pour nos besoins et pour notre sport."

Dans la deuxième partie de l'interview de Motorsport.com, Stefano Domenicali s'exprimera sur les changements de réglementation sportive et l'impact du film "F1" sur la discipline. À retrouver dès jeudi sur Motorsport.com !

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