Histoire - Les échecs du drapeau à damier

Le Grand Prix du Canada 2018 de F1 est entré dans le cercle fermé des courses de la discipline reine lors desquelles l'agitation du drapeau à damier a posé problème. Retour sur ces épisodes.

Pelé agite le drapeau à damier

Sergio Sanderson

Argentine 1978 : Fangio s'emmêle les pinceaux

Juan Manuel Fangio brandit le drapeau à damier pour Carlos Reutemann, Williams FW07C-Ford Cosworth

(La photo ci-dessus montre Juan Manuel Fangio agitant le drapeau à damier lors de l'édition 1981 du GP d'Argentine)

Lors de l'édition 1978 du Grand Prix d'Argentine, première manche de la saison, c'est le quintuple Champion du monde de F1 Juan Manuel Fangio qui fait office de starter. L'épreuve est dominée par Mario Andretti, au volant de la révolutionnaire Lotus 78, considérée comme la première à utiliser l'effet de sol.

Le pilote américain dispose d'une quinzaine de secondes d'avance au moment d'entamer le dernier tour. Fangio, sur la passerelle, suit attentivement ce qui se passe dans le peloton et, au passage de l'autre Lotus, de Ronnie Peterson, en cinquième place, abaisse le drapeau à damier ! L'ensemble des pilotes poursuivent la course mais le mal est fait. Finalement, le champion argentin finira par agiter le drapeau au passage d'Andretti.

Au lendemain de la course, il expliquera, pour la publication argentine CORSA : "Je me suis embrouillé, c'est la seule vérité. J'ai vu la Lotus arriver, à contre-jour, et il m'a semblé que le 6 était un 5. Le temps que je m'en rende compte, l'erreur était déjà faite. [...] Je ne les ai vus qu'au moment où ils sont sortis du virage pour entrer dans la ligne droite, quelques secondes."

"Non, personne [ne m'a prévenu]. C'était de ma seule responsabilité, et j'ai eu tort. Peut-être parce qu'au fond de moi, je suis plus préoccupé par le départ que par le drapeau à damier. En tant que pilote, je sais combien le moment du départ est important. En revanche, l'arrivée est un peu plus simple, plus routinière. C'est peut-être pour ça que j'ai été trop confiant et confus."

À l'époque, le règlement prévoyait déjà ce cas de figure, mais la conséquence était légèrement différente d'aujourd'hui puisque l'on considérait tout simplement que le tour à partir duquel les résultats devaient être pris était celui du moment où le drapeau était abaissé, même par erreur. Ainsi, le drapeau ayant été abaissé au passage de Peterson qui bouclait alors son 52e tour, c'est bien sur la 52e boucle que les résultats ont été pris.


Grande-Bretagne 1985 : Laffite sauvé !

Podium : le vainqueur Alain Prost, McLaren

Alors qu'Alain Prost mène la course depuis une demi-douzaine de tours, après avoir passé un Ayrton Senna leader depuis l'envol mais en proie à des problèmes d'alimentation, l'un des officiels se trompe et abaisse le drapeau à damier au 65e passage du pilote français, alors que la course comptait normalement 66 tours. McLaren demande à son pilote d'assurer quand même le coup, au cas où, ce qu'il fit repassant une nouvelle fois la ligne d'arrivée sans baisser de rythme.

Derrière lui, le leader du championnat Michele Alboreto termine second, à un tour, et sauve les meubles. Mais la saison 1985 se révèle particulièrement compliquée au niveau de la gestion de l'essence : en effet, les pilotes doivent apprendre à gérer ce paramètre et sur un circuit qui n'appuie pourtant pas sur la consommation, plusieurs pilotes se trouvent en difficulté. C'est notamment le cas de Jacques Laffite, qui s'arrête au beau milieu de ce qui était son 65e tour, alors qu'il figurait à la troisième position. Même chose pour Derek Warwick, qui immobilise sa Renault sur la ligne de départ/arrivée alors qu'il figurait au cinquième rang.

Et c'est là que "l'erreur humaine" invoquée par les organisateurs va jouer un rôle : en arrêtant le résultat de la course au 65e passage de Prost, Laffite et Warwick sont sauvés de justesse et conservent donc leur position, devant un Nelson Piquet médusé qui pensait pouvoir monter sur le podium en profitant de la panne du Français. 

Le podium est à l'image de la fin de course : cocasse. En effet, n'y figurent que Prost et Alboreto, Laffite, à pied à l'autre bout du circuit, n'a trouvé personne pour le ramener près des stands et ne participe donc pas à la cérémonie. Aussi, alors que l'on remet à Prost le célèbre trophée du vainqueur du Grand Prix de Grande-Bretagne, celui-ci tombe en morceaux. 


Brésil 2002 : Le roi pas là

Pelé agite le drapeau à damier

Le Grand Prix du Brésil 2002 voit une légende du sport mondial être chargée d'agiter le drapeau à damier : un certain Edson Arantes do Nascimento, plus connu sous le nom de Pelé. L'ancien footballeur brésilien arrive sur la plateforme de départ deux tours avant la fin de l'épreuve et se met en position.

En piste, Michael Schumacher, poursuivi par son frère Ralf, entre dans le dernier virage du 71e et dernier tour, remonte la ligne droite de départ/arrivée et passe la ligne d'arrivée, suivi à une demi-seconde par le pilote Williams. Mais quelque chose manque : Pelé n'a tout simplement pas agité le drapeau ! Alerté, il commence finalement à le faire avec enthousiasme au passage de la Jordan de Takuma Sato, neuvième à deux tours, et c'est David Coulthard, troisième à une minute de Schumacher, qui sera le premier pilote à franchir la ligne d'arrivée et à voir le drapeau au bon moment.

"J'allais faire ça [il lève le point en l'air] et puis, je me suis dit, où est le drapeau à damier ?", déclarera après l'épreuve Michael Schumacher. Cette erreur a l'avantage de ne pas changer la face de l'épreuve, car les résultats sont évidemment entérinés au 71e passage, comme cela était prévu.

Interrogé sur le site FourFourTwo en 2005, le Brésilien donnera sa version des faits : "Le directeur du circuit m'a dit : 'Écoute, quand la voiture approchera, à 800 mètres, je vais te toucher, donc détends-toi, tu n'as pas à t'inquiéter'. Donc la fin de course arrive, et je vois apparaître Schumacher et son frère, mais le directeur ne m'avait pas touché."

"J'allais être en retard, donc je me suis préparé à agiter le drapeau, mais juste avant que je l'agite, il m'a touché. Je l'ai regardé en disant 'Quoi ?' et quand je me suis retourné, Schumacher est passé. J'ai dit : 'Pourquoi tu me touches maintenant ? Tu devais le faire avant'. Il a répondu : 'Je suis désolé, je suis désolé'. Et puis j'ai agité le drapeau."

Une vision des choses qui ne semble pas tout à fait correspondre aux images de la séquence où le Brésilien semble plutôt absorbé par une discussion avec quelqu'un et pas vraiment pressé d'agiter le drapeau...


Chine 2014 : Le doute de Hamilton

Lewis Hamilton, Mercedes W05, passe sous le drapeau à damier

Alors que Lewis Hamilton mène avec 18 secondes d'avance sur Nico Rosberg, le drapeau à damier est brandi par erreur par les officiels du Grand Prix de Chine 2014 à la fin du 55e des 56 tours de course. Le Britannique ralentit un temps, hésite puis reprend un rythme de course normal jusqu'à la fin de la 56e boucle, sur ordre de son équipe.

"Je pensais que j'allais commencer mon dernier tour, j'ai jeté un coup d’œil vers le haut et j'ai vu quelque chose flotter, et j'ai réalisé qu'il s'agissait du drapeau à damier", expliquait-il après la course. "J'ai relâché [les gaz] et perdu quelque chose comme une seconde et demie mais l'équipe m'a dit : 'Non, non. Continue'."

"Si la radio avait dysfonctionné ou autre, que j'avais ralenti et que Nico était passé, ça aurait vraiment été nul. Dieu merci, ça n'a pas été le cas. C'était très, très étrange. Je me disais : 'Est-ce que je vois des choses ?' Mais c'était bien de faire un autre tour."

Un autre tour qui ne servi à rien puisque, comme en 2018, la réglementation prévoyait la prise des résultats au tour précédent celui de l'abaissement du drapeau à damier, soit le 54e sur 56.


Canada 2018 : Quand le modèle reçoit le mauvais top

Winnie Harlow, agite le drapeau à damier

Le dernier cas en date, quand la mannequin Winnie Harlow reçoit de la part du starter l'ordre d'agiter le drapeau à damier alors que Sebastian Vettel entame le dernier tour seulement. Les explications complètes sont à retrouver ici.


Bonus - Canada 1995 : L'invasion des admirateurs de belles voitures

Les fans envahissent le circuit de Montréal

En général, une course est amputée de plusieurs tours en raison d'une procédure de départ annulée, d'un drapeau rouge ou, nous l'avons vu, d'un drapeau à damier brandi trop tôt. Lors du Grand Prix du Canada 1995, rien de tout cela n'a eu lieu et pourtant les résultats ont été pris au 68e des 69 tours.

La raison est très simple : la victoire de Jean Alesi, au volant de la Ferrari numéro 27, a suscité un tel enthousiasme chez les fans montréalais qu'ils n'ont pu contenir leur joie et ont envahi la piste à peine le drapeau à damier baissé, alors même que la plupart des F1 étaient encore à vitesse de course.

La direction de course, devant ces événements, décide de ne pas tenir compte du dernier tour, lors duquel certains pilotes ont dû ralentir voire s'arrêter pour éviter les spectateurs. La victoire revient de toute façon à Alesi, même si ce dernier, tombé en panne d'essence dans le tour d'honneur, obtient l'aide de Michael Schumacher, cinquième, pour revenir dans les stands et monter sur le podium.

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