Analyse

Ces chiffres qui sont le juge de paix de Ferrari en 2021

Ferrari a fait son retour dans le top 3 en 2021, sans garantie, mais la progression de la Scuderia en interne sera jugée sur d'autres aspects.

Charles Leclerc, Ferrari SF21

Photo de: Zak Mauger / Motorsport Images

À la mi-saison, Ferrari est à la lutte avec McLaren pour la troisième place du championnat constructeurs. Cependant, ce n'est pas l'issue de ce duel qui décidera du succès au non de cette campagne 2021 pour la Scuderia, qui avait terminé à une trop lointaine sixième place l'an dernier. L'objectif essentiel de l'écurie italienne est ailleurs et Mattia Binotto l'a souvent répété : la progression compte davantage que le résultat final au championnat.

Juger une progression peut parfois s'avérer très subjectif et un tel objectif complique la compréhension des personnes extérieures à l'encadrement de Ferrari. Il y a bien des évidences lorsque l'on observe les performances du début d'année, marquées par exemple par les deux pole positions de Charles Leclerc à Monaco et Bakou. Ce sont toutefois des chiffres plus précis que Mattia Binotto veut mettre en avant pour évaluer la situation réelle de son équipe.

Au niveau des points inscrits, le cap franchi est clairement constaté par n'importe qui puisque la Scuderia en compte 163 après dix Grands Prix – autant que McLaren – contre 80 au même stade en 2020 et 131 à son compteur final. "C'est plus du double pour le même nombre de courses", souligne Mattia Binotto. "Si l'on regarde toute la grille, nous sommes ceux qui ont le plus gagné." Et d'autres indicateurs importants démontrent des progrès d'une même ampleur.

"Si l'on prend les chronos et la performance pure de la voiture, donc les qualifications car c'est là que nous sommes tous à la performance maximale, sur la moyenne de toute la saison [dernière] nous étions à 1"4 de la pole", précise Mattia Binotto. "Aujourd'hui, nous sommes à 0"7. Un écart de 0"7 reste non négligeable et nous en sommes pleinement conscients. Mais je pense quand même que nous avons réduit de moitié l'écart avec les meilleurs et c'est encourageant, car ça montre que la direction prise est la bonne."

 

Outre la performance pure, le directeur de Ferrari observe des progrès tangibles au niveau des arrêts au stand, domaine dans lequel l'écurie figure désormais parmi les meilleurs élèves.

"Je considère toujours qu'un bon arrêt au stand est sous les trois secondes lorsque le pilote quitte le box", explique-t-il. "Trois secondes, ça peut paraître élevé, mais je dis toujours que pour la stratégie il est important d'être constant, pas seulement rapide mais constant. Ce qui se passe parfois en course, c'est qu'il y a un problème et l'arrêt peut durer cinq ou six secondes, le type de situation qui peut être très difficile. Alors si l'on prend cette marque de trois secondes et le nombre de fois où nous sommes en dessous en 2021, jusqu'à présent c'est 84% du temps. L'an dernier, c'était 48%."

"Encore une fois, nous démontrons que l'équipe et les mécaniciens ont certainement progressé pour les arrêts au stand au niveau de la rapidité et de la qualité. Toujours sous les trois secondes, encore une fois en pourcentage, nous étions huitième l'an dernier. Il y avait donc sept équipes qui faisaient mieux que nous. Aujourd'hui nous sommes deuxième, donc une seule équipe fait mieux que nous en pourcentage sous les trois secondes. Ce sont ces chiffres qui montrent que l'équipe et la voiture, dans l'ensemble, ont progressé en 2021 par rapport à 2020. Et la direction prise est encourageante."

Il en faut encore plus

Avoir réduit de moitié l'écart avec Mercedes et Red Bull est sans aucun doute un pas dans la bonne direction. Pour Mattia Binotto, cette évolution favorable est à 60% due aux améliorations apportées à l'unité de puissance et à 40% au châssis. Néanmoins, la réalité est aussi rude puisque cela montre l'écart qu'il faut encore combler pour être au niveau des meilleurs en rythme pur. Ferrari espère que l'évolution moteur "significative" qui sera apportée en fin de saison jouera un rôle important pour se rapprocher encore, mais il n'y aura pas de recette miracle.

"Il y a encore de l'écart avec les meilleurs, comme nous l'avons dit, à hauteur de 0"7 en qualifications", insiste Mattia Binotto. "Je pense que ces sept dixièmes ne viennent pas d'un seul domaine. C'est une somme de différentes choses, d'aérodynamique, d'unité de puissance et de tous les systèmes sur la monoplace. Je ne pense pas non plus que nous ayons un gros manque dans un seul domaine. Je pense que si c'était le cas ce serait encore pire, car ça voudrait dire rattraper beaucoup de retard dans un seul domaine, ce qui peut être plus difficile."

Les leçons du Grand Prix de France

Durant la première partie de saison, le moment le plus dur à vivre pour Ferrari a probablement été le Grand Prix de France, où Carlos Sainz et Charles Leclerc ont tous les deux terminé hors des points. Cette épreuve a mis en lumière les difficultés de la Scuderia à gérer les pneus avant, déclenchant une analyse approfondie à Maranello pour mieux comprendre le problème. Le travail a payé et a été récompensé puisque l'écurie a rapidement rebondi et n'a pas connu d'autre dimanche cauchemardesque sur ce point.

 

"À Maranello, nous avons essayé d'aborder l'exercice en nous demandant s'il y avait un problème de conception sur notre voiture, qui aurait pour conséquence d'entraîner ce type d'usure pneumatique", révèle Mattia Binotto. "Si l'on prend toutes les courses avant la France, en moyenne par rapport à toute la grille, nous étions ceux qui usaient le plus les pneus avant. Alors était-ce dû au concept de la voiture ou davantage au setup, à la gestion des pneus ou au style de pilotage ? Ce que nous avons fait, c'est essayer de faire bouger les paramètres du concept, comme la géométrie des suspensions, la répartition du poids, etc. Nous avons fait différentes simulations, hors piste et au simulateur, et essayé de déterminer l'influence de la conception de la voiture sur l'usure des pneus, de reproduire l'usure que nous avions eue en France en faisant bouger les paramètres."

"Ensuite nous avons travaillé sur le setup. On a une voiture qui est ce qu'elle est au niveau du setup et de la conception, mais on peut aussi changer des choses : le parallélisme, le carrossage, la rigidité, la répartition du poids, l'équilibre, l'aérodynamique. Et l'on peut essayer en quelque sorte de reproduire la situation en matière d'usure pneumatique. Nous avons essayé de modéliser les pneus dans nos simulations pour nous assurer d'avoir une meilleure corrélation d'ensemble."

Toutes ces investigations ont permis à Ferrari de conclure que la manière dont était réglée la SF21, notamment pour protéger ses pneus arrière, engendrait davantage de sous-virage.

"Si l'on a de l'usure, c'est parce que l'on glisse. C'est aussi simple que ça", explique Mattia Binotto. "Et si l'on glisse, les raisons peuvent simplement être dues au setup. Donc on peut protéger l'arrière de la voiture au freinage pour avoir une bonne stabilité, mais ça implique du sous-virage dans les courbes à moyenne et haute vitesse, et c'était certainement une combinaison de tout ça. Lors des Grands Prix suivants, nous avons essayé d'avoir plus d'équilibre entre survirage et sous-virage. Nous avons essayé de moins glisser à l'avant et de gérer les pneus à cet égard."

"Je pense que les mesures que nous avons prises dans ce sens ont été une bonne chose et une bonne direction pour faire face à l'usure des pneus. Dans les faits, en Autriche mais aussi certainement en Grande-Bretagne et en Hongrie, nous avons démontré que nous pouvions progresser avec l'usure des pneus avant, et ça ne semblait pas être aussi critique que ça ne l'avait été en France."

Le meilleur duo de pilotes

S'il y a bien un domaine dans lequel Ferrari a de quoi être très satisfait, c'est en ce qui concerne les pilotes. En choisissant de se séparer de Sebastian Vettel et de recruter Carlos Sainz, le Cheval cabré a fait un pari qui demandait à être confirmé pour faire taire les plus sceptiques. Dernièrement, Mattia Binotto s'est fait remarquer en affirmant que le duo formé par l'Espagnol et Charles Leclerc était le meilleur de la grille, ce qui n'a pas manqué de faire réagir, mais le directeur de la Scuderia assume.

 

"C'est mon jugement personnel", se justifie-t-il. "Ils sont tous les deux très jeunes, et c'est formidable car nous essayons de bâtir des fondations solides pour l'avenir, mais dans un sens ils sont déjà expérimentés. Je pense que Charles fait très bien les choses. Il progresse encore, il a un potentiel élevé et il n'a pas encore accompli ce qu'il pouvait faire de mieux. Carlos s'est très bien intégré dans l'équipe. En matière d'intégration des pilotes, à la fois entre eux au niveau de l'ambiance, mais aussi d'intégration au circuit et avec les ingénieurs à Maranello, je dois dire que ça fonctionne très bien. Cela montre un grand potentiel qui, j'en suis sûr, est encore loin d'être totalement exploité."

"Au championnat, ils ont quasiment le même nombre de points, 83 et 80. J'ai toujours dit que pour gagner le titre constructeurs il fallait deux pilotes performants. C'est ce que nous démontrons. Nous avons deux pilotes solides, deux compétiteurs. Je suis certain que lorsqu'ils auront la bonne voiture, tous les deux seront au rendez-vous."

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