Analyse

Comment Ferrari prépare ses futures stars

On ne peut qu'imaginer ce que les deux réceptionnistes de l'hôtel se sont dit lorsque les membres de la Ferrari Driver Academy ont rendu les clés après leur récent camp d'entraînement hivernal dans la station de Pontresina, en Suisse.

Les pilotes de la Ferrari Driver Academy s'entraînent

Photo de: Ferrari

Lors de cette semaine-là, au beau milieu du hall d'accueil se trouvait un simulateur F1 dernier cri – et le plus souvent, un pilote en son sein.

Le bruit du simulateur (qui était doté du train avant de la Ferrari F2004, pour ajouter une touche d'authenticité) était un fond sonore constant pour l'entraînement physique en altitude des recrues de la FDA.

Chaque fois qu'un des jeunes passait par la réception, il était forcément tenté de faire un nouveau tour. D'autant que s'il venait à battre le meilleur temps, un message WhatsApp serait très rapidement envoyé au reste du groupe pour l'en informer.

Les jeunes loups n'ont toutefois pas pu rivaliser avec l'expérience de Giancarlo Fisichella, dont le tour de Monza en 1'24"815 est resté invaincu. Sa performance derrière le volant n'avait d'égal que les conseils qu'il prodiguait à ses poulains. Pour que ces derniers écoutent, apprennent et progressent plus vite, les enseignements des vétérans se sont en effet avérés précieux.

Les pilotes de la Ferrari Driver Academy s'entraînent

On retrouvait pour ce stage des membres de longue date de l'académie mais aussi de nouvelles recrues : Antonio Fuoco, Giuliano Alesi, Callum Ilott, Enzo Fittipaldi et Gianluca Petecof. Trois autres n'ont pu s'y rendre : Robert Shwartzman et Marcus Armstrong participaient au Toyota Racing Series en Nouvelle-Zélande, tandis que Guan Yu Zhou avait d'autres engagements.

Cette semaine organisée par le manager de l'académie Massimo Rivola n'est pas qu'un simple camp de préparation physique, elle est emblématique du projet de la FDA dans son ensemble. À son origine, un concept très clair, car soutenir financièrement un jeune pilote qui gravit les échelons vers la Formule 1 est extrêmement coûteux.

Avant de pouvoir mettre le casque et la combinaison, quelque chose est exigé en retour. Un esprit de sacrifice, une volonté d'apprendre, un certain caractère, la vie en groupe et la défaite gracieuse, ainsi que bien d'autres aspects qui peuvent être observés à l'extérieur d'un circuit.

"Être en montagne dans un nouveau contexte, loin de chez soi, crée une situation nouvelle pour nos jeunes", analyse Massimo Rivola. "C'est normal pour les athlètes de n'essayer que les activités où ils sont performants, mais ici, tout le monde est soumis au même programme. L'objectif est de stimuler la compétition et d'évaluer les réactions au succès et à la défaite."

Giuliano Alesi

En sport auto, on dit souvent que le premier rival d'un pilote est son coéquipier, et c'est également le cas à la FDA. Vivre avec son adversaire est crucial en vue d'un avenir professionnel, et dans le cas de Fittipaldi et Petecof, ils partagent même leur chambre d'hôtel. C'est la première étape de ce que sera leur vie commune chez Prema en Formule 4 cette année.

"La compétition crée du stress, et les comparaisons qui commencent lors de ces activités les aident à apprendre à gérer ça", explique Rivola. "L'approche de l'entraînement et de la compétition qui peut être faite à la salle de sport ou à ski en dit long sur un pilote."

"Quand Leclerc est arrivé, il se donnait à fond dès le début de chaque confrontation, mais a souvent payé le prix de cet effort initial, qui n'était pas aussi fructueux qu'espéré. Nous avons fait du bon travail avec lui. Quand on est préparateur physique ou mental, le rôle est très similaire à celui d'un ingénieur de piste, qui serait exclusivement technique sur le papier mais doit en réalité comprendre des aspects psychologiques importants."

Les pilotes de la Ferrari Driver Academy s'entraînent

Tandis que pousser les voitures et les moteurs à la limite n'est rien de nouveau en Formule 1, ce qui a grandement évolué ces dernières années, c'est l'évaluation des pilotes.

Bien qu'il aille désormais de soi qu'un pilote a besoin de la bonne attitude pour atteindre la Formule 1, une forte solidité mentale est considérée comme la priorité, au-delà du talent pur. Un pilote très rapide n'ayant qu'une attitude psychologique "normale" ne ferait pas long feu sous la pression de la lutte pour le titre mondial.

"Dans notre groupe de pilotes, il y en a des plus expérimentés comme Fuoco, qui s'apprête à disputer sa deuxième saison en Formule 2, et d'autres qui viennent de finir leur carrière en karting", poursuit Rivola. "Nous voulons qu'ils s'entraînent ensemble, car même si le plus expert a des connaissances qui lui donnent un avantage sur le papier, quelqu'un de très jeune peut toujours lui donner du fil à retordre."

Les différences d'âge se font ressentir dans les essais de départ, où les jeunes pilotes tentent toujours d'impressionner mais font bien trop d'erreurs et oublient que c'est la valeur moyenne qui compte le plus quand il s'agit de juger les performances.

Mais cette semaine-là, il ne s'agit pas seulement de travailler dur. Lors d'une pause, l'un des pilotes s'est rendu compte dans l'hilarité générale qu'il avait perdu son téléphone... qui lui avait en fait été chipé. Il s'avère que Fittipaldi et Petecof lui avaient fait une farce, et en guise de vengeance, leur chambre d'hôtel a été mise sens dessus dessous.

Les pilotes de la Ferrari Driver Academy s'entraînent

Cependant, même ces moments plus détendus qui n'ont pas grand-chose à voir avec la course sont observés par la FDA pour étudier les aptitudes mentales et la personnalité. Car la FDA s'est vraiment développée, à mille lieues de ce qu'étaient les programmes de jeunes pilotes au début des années 2000. À l'époque, l'approche était simplement de fournir un soutien financier à une étoile montante, de lui choisir une catégorie où courir et, après avoir signé quelques chèques, d'attendre les victoires et les titres.

Ce n'est plus le cas. Cela va au-delà du simple fait de juger la rapidité et le talent : il s'agit d'évaluer comment un pilote réagira quand il s'essaiera à la Formule 1, et surtout quelle sera sa réaction après avoir commis une grave erreur ou s'il se retrouve face à un coéquipier qui lui mène soudain la vie dure.

"Nous utilisons Prema comme référence, car c'est une équipe qui couvre les échelons de la Formule 4 à la Formule 2", souligne Rivola. "Nous essayons toujours d'avoir un feedback direct et de comprendre le très grand nombre de variables qui se cachent derrière une victoire ou un mauvais week-end."

La FDA a clairement pris de la valeur ces derniers mois, le nouveau partenariat d'Alfa Romeo avec Sauber ayant démontré qu'il y avait désormais une voie directe vers la Formule 1. La promotion de Charles Leclerc a donné à tous les jeunes un véritable espoir que l'académie Ferrari les mène au sommet s'ils sont performants.

"Quand nous avons appris que Charles avait été promu de la FDA à un poste de titulaire en F1, c'était une immense satisfaction", se remémore l'Italien. "Cela a prouvé que tout le monde avait travaillé dans la bonne direction. Car peu importe à quel point on se convainc soi-même qu'on fait le bon travail, sans un tel résultat, on n'a pas la certitude. Maintenant, nos jeunes ont une motivation supplémentaire. Ils savent qu'il y a vraiment un débouché au sommet, donc c'est encore plus important pour eux de pouvoir obtenir les résultats attendus."

Les pilotes de la Ferrari Driver Academy s'entraînent

Un autre chose qui a changé au sujet des programmes de jeunes pilotes, c'est l'âge. Il y a dix ans, on considérait un "jeune" pilote comme ayant 18 ans ; maintenant, on voit des adolescents de 14 ans face aux responsabilités de grandes écuries comme Ferrari.

Débuter si jeune peut mener à un scénario où, si les choses ne fonctionnent pas, une carrière peut s'achever avant même d'avoir véritablement commencé. Que se passe-t-il alors, si les rêves ne deviennent pas réalité et s'il est considéré qu'un jeune n'a pas ce qu'il faut pour atteindre le sommet ?

"Il y a ceux qui décident de trouver des catégories alternatives indépendamment de nous, mais nous essayons de comprendre si un jeune a les qualités pour courir en GT par exemple : c'est une catégorie très relevée où Ferrari est fortement présent", rappelle Rivola.

"C'est une alternative très professionnelle, très appréciée par les pilotes qui ont emprunté cette voie. Mais notre tâche principale reste d'identifier et de former ceux qui peuvent aspirer aux objectifs les plus élevés."

Tout comme le design et la construction d'une F1 requiert d'assurer que chaque détail soit à 100%, pour la FDA, rien n'est laissé au hasard concernant ceux qui sont derrière le volant.

Et dans les couloirs de Maranello, l'académie continue de suivre l'adage d'Enzo Ferrari : "J'aime à penser que Ferrari peut construire des pilotes autant que des voitures."

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