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Les secrets d'une Ferrari couronnée qui attend la relève

En son temps, la F2007 représentait un changement radical dans la philosophie de conception de Ferrari, et peu de monoplaces à Maranello ont été aussi complètes que celle-ci. Voici son histoire.

Ferrari F2007

Ferrari F2007

L'année 2007 était le début d'une nouvelle ère pour Ferrari, après le départ des cadres qui avaient tant fait pour redresser l'écurie à la fin des années 90. Le directeur Jean Todt, le directeur technique Ross Brawn, le chef designer Rory Byrne et le multiple Champion du monde Michael Schumacher avaient en effet tourné la page. En coulisses, tous n'étaient pas heureux : mécontent que le président de Ferrari, Luca di Montezemolo, ait décidé de manière unilatérale d'engager Kimi Räikkönen et de mettre Schumacher prématurément à la retraite, Todt avait pris du recul pour regarder vers d'autres horizons. Ambitionnant de devenir directeur d'écurie mais sachant qu'il n'obtiendrait jamais ce poste chez Ferrari, Brawn avait pris une année sabbatique. Quant à Byrne, il avait pris sa retraite pour créer une école de plongée sous-marine en Thaïlande.

Brawn avait parfaitement préparé son départ, laissant en héritage un personnel expérimenté et formé à ses méthodes. Adjoint de longue date de Byrne, Aldo Costa avait pris la tête du département conception tandis que Nikolas Tombazis, fraîchement revenu après un passage chez McLaren, avait pris la place de chef designer. Recruté chez Renault en 2004, John Iley demeurait aux commandes du département aéro.

La 248F1, devancière de la F2007, avait permis à Ferrari de revenir aux avant-postes après une année 2005 globalement ratée, mais elle n'avait pas suffi pour que Schumacher parvienne à décrocher un huitième titre mondial. La réaction de Ferrari fut agressive, et si la F2007 semblait au premier abord adopter une philosophie aérodynamique familière, elle était en fait très différente. Certains des changements apportés correspondaient aux nouvelles règles en matière de crash-test ainsi qu'à l'obligation d'utiliser deux types de pneus différents lors de chaque course. Mais d'autres constituaient une évolution importante dans la réflexion de la Scuderia.

Le principal changement était l'adoption d'une approche "zéro quille" pour le montage de la suspension avant. Elle était de plus en plus à la mode pour progresser sur le plan aérodynamique en coupant la carrosserie sous le nez, mais elle nécessitait des compromis en matière de rigidité structurelle et de géométrie de la suspension que Ferrari n'avait jusque-là pas voulu assumer. La suspension "zéro quille" consiste en deux triangles inférieurs séparés, inclinés légèrement vers le haut pour rejoindre le nez supérieur de chaque côté plutôt que venir se fixer à un éperon de carrosserie situé plus bas.

Suspension avant de la Ferrari F2007

Tout en revoyant sa conception, Ferrari avait également raccourci les triangles supérieurs pour abaisser le centre de roulis, atténuant ainsi les effets provoqués par le nez surélevé. La structure de crash était plus longue pour respecter la nouvelle réglementation mais également pour allonger l'empattement de 85 mm, créant ainsi un espace plus grand pour accueillir des déflecteurs plus sophistiqués et mieux gérer les turbulences aéro provoquées par les roues avant. Les entrées des pontons et les aubes directrices avaient été redessinées pour optimiser l'utilisation du flux d'air venant de l'avant.

Dans le dos du pilote, le V8 2,4 litres était théoriquement inchangé en raison du gel moteur, mais la boîte de vitesses à sept rapports qui y était couplée était désormais "seamless", une innovation devenue essentielle depuis son apparition l'année précédente chez McLaren-Mercedes et Honda.

Entre la présentation de la monoplace et le premier Grand Prix de la saison, Ferrari modifia les ailerons, l'avant étant plus haut et présentant davantage de torsion au niveau du deuxième élément à la jonction avec le nez. Mais certains des détails les plus intelligents et sophistiqués de la F2007 étaient invisibles à l'œil nu, ne faisant au départ que l'objet de suppositions. Ou en tout cas c'est ce que l'on croyait…

Après la victoire de Räikkönen dès le premier Grand Prix en Australie, McLaren avait déposé une requête technique détaillée auprès de la FIA. Le mécanisme est habituel lorsqu'une écurie suspecte un concurrent de contourner le règlement. Celle-ci concernait la légalité d'un splitter flexible à l'avant.

Kimi Raikkonen, Ferrari F2007 bloque une roue

Dans cette zone de la carrosserie, une certaine flexibilité était permise, au motif que sans cela, il y aurait une vulnérabilité lors du passage sur les vibreurs. Comme pour de nombreuses autres surfaces, la flexibilité du splitter était testée lors des vérifications techniques en lui infligeant une force de 500 N : toute déformation allant au-delà de la tolérance de 15 mm (5 mm vers le bas, 10 mm vers le haut) le rendait illégal.

Le splitter de la F2007 était articulé à l'arrière, où il était attaché au baquet, et fixé à l'avant sous le nez de la voiture par un élément comportant deux ressorts, l'un en tension et l'autre en compression, qui étaient réglables selon la nature du circuit et le lest embarqué. Le splitter flexible provoquait un cercle vertueux d'avantages pour la performance : la voiture pouvait être plus basse à haute vitesse, optimisant le travail aérodynamique ; il était possible d'agir sur le diffuseur pour gagner de la vitesse de pointe ; et les pilotes pouvaient passer plus agressivement sur les vibreurs et prendre des libertés dans les chicanes.

Depuis une décennie, la FIA utilisait la hauteur de caisse pour limiter les gains de performance, et l'instance internationale eut une réaction immédiate en annonçant une nouvelle procédure de vérification à partir du deuxième Grand Prix, en Malaisie. Ferrari et BMW – qui utilisait un système similaire sur sa F1.07 – furent ainsi contraints de retirer les mécanismes à ressorts. Mais il est difficile d'obliger un génie à retourner dans sa lanterne...

Avant le Grand Prix d'Espagne, les procédures d'inspection furent une nouvelle fois modifiées, cette fois pour écarter une alternative qui avait été trouvée, supplantant le système à ressorts par un support avant du fond plat qui était conçu pour fournir une résistance initiale aux charges puis s'assouplir par la suite. Cette question fut mise en lumière à la fin de l'année, lors des audiences consécutives au Spygate et de l'examen d'un système similaire chez McLaren.

Felipe Massa, Ferrari F2007

L'affaire d'espionnage impliquant le chef mécanicien de Ferrari, Nigel Stepney, et le chef designer de McLaren, Mike Coughlan, avait commencé à faire surface dès le début de la saison. Ce qui avait débuté par des rumeurs de sabotage dans le garage Ferrari à Monaco avait fini par exploser pour devenir une tempête entre les deux meilleures écuries de F1 de l'époque, avec à la clé une amende incroyable de 100 millions de dollars infligée à McLaren. Stepney se serait senti mis à l'écart pendant la restructuration chez Ferrari, et chez McLaren, Coughlan aurait éprouvé un sentiment similaire en pensant ne jamais atteindre les responsabilités qu'il convoitait. Ensemble, ils avaient prévu de trouver un emploi dans une autre équipe et d'y arriver avec en leur possession des secrets de Ferrari pour impressionner.

Au tribunal, il fut révélé que Stepney avait donné des indications à Coughlan concernant le fond plat flexible de la F2007 avant le Grand Prix d'Australie. Parmi les autres révélations, on apprit que Ferrari utilisait un gaz fluorocarbure inhabituel dans ses pneus afin de faciliter la gestion de la température, et que la F2007 était dotée d'un système qui ajustait la répartition des freins arrière pour éviter le blocage des roues.

À la fin de la saison, la bagarre judiciaire fut aussi vicieuse que celle ayant animé tout le championnat. Ferrari et McLaren s'étaient battus bec et ongles dès le premier Grand Prix, et le rythme de développement était stupéfiant. Les deux écuries apportaient de nouvelles pièces sur chaque course et, au Grand Prix d'Espagne, Ferrari avait même introduit une monocoque entièrement nouvelle avec des pontons plus courts, nécessitant une nouvelle homologation. À Silverstone, la Scuderia avait ajouté un carénage sur la face extérieure des roues avant pour gagner en aéro en faisant passer de l'air via les écopes de freins. Peu importe l'ampleur du gain obtenu, il avait fallu modifier en conséquence les fixations et la méthodologie des arrêts au stand.

Le vainqueur Kimi Räikkönen, Ferrari F2007

En début de saison, un autre changement avait été imposé à Ferrari, sur un tout autre plan que celui de la technique. Les préoccupations grandissaient devant l'utilisation de l'identité visuelle de la marque de cigarettes Marlboro, avec un code-barres figurant à la place du logo dans les pays où la publicité pour le tabac était interdite. Tout en refusant de céder à la pression et en conservant ce fameux code-barres, Ferrari avait modifié la couleur de la livrée à partir du Grand Prix de Monaco pour aller vers un rouge plus profond et plus sombre, moins proche de celui utilisé par Marlboro.

Après la victoire de Räikkönen à Melbourne, Fernando Alonso avait fait triompher McLaren en Malaisie puis Felipe Massa s'était imposé à Bahreïn et en Espagne pour la Scuderia, avant que Lewis Hamilton ne gagne à son tour par deux fois. Le duo McLaren avait pris l'ascendant sur les Ferrari avant que la guerre ne soit déclarée en interne à Woking, Alonso se sentant mal-aimé au sein d'une équipe qui avait accompagné Hamilton depuis ses jeunes années en karting.

La fiabilité n'était pas le point fort de la F2007, et sa douceur avec les pneus – sans aucun doute facilitée par l'utilisation de ce gaz inhabituel dans les gommes Bridgestone – était autant un obstacle en qualifications qu'un avantage en course. Massa se retrouva écarté de la course au titre lorsqu'un amortisseur à inertie le lâcha à Monza. Cette pièce était présente sur la Ferrari depuis la mi-saison, et il s'agissait d'une alternative légale suite à l'interdiction des mass dampers utilisées les années précédentes par Renault.

Le titre semblait promis à Hamilton lors de l'avant-dernière manche à Shanghai, mais McLaren commit une erreur stratégique en faisant inutilement tout pour qu'il termine devant Alonso. Räikkönen dérocha la victoire pendant que le Britannique se retrouvait pris au piège du bac à gravier à l'entrée des stands, à cause de pneus beaucoup trop usés et d'un arrêt trop tardif.

Tout se termina en apothéose à Interlagos, où Massa se plia poliment aux consignes d'équipe chez Ferrari pour que Räikkönen s'impose. Des trois pilotes encore en lice pour le titre, Räikkönen était le moins bien placé pour décrocher la timbale mais Ferrari réalisa une course parfaite. McLaren perdit finalement tous ses points au championnat, offrant un doublé pilotes-constructeurs à Ferrari, ce qui n'est plus arrivé depuis. En 2008, la Scuderia remporta le championnat constructeurs une dernière fois. Mais depuis la F2007, peu de monoplaces rouges ont paru aussi complètes que celle-ci.

Le palmarès de la Ferrari F2007

Départs : 34

Victoires : 9

Pole positions : 9

Meilleurs tours en course : 12

Autres podiums : 13

Points marqués : 204

Spécifications techniques de la Ferrari F2007

Châssis : monocoque en fibre de carbone

Moteur : V8 Ferrari 056

Cylindrée : 2398 cc

Puissance : 790 ch à 19 000 trs/min (estimation)

Boîte de vitesses : semi-automatique, seamless à 7 rapports 

Pneus : Bridgestone 

Poids : 600 kg

Le Champion du monde Kimi Raikkonen, Ferrari F2007 fête la victoire

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