Analyse

Comment Ferrari a gagné un coûteux test Pirelli prévu pour Mercedes

Pourquoi Mercedes a annulé un test Pirelli malgré un crédit de 400'000 $ pour réaliser celui-ci.

Lewis Hamilton, Mercedes W12

Lewis Hamilton, Mercedes W12

Glenn Dunbar / Motorsport Images

La décision de Mercedes de ne pas participer aux essais des pneus Pirelli 18 pouces au Paul Ricard, la semaine prochaine, a mis en lumière l'impact que peuvent avoir les restrictions budgétaires mises en place en Formule 1 sur le fonctionnement des grandes équipes.

Après que Valtteri Bottas a été impliqué dans un important accident à Imola, l'équipe a immédiatement souligné que le coût des dommages pourrait compromettre le développement plus tard dans la saison. Le choix de sauter un test pneumatique initialement prévu est une preuve supplémentaire de la façon dont les grandes équipes doivent maintenant rendre compte de chaque dollar qu'elles dépensent. Ainsi, même un "crédit" de 400'000 dollars accordé pour la participation aux essais Pirelli n'aura pas suffi à Mercedes pour justifier l'envoi de sa voiture et de son équipe de tests en France.

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La séance d'essais de deux jours au Paul Ricard, destinée à du travail exclusif sur les pneus pluie, était l'une des trois sessions que Mercedes avait initialement accepté de faire pour aider Pirelli à peaufiner ses nouveaux produits de 18 pouces qui entreront en jeu à compter de la saison 2022. L'équipe de Brackley a effectué deux jours d'essais en slicks à Imola en avril et une unique journée de roulage en pneus secs est toujours prévue en août, à Budapest. Le créneau libéré par Mercedes sera pris par Ferrari, qui réalisera ainsi la séance de deux jours de tests "pluie" la semaine prochaine. Néanmoins, le fait que l'équipe Championne du monde se soit abstenue peut préoccuper sur l'impact potentiel que peuvent avoir les restrictions de dépenses sur le développement – nécessaire – des pneus pour les saisons à venir.

 

200'000 $ par journée de tests pouvant être déduits du plafond

Les tests pneumatiques ont été l'un des sujets à revenir régulièrement dans les discussions entre les équipes et les instances dirigeantes au moment de finaliser l'écriture du Règlement Financier encadrant le futur de la F1. C'est ainsi qu'il fut décidé que les coûts liés à de telles participations aux tests, cruciaux pour Pirelli, pourraient être déduits à hauteur de 200'000 $ par journée de participation du seuil limite devant être respecté par les teams. C'est donc d'un "crédit" de 400'000 $ qu'aurait disposé Mercedes pour participer à ceux-ci la semaine prochaine. Néanmoins, Mercedes se trouve déjà si proche des 145 millions de dollars de dépenses autorisées pour la saison 2021 que le fait de réaliser une dépense supérieure à 400'000 $ pour y participer n'avait pas de sens.

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Il faut dire que la saison est déjà bien chargée par ailleurs : avec 23 événements prévus au calendrier cette saison, l'écurie serait en temps normal allée chercher des ressources humaines du côté de son équipe de démonstration ou de la division "héritage" pour soulager l'équipe de course traditionnelle. Ce staff ne subit pas la contrainte de la limite budgétaire car son activité de base n'est pas directement liée à l'équipe de course. Il peut néanmoins participer au quotidien à certaines activités, dans la limite de 10% de son taux horaire habituel. Dans le cas où une ressource "secondaire" serait utilisée au-delà de 10% sur des activités entrant dans le champ d'action de l'équipe F1, c'est l'intégralité de son salaire qui serait alors comptabilisé comme entrant dans le budget soumis à la limite budgétaire. Dans le contexte de l'année 2021 et des obligations de quarantaine ou de droit du travail à appliquer avec les congés, la complexité de limiter l'implication de ces ressources disponibles est énorme.

 

Une limite de 5000 km par an sur les unités de puissance

La seconde raison, qui existe toujours mais est particulièrement sous-pesée par les équipes, concerne le coût d'un test, quel qu'il soit, dans le domaine de l'unité de puissance. Il existe dans une annexe du Règlement Sportif F1 2021 un passage baptisé "périmètre d'approvisionnement en unités de puissance", dans lequel l'on trouve une référence méconnue au kilométrage total des essais autorisés pour l'année. En substance, elle indique que la facture annuelle attribuable aux unités de puissance d'une équipe couvre deux voitures pour la saison de course ainsi que jusqu'à 5000 km d'essais.

Elle ajoute : "Les unités de puissance supplémentaires ou les pièces de rechange nécessaires pour remplacer les unités hors service en raison d'un accident, de dommages ou d'une autre cause induite par le concurrent se trouveront en dehors du périmètre de fourniture et entraîneront des frais supplémentaires." En d'autres termes, le coût de location des unités de puissance que Mercedes AMG F1 paie à sa maison mère Daimler AG est le même chiffre que ses trois clients, et ne comprend que 5000 km d'essais. Au-delà de ce chiffre, les coûts supplémentaires engendrés par l'unité de puissance doivent être ajoutés aux dépenses, ce qui fait dangereusement se rapprocher de la limite du plafond.

Cette année, Mercedes a déjà effectué trois jours d'essais à Bahreïn, deux courtes journées de tournage de 100 km et deux jours de roulage des pneus 18 pouces pour Pirelli à Imola. Elle doit encore effectuer le test pneumatique d'une journée à Budapest, puis le test d'Abu Dhabi après la dernière course. Si l'équipe avait roulé au Paul Ricard pendant deux jours la semaine prochaine, elle aurait dépassé les 5000 km pour l'année, déclenchant des coûts supplémentaires d'unité de puissance qui seraient alors ajoutés à la dépense totale pour la saison.

"Nous essayons de respecter le plafond budgétaire, ce qui n'est pas anodin", a déclaré le patron de Mercedes, Toto Wolff, jeudi, à Monaco. "Nous ne pouvions pas englober les coûts liés au test des pneus et nous n'aurions pas pu envoyer nos mécaniciens sur un si long déplacement."

 

Ferrari en profite pour se placer

Il convient de souligner qu'en 2021, cette situation de kilométrage n'affecte réellement que Mercedes et Ferrari, car ce sont les seules équipes qui se sont portées volontaires à l'origine pour faire cinq jours de tests avec Pirelli. L'autre acteur majeur qui se rapproche du plafond, Red Bull Racing, a choisi de n'observer que trois journées de tests. Ferrari a maintenant augmenté son engagement total pour les essais Pirelli à sept jours, et a donc vraisemblablement trouvé un moyen d'absorber ces coûts moteur supplémentaires dans le cadre de son plafond de dépenses.

En outre, l'équipe italienne se trouve dans une situation différente de celle de Mercedes en ce qui concerne la mécanique, dans la mesure où elle utilise du personnel de l'équipe de course : son équipe se rendra directement de Monaco au Paul Ricard la semaine prochaine. Ainsi, elle ne se trouve pas dans la situation complexe où l'ensemble du salaire annuel des employés d'une équipe non-F1 tombe soudainement dans le zone du plafond budgétaire. La décision de Maranello indique également que la Scuderia est prête à faire tous les tours qu'elle peut avec les gommes 18 pouces, car il y a toujours quelque chose à apprendre, même avec une voiture mulet.

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"Chez Ferrari, nous avons toujours dit que 2022 était en quelque sorte notre priorité par rapport à 2021", déclare le patron de l'équipe Mattia Binotto. "Et nous pensons que tester les pneus Pirelli et aider Pirelli à développer les nouveaux pneus est important pour nous. Par chance, nous n'avons pas eu d'accident à Imola, donc nous avons finalement plus de marge de manœuvre que Mercedes aujourd'hui. D'une certaine manière, nous ainsi sommes heureux d'accepter et de soutenir [Pirelli]".

Deux jours de roulage sur le mouillé et le transfert d'un test à une autre équipe n'est peut-être pas une grosse affaire dans la globalité. Cependant, ce qui est important, c'est ce que la décision de Mercedes révèle sur le plafond budgétaire, et à quel point il a déjà un impact sur les opérations quotidiennes des grandes équipes. N'oublions pas que le plafond passera à 140 millions de dollars en 2022, puis à 135 millions de dollars en 2023, ce qui rendra l'équilibre financier encore plus difficile à atteindre…

 

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