Quand la F1 s'est rendue à Zandvoort pour la dernière fois

La Formule 1 était très différente la dernière fois que la station balnéaire de Zandvoort a accueilli un Grand Prix. Niki Lauda, triple Champion du monde, était au crépuscule de sa carrière et se battait contre des étoiles montantes tels que Alain Prost et Ayrton Senna. Nelson Piquet était en plein milieu de son illustre carrière en catégorie reine, et son aventure avec Brabham se terminait dans la douleur.

Nous sommes le 25 août 1985. En raison d'une averse s'étant abattue sur le circuit la veille, ce sont les temps établis le vendredi qui servent à définir la grille de départ. Celle-ci voit Piquet occuper la pole position devant Keke Rosberg. Prost et Senna se partagent la deuxième ligne. Au volant de sa rétive Toleman (qui deviendra plus tard Benetton puis Alpine), Teo Fabi s'élance cinquième, ce qui est une excellente performance pour le pilote italien. Patrick Tambay est sixième, Nigel Mansell, Thierry Boutsen et Marc Surer le suivent. Et le Champion du monde en titre alors, où se trouve-t-il ? Lauda, qui avait annoncé au Grand Prix précédant son départ définitif à la fin de l'année, n'est que dixième.

L'Autrichien bénéficie néanmoins des avaries de Tambay, partant depuis la voie des stands, du poleman Piquet et de Boutsen, ayant tous les deux calé sur la grille, pour gagner trois positions sans trop d'effort. Le pilote McLaren élimine également Surer et Mansell et pointe à la cinquième place à la sortie de Tarzan, la première courbe. En tête, Rosberg conserve une courte marge d'avance sur Senna, tandis que Fabi se paie le luxe de dépasser Prost !

Néanmoins, le pilote Toleman cède face au Français dans le deuxième tour, puis face à Lauda au cinquième passage. Senna connaît ensuite des problèmes avec son moteur V6 Renault, ce qui permet aux pilotes McLaren d'être les premiers poursuivants de Rosberg, qui compte moins de trois secondes d'avance. Au même moment, Fabi ressent un problème sur son train arrière et doit rentrer au stand pour abandonner, ce qui met un terme à ses rêves de top 6. Le Grand Prix fait rapidement une autre victime. Avant même d'atteindre le premier tiers de la course, Rosberg s'arrête sur le bas-côté, moteur fumant.

Les changements de pneus ne sont pas obligatoires à cette époque, néanmoins les gommes Goodyear et Pirelli ne peuvent pas tenir le rythme dicté par les pilotes. Après l'abandon du leader, Lauda regagne son stand pour chausser des pneus neufs et fait donc un undercut sur son coéquipier. Quelques minutes plus tard, Prost l'imite mais son arrêt se passe mal. À la sortie de la voie des stands, il compte une quinzaine de secondes de retard sur Lauda, propulsé en tête, et repasse derrière Senna.

Nous ne sommes toutefois pas encore à l'heure de la guerre Prost-Senna, et la bataille qui se profile à Zandvoort ce dimanche tourne court : d'une part, le moteur de Senna continue de donner des signes de fatigue, de l'autre, les pneus tendres neufs de Prost font de lui le pilote le plus rapide en piste. Au 47e tour, l'affaire est réglée lorsque Prost le dépasse dans la ligne droite de départ/arrivée.

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Il reste encore plus de vingt boucles à compléter et l'écart entre Lauda et Prost est chiffré à moins de dix secondes. Les quelques dizaines de milliers de fans dans les tribunes et sur les dunes se préparent à vivre un affrontement entre l'ancienne génération et la nouvelle. McLaren ne transmet aucune consigne d'équipe, Lauda ne peut compter que sur lui-même dans la quête de sa 25e victoire en carrière. Certes, le caractère étroit du circuit de Zandvoort lui vient en aide, mais le pilote autrichien doit malgré tout modifier ses trajectoires, en se plaçant au centre de la piste, pour contenir son adversaire du jour.

Les deux hommes sont roue dans roue du 63e au 70e tour. En dépit de plusieurs tentatives de dépassement, Prost ne trouve aucun moyen de passer et franchit la ligne d'arrivée deux dixièmes de seconde derrière l'Ordinateur. Ils sont rejoints par Senna sur le podium. Le vieux pilote est entouré par les jeunes loups, voilà un signe des choses à venir en Formule 1. En terminant quatrième, Michele Alboreto perd sa première place au classement général (codétenue avec Prost) et accuse désormais trois points de retard sur le Français. Elio de Angelis et Mansell complètent le top 6.

Le Grand Prix des Pays-Bas 1985 n'est pas seulement la dernière victoire de Niki Lauda en Formule 1, c'est aussi la dernière épreuve courue à Zandvoort. Bien que des améliorations aient été apportées à la suite de plusieurs accidents mortels dans les années 1970, notamment ceux de Piers Courage et Roger Williamson, le profil du circuit n'a pratiquement pas changé et les possibilités d'amélioration sont limitées en raison des habitations adjacentes.

En 1989, le circuit est amputé de près de deux kilomètres. La première portion reste intacte mais des virages redoutables tels que Scheivlak, Tunnel Oost et Bos Uit font leurs adieux. Fort heureusement, dix ans plus tard, Zandvoort réintègre une partie de son ancien tracé et redevient un circuit international réputé.

Entre-temps, la Formule 1 est passée à autre chose, mais pas les dirigeants du circuit. Des démonstrations avec des F1 anciennes et modernes ont lieu très régulièrement et, après plus de trois décennies d'attente, une opportunité de retour au calendrier voit le jour. Elle est saisie à deux mains et elle est prévue pour la saison 2020. Mais la pandémie de coronavirus en décide autrement. L'armée orange de Max Verstappen, érigé au rang de héros national aux Pays-Bas, patiente 16 mois de plus. Enfin, en ce premier week-end de septembre 2021, les spectateurs néerlandais pourront entendre les moteurs de F1 vrombir de nouveau sur les rives de la mer du Nord.